Zmaj, Jovan Jovanović (1833-1904)

 

Zmaj J. J. portrait


 
 
 
 

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Poète au vers musical et éthéré, à l’aise aussi bien dans la poésie lyrique que dans la ballade, dans l’invective satirique que dans le poème en prose – pour les besoins duquel il crée le beau terme de „prosaïde“ – Jovan Jovanović Zmaj représente le cas de figure du grand poète national dans sa plus belle et sa plus noble acception. Par son œuvre lyrique, par son engagement politique, par la profusion même et la facilité avec lesquelles il évoque aussi bien la réalité des sentiments intimes que les évènements sociaux et politiques de son temps, celui que ses contemporains surnomment „Zmaj“ („le dragon“) présidera plus que tout autre – hormis Njegoš – à l'unification politique des Serbes, à la cimentation de leur identité nationale moderne par-delà les frontières des empires et principautés.

Juriste et médecin de formation, poète de vocation, journaliste et écrivain par nécessité, Zmaj excelle dans la poésie lyrique, politique, patriotique. Sa poésie engagée la plus fine est satirique et allégorique, sa poésie pour la jeunesse, quand à elle, couvre aussi bien la fable que la comptine ou l’exaltation du sentiment national. Aujourd'hui encore, plus d'un siècle après sa mort, les mères – qu'elles soient originaires de sa Voïvodine natale ou du Monténégro, de Bosnie, d’Herzégovine, de Serbie centrale ou du Kosovo – chantent ses comptines à leurs enfants et expriment, par ces poèmes mis en musique dont souvent on oublie qui en est l’auteur, l'unicité évidente d'une nation.

Zmaj est né en 1833, à Novi Sad, dans une famille de notables aisés. Son père a exercé la fonction de maire de Novi Sad. Lui-même sera plus tard conseiller municipal de la même ville au sein du parti de Svetozar Miletić, figure politique majeure de son époque. Novi Sad est alors à la fois la capitale politique des Serbes d’Autriche et la capitale culturelle des Serbes dans leur ensemble. Son surnom „Zmaj“ (du cyrillique „Змај“) dérive de l’Assemblée révolutionnaire du 3 mai 1848 (l’assemblée nationale qui se tient alors à Sremski Karlovci insiste sur la nécessité d’une organisation territoriale et politique des Serbes d’Autriche-Hongrie, ce qui aboutira à la naissance de la « Voïvodine » de Serbie (c’est à dire Duché de Serbie). Il effectue ses études de droit à Budapest, Bratislava et Vienne et entame, dans un même élan, sa carrière littéraire autour du cercle de Vuk Karadžić, à Vienne, en publiant ses premiers poèmes dans l’éminent Летопис Матице српске /Annales de Matica srpska. De retour à Novi Sad, il se marie en 1861 et publie ses Ђулићи / Roses, poésies sur le bonheur de la vie amoureuse et conjugale, crée divers journaux en relation étroite avec le programme libéral et national de Miletić et du mouvement pan-serbe Уједињена oмладина српска / Jeunesse serbe unie. En 1863 il est nommé au poste de directeur de la fondation académique Tekelianum de Budapest et reprend ses études en médecine. Il y fonde la société littéraire Преодница / La traductrice. En 1864 il fonde le journal satirique Zmaj dont la popularité est telle qu’on finit par le nommé définitivement du nom de son journal. Il perd sa femme en 1872 puis le seul des cinq de leurs enfants qui ait survécu à leur mère. C’est alors qu’il se consacre entièrement à la vie publique.

Et voilà le plus doux des hommes devenu « dragon », voilà le début d’une interminable polémique ! Zmaj est de toutes les luttes, de tous les combats : dès 1866 le linguiste croate Vatroslav Jagić déplore la dissipation de son talent lyrique mis au service des luttes politiques. L’étude polémique de Laza Kostić « Zmaj Jovan Jovanović, son œuvre et son temps » (1902) bien plus acerbe, bien plus étoffée et analytique, va dans le même sens, tout en réussissant le tour de force de proposer un choix anthologique et raisonné des meilleurs poésies lyriques et métaphysiques de Zmaj. Le temps a fait son œuvre et le lecteur contemporain est plus juste, plus mesuré. Le sommet de sa poésie demeure les recueils Ђулићи / Roses et Ђулићи увеоци / Roses fanées, poésies d’amour puis de regrets des êtres chers, disparus, qui, dans le deuxième livre, atteignent des sommets proprement philosophiques. Toutefois, on mesure aussi avec plus de justesse toute la finesse de sa verve satirique et polémique.

L’œuvre lyrique de Zmaj représente, sur le plan formel, l’aboutissement de l’évolution de la poésie serbe citadine et centre-européenne. Les thèmes qu’invoquent déjà les recueils manuscrits des bourgeois des XVIIе et XVIIIе siècles (dont l’un des plus connus est celui d’Avram Miletić, grand-père paternel de Svetozar Miletić), les formes, structures et prosodies, mais aussi le lexique, vernaculaire, président à la révolution littéraire romantique dont l’œuvre de Zmaj est l’une des plus belles illustrations. Son œuvre, plus que celle de tout autre, en est l’aboutissement mais bien plus aussi, le renouvellement. L’aisance avec laquelle Zmaj dépeint la douceur des sentiments, les joies et les peines, mais surtout son mysticisme de la douleur, cosmisme tout à fait différent de celui de Njegoš, tout cela lui est propre. Il s’agit d’un des sommets de la poésie bourgeoise aussi bien dans l’expression de l’individualisme que dans sa prise de conscience politique. Toutefois, sur ce plan-là, Zmaj va bien au-delà de sa classe : il se veut être le représentant de toutes les classes sociales et de tous les Serbes, quels que soient les États ou les provinces où ils habitent.

Traducteur de Petöfi, Aranji, Longfellow, Goethe, Heine, Pouchkine et Lermontov, il a lui-même été traduit de son vivant, notamment aux Etats-Unis, par Underwood Johnson et Nikola Tesla qui introduisit ainsi son ami Mark Twain à l'œuvre d’un autre poète de l’enfance. Son engagement politique passe avant tout par le biais de la presse : sa vie durant, Zmaj sera éditeur de journaux satiriques pour adultes et pour enfants. Il y publiera ses poèmes, ses éditoriaux, ses dessins et caricatures. Auteur polymorphe, il est également l’un des précurseurs de la bande dessinée serbe (mise en dessins séquentiels de ses poèmes dans le journal Невен / Souci).

♦ Études et articles en serbe : Лаза Костић, О Јовану Јовановићу Змају (Змајови), његову певању, мишљењу и писању, и његову добу / A propos de Jovan Jovanović Zmaj (Zmajova), sa poésie, sa pensée et son écriture, ainsi que son époque, Сомбор, 1902 ; Јован Скерлић, Омладина и њена књижевност (1848-187) / La Jeunesse et sa littérature, Belgrade, 1906 ; Миодраг Поповић, Историја српске књижевности – Романтизам / Histoire de la littérature serbe – Romantisme, Belgrade, 1972 ; Јован Деретић, Историја српске књижевности / Histoire de la littérature serbe, Belgrade, 1983 ; Душко Бабић, Мистика српског романтизма / Le mysticisme du romantisme serbe, Српско Сарајево, 2004.

Boris Lazić