♦ Archives 

 

  

Dada-Tank 

Dada-Tank, page de couverture

 

QUELQUES EXEMPLES CONCERNANT

L’HYBRIDATION DES GENRES DANS LA  REVUE DADA-TANK

par

PREDRAG TODOROVIĆ

(Institut de littérature et des arts de Belgrade)  

 

Résumé 

Le dadaïsme serbe, par ses différentes manifestations et positions n'est pas une pâle copie de Dada mais un phénomène original en lui-même au sein de l'avant-garde européenne. Lorsque l’on évoque le dadaïsme serbe, avant toute autre chose, c’est le nom de Dragan Aleksić qui s’impose. La revue Dada-Tank est publiée au mois de mai 1922. Elle n’est autre que la déclaration de guerre de Dada-Yougo au monde. De par sa typographie, cette revue n’a rien à  envier à ses coreligionnaires occidentaux. En ce qui concerne le périodique serbe de cette époque, on peut dire que la page de couverture de Dada-Tank est unique en son genre. Elle est, en effet, un genre à part entière à elle toute seule ! Un genre tout à fait nouveau, parfait exemple de l'hybride dans la littérature avant-gardiste.

Mots-clé : dadaïsme serbe, avant-garde, Yougo-Dada, Dragan Aleksić, typographie, hybridation des genres, Zenit, Dada-Tank.

 

Les trois revues du dadaïsme serbe, Dada-Tank, Dada јazz et Dada-јok, publiées en 1922, s'inscrivent dans un courant déjà bien rodé, mis en place dès 1916. En effet, à partir de cette date, dans toute l'Europe, on assiste à un phénomène tout à fait nouveau, la prolifération des revues, à l'exemple de Der Sturm, fondé à Berlin en 1910 par Walden. Celles-ci sont pour la plupart des organes des mouvements en „isme“ qui se chevauchent ou se succèdent les uns après les autres : cubisme, futurisme, expressionnisme, dadaïsme, constructivisme, activisme[1], zénithisme[2]...

L'effervescence prodigieuse de cette période est rendue également par le foisonnement des manifestes, par les idées nouvelles qui circulent à la vitesse de l'éclair, prenant place sur des terrains favorables. Car l'époque des influences unilatérales de l'Ouest à l’Est est révolue, le XIXe siècle est bien mort. C'est l'époque des chassés-croisés : Tristan Tzara se rend de Roumanie à Zürich, puis de Zürich à  Paris ; Richard Huelsenbeck, Hugo Ball, Hans Arp, d'Allemagne en Suisse ; Lissitzky circule entre l'URSS, la Suisse et l'Allemagne ; Moholy Nagy quitte la Hongrie pour rejoindre, via Vienne, le Bauhaus à Dessau ; Les Ballets Russes de Diaghilev ont donné Le Sacre du Printemps d'Igor Stravinsky à Paris ; en 1921 Kurt Scwitters, Raoul Hausmann, Hannah Höch font une série de conférences à Prague... Chaque déplacement, chaque visite, émigration, ou correspondance produit son effet. Partout avec la même violence on se bat contre les anciennes valeurs, bourgeoises, académiques et morales, c'est toute la vie qu'il faut changer, et plus qu'une aspiration, cette ardente volonté se révèle à eux comme un bien nécessaire. 

Il semble évident, dans ce contexte, que l'activité artistique serbe des années vingt participe pleinement à ces changements d'état d'esprit, et contrairement à ce qu'ont affirmé de nombreux critiques, elle n'est pas un sous-produit de la culture de l'Ouest, mais elle revêt bel et bien des caractères d'authenticité[3]. Il est vrai, cependant, dans un premier temps et de manière presque systématique, que ce sont les artistes serbes qui se déplacent et vont à la rencontre de ces idées nouvelles, à Vienne, Berlin, Prague ou Paris... mais pour dire vrai, ils sont déjà porteurs de ces nouvelles idées. Ils ne font pas de réelles découvertes dans ces voyages en pays étrangers, mais ne font que constater les similitudes qui existent entre leur propre état d'esprit et celui avec lequel ils entrent en contact. 

Ces voyages et rencontres différents assument plutôt une fonction de stimulants, aussi serait-il insensé de conclure qu'ils remettent en cause la validité de ces différentes expressions d'avant-garde lorsqu'elles prennent forme sur le sol yougoslave. Ce même phénomène se produit chez Dragan Aleksić. Le dadaïsme serbe, par ses différentes manifestations et positions n'est pas qu’une pâle copie de Dada, mais un phénomène incontestable en lui-même au sein de l'avant-garde européenne. Sa particularité est qu'il n'est pas sans liens directs ou indirects avec les autres mouvements artistiques yougoslaves des années vingt – le constructivisme slovène et le groupe de Trieste, dont le principal représentant est August Černigoj[4] – mais surtout avec le zénithisme de Ljubomir Micić et de Branko Ve Poljanski. 

Le „départ“ du mouvement Dada a lieu à Zürich en 1916. Le Cabaret Voltaire est le lieu d’éclosion de Dada ainsi que d’un grand nombre de mythes. Les artistes comme Hugo Ball, Hans Arp, Emmy Hennings, Sophie Taueber, Richard Huelsenbeck, Tristan Tzara et Marcel Janko étaient les fondateurs du mouvement. Dans leur quête expérimentale, les artistes Dada créent des œuvres hybrides, allant jusqu’à une complète abolition des frontières entre les genres artistiques. Le phénomène initié au Cabaret Voltaire trouve ainsi son accomplissement dans une synthèse des arts qui repose sur le montage de matériaux selon la “loi du hasard”. Un des principaux objectifs de l’œuvre d’art totale Dada est d’intégrer le spectateur dans l’acte créateur ou, selon la formule de Walter Benjamin, de lui permettre une “réception tactile”  de l’œuvre. 

Lorsque l’on évoque le dadaïsme serbe, avant toute autre chose, c’est le nom de Dragan Aleksić qui s’impose. Par son activité, sa personnalité, et finalement sa vie, il est celui qui de toute évidence incarne “l’état d’esprit Dada”. C’est également lui qui implantera Dada sur le sol yougoslave. Dada-Yougo ou Dada-Sud, selon l’appellation de Dragan Aleksić[5], revêt deux autres caractéristiques essentielles. Son activité est très intense mais également très brève. Elle commence en 1920 et s’éteint à la fin de l’année 1922. Selon Hans Richter et la chronologie qui s’établit dans son livre, le dadaïsme serbe appartient à la période dite post-dadaïste[6]. La deuxième caractéristique de celui-ci est liée à sa localisation : la ville principale où s’est exprimé le dadaïsme est Zagreb, capitale de la Croatie. Il faut cependant ajouter, ceci est important, que la majorité des protagonistes de Dada, et notamment Dragan Aleksić, sont Serbes. À la fin de 1922, Dragan Aleksić se rend à Belgrade. Cette date marque la fin du dadaïsme en Yougoslavie en tant que mouvement. Cependant, au contact d’Aleksić, de jeunes poètes (Rade Drainac, Moni de Buli, Risto Ratković, Boško Tokin) vont écrire des poésies dadaïstes qui paraîtront dans des revues belgradoises[7]. Une certaine attitude dadaïste a donc temporairement été adoptée à Belgrade par quelques jeunes gens.

Dragan Aleksić, jeune étudiant, récite à Prague en 1920 le premier manifeste du dadaïsme serbe, Orgart, qu'il envoie à Ernst, Hausmann, Huelsenbeck, Schwitters et Tzara. C’est à Prague que les relations entre le dadaïsme de Dragan Aleksić et le zénithisme de Ljubomir Micić s’établissent. Le premier février 1921 sort à Zagreb le premier numéro de la revue Zenit. Aleksić en est informé : “Ljubomir Micić l’épouvantail de Zagreb, s’était mis à publier ‘’Zenit’’ au début de l’année 1921. Je ne l’avais jamais vu, mais il me paraissait ressembler à une pâte que le rouleau dadaïste pourrait facilement détendre.”[8] Zenit, dans ses premiers numéros, reflète une tendance expressionniste, mais son programme n’est pas encore bien arrêté ; son orientation encore mal définie, la revue se fait l’écho des différents mouvements de l’avant-garde européenne. 

Micić et Aleksić échangent alors une correspondance[9]. Micić envoya même son frère Branko Ve Poljanski à Prague, afin de rencontrer Aleksić et, probablement aussi, le ramener à Zagreb avec lui. Aleksić et Poljanski se retrouvent donc ensemble à Prague, dans une euphorie toujours grandissante : “Nous allons faire des merveilles si nous nous mettons à crier d’ici…” (Aleksić 1931 : 29) Ils trouveront l’un et l’autre, pour un temps, une sorte de compromis “zénitho-dadaïste”.

De son retour à Zagreb, Aleksić collabore à la revue Zenit des frères Micić (Zagreb-Belgrade, 1921-1926) et fonde à Zagreb en 1922 deux revues (des numéros uniques) d'esprit dadaïste, Dada-Tank à laquelle collaborent Tzara, Schwitters, Huelsenbeck, et Dada jazz également ouverte à Dada, avec la collaboration de Tzara notamment. Les membres du groupe Yougo-Dada se nomment Mihailo S. Petrov, Dragan Šlezinger, Vido Lastov, Dragan Sremec, Slavko Stanić, A. Tuna Milinković. 

C’est dans Zenit, dans le second numéro de mars 1921, que sort le texte intitulé „Dada-Dadaïsme“, probablement rédigé par Micić lui-même (l’article est signé „un zénithiste“), dans lequel le rédacteur ne fait que nous informer sur le dadaïsme en général et annoncer la parution du texte „Dadaïsme“ de D. Aleksić dans une prochaine édition de Zenit. C’est le premier article sur le dadaïsme dans le périodique yougoslave. La collaboration d’Aleksić avec Zenit continue jusqu’en 1922, cette revue fut donc le premier support de Dada serbe, jusqu’au moment où lui-même créera Dada-Tank et Dada jazz. 

Il est relativement facile de trouver les causes de cette collaboration entre dadaïsme et zénithisme. Premièrement, ils sont tous les deux parmi les rares expressions avant-gardistes dans le nouveau royaume constitué des Serbes, Croates et Slovènes, et au début, des similitudes existent entre leurs programmes. Deuxièmement, Zenit est à l’époque l’unique revue yougoslave d’avant-garde à caractère international ; quiconque avait une idée qui sortait des sentiers battus, quelque chose de nouveau à proposer, ne possédait que ce support pour l’y exprimer. Mais encore fallait-il rentrer en contact avec Micić et accepter de se soumettre à son autorité. Mihailo S. Petrov dit dans une interview que Micić avait une personnalité unique, capable de rassembler tous les artistes de quelque intérêt dans sa revue, mais qu’il était d’une grande intransigeance. Il exigeait en effet une fidélité absolue de la part de ses collaborateurs[10]. Il était une sorte de Breton serbe. Pour Aleksić, déjà habitué à collaborer à différentes revues, Zenit présentait, au départ du moins, tous les avantages. Dès sa période praguoise il accepte „le mélange opportun du dadaïsme et du zénithisme.“ (Aleksić 1931 : 29) 

L’année 1922 marque l’apogée de Dada serbe mais également son déclin. C’est aussi l’année où Dragan Aleksić va se démarquer définitivement du mouvement zénithiste. Ses relations avec Micić s’étaient déjà considérablement envenimées pendant l’année 1921 ; elles vont être irrémédiablement rompues l’année suivante. Les attitudes et positions de Dada sont plus extrêmes, et peut-être Micić pensait-il „apprivoiser“ Aleksić et intégrer ses idées dans un programme zénithiste ; en quelque sorte, absorber Dada en ne prenant de lui que ce qu’il pensait correspondre aux théories zénithistes, mais en refusant l’essence, l’état d’esprit. Dans le même temps Micić finit par mettre un terme à l’élaboration de son concept de „Barbarogénie“, celui de la nécessité de la balkanisation de l’Europe dégénérée. Aleksić, en vrai Dada qu’il est, ne peut accepter cette attitude finalement bassement ethnocentrique. Micić, quant à lui, écrit que le dadaïsme, qu’il qualifie de politique, „est le phylloxéra de bas étage dans la vie d’un organisme supérieur“, ou encore  „que le dadaïsme est le parasite qui, délibérément suce le positif et feint celui-ci dans le négatif “.[11] 

Le résultat de ces querelles sera la publication, de la part des zénithistes, des deux pamphlets anti-dadaïstes Dada-Jok, car, tout en voulant en finir avec Dada, il en adopte ses principes. À la suite d’Aleksić, ses amis dadaïstes vont eux aussi quitter la rédaction de Zenit. Parmi eux Dragan Sremec, ami d’Aleksić depuis le lycée à Vinkovci ; Slavko Stanić, qui prend le pseudonyme de Slavko Šlezinger ; Anton Milinković, alias Fer Mill, un autre camarade d’école ; Vido Lastov, un émigré russe ; deux autres poètes que nous connaissons seulement par leurs pseudonymes, Nac Singer et Jim Rad ; le peintre Mihailo S. Petrov. Enfin, à cette compagnie dadaïste sont associés des traducteurs (nous ne savons rien sur eux, ils sont probablement des amis d’Aleksić) : M. Friedman, M. Removaček et M. Reich. Ils établissent leur état-major au n° 6 de la rue Petrinjska à Zagreb et fondent le Dada-club et Dada-Yougo. Ils prennent contact avec Lajos Kassak, Kurt Schwitters, Richard Huelsenbeck et Tristan Tzara[12]. Ils écrivent des poèmes et accumulent le matériel nécessaire à la rédaction de leurs futures revues Dada-Tank et Dada jazz, qui sortiront au début de l’été. 

Après 1922, Dada-Yougo n’existe plus en tant que tel. Aleksić est à Belgrade, il va répandre les idées dadaïstes parmi les jeunes intellectuels de la capitale. Moni de Buli écrit des poèmes dadaïstes qu’il publie dans Hipnos [Hypnos] et Večnost [Eternité], dont il est le collaborateur. Il édite également un almanach Crno na Belo [Noir sur Blanc] en 1924, dans lequel sont publiés des vers dadaïstes. Moni de Buli est l’un des meilleurs représentants de cette résurrection sursitaire de Dada. On peut mentionner également Rade Drainac, Risto Ratković, Boško Tokin, Zvonko Tomić qui collaborent aussi dans les revues Hipnos et Večnost, mais celles-ci par leur conception, par leurs thèmes, annoncent dans une large mesure les tendances surréalistes, mouvement qui sera très important à la fin des années vingt en Serbie. 

Aleksić publie de la poésie phonétique en „langue internationale dada“ dans la revue Ma de Lajos Kassak (Vienne) en mai 1922. Le premier octobre 1922, à l'hôtel Slavonija de Vinkovci, il organise une soirée avec de la musique "Dada Jazz"  pour lancer sa revue Dada-Tank. D'autres soirées dadaïstes ont lieu cette même année dans de petites villes, Osijek, Novi Sad et Subotica. Un Club Dada des jeunes artistes est fondé dans la librairie Reich à Osijek. Dragan Aleksić compose une autobiographie pour le numéro 4 de la revue Večnost [Eternité] à Belgrade en 1926. De brève durée (1921-1924) le dadaïsme serbe avait laissé des traces dans l’avant-garde entre les deux guerres, et il est mentionné dans la plupart des encyclopédies d’avant-garde européennes.

La revue Dada-Tank est publiée au mois de mai 1922. Dada-Tank ne nécessite pas de réelle traduction, le tank, outre sa signification anglaise de réservoir à eau, est celui qui détruit, qui fait table rase sur son passage et qui laisse derrière lui une unique trace, celle du néant. Le tank fait sa première apparition pendant la Grande Guerre et si Aleksić choisit cette machine comme titre pour sa revue c’est parce qu’elle symbolise le véhicule censé être le fer de lance de la guerre moderne et son désir est que Dada-Tank soit le fer de lance contre la société entière. 

La revue Dada-Tank n’est autre que la déclaration de guerre de Dada-Yougo au monde, elle fait l’apologie de la spontanéité, elle adopte un ton à la fois provoquant et racoleur, son discours est basé en grande partie sur l’aphorisme. De par sa typographie, cette revue n’a rien à envier à ses coreligionnaires occidentaux et, de plein droit, prend place parmi les manifestes, prospectus, tracts ou feuilles dadaïstes en tout genre, imprimés à la même époque ou quelques années plus tôt à Zürich, à Paris ou en Allemagne. 

Sur la couverture, de plein fouet, la guerre ouverte est déclarée, par trois mots : DADA, qui se suffit à lui-même pour signifier la révolte, TANK, en capitales énormes, grasses, et arrondies qui montent à l’assaut de tous les fronts, et KOSOVO, rappelant bien sûr la plus célèbre bataille de l’histoire serbe contre les Turcs au Moyen Âge, qui n’est pas ici une simple référence faite pour activer la mémoire collective, mais que Aleksić a volontairement réactualisé en ajoutant ce „NOVO“ [Nouveau], et la date 1922. 

La revue  Tank (1922) ne fit pas long feu, mais provoqua des réactions durables. Plus rebelle et plus anti que Ma, cette revue portait visiblement le sceau de Dada et publiait, d’après ce que j’ai pu apprendre, des manifestes et des poèmes dans le style provoquant de Dada. (Richter 1965 : 221) 

Puisque cette revue est un appel lancé à la rébellion, on ne s’étonnera pas outre mesure de ne pas y trouver les positions théoriques d’Aleksić ; à l’hermétisme et l’ambiguïté de ses textes s’oppose intentionnellement Dada-Tank, qui au contraire révèle spontanément, avec vivacité et clarté, ce qui lui tient le plus à cœur. La revue Dada-Tank n’adopte aucune de ces formes classiques du discours que sont l’article, le compte-rendu d’exposition, la critique, etc. La majeure partie de son contenu est réservée à l’expression libre et se traduit essentiellement par le biais de la poésie. Dans Dada-Tank la poésie est en effet le mode d’expression privilégié. Elle est représentée par D. Aleksić, Fer Mill, M. S. Petrov et Vido Lastov, et pour les étrangers par Enders Erwin[13], Kurt Schwitters et Tristan Tzara. Les mots serbes, allemands, espagnols, français côtoient sans vergogne ceux de langue anglaise, latine, ou les mots en „Nigger Lingue“ ou „Langue Nègre“, ou ceux encore qui font l’objet d’une pure invention, et les signatures finalement ne sont pas de première importance, car à travers tous ces poèmes l’on retrouve les mêmes caractéristiques. 

On pourrait en dégager l’idée essentielle de la poésie dadaïste, par ce propos de Dragan Aleksić : 

[...] voici la déclaration de dada – en poésie, poème mot, le mot est premier, premier est le mot, c’est-à-dire les évènements dits, simultanéité, on sait que ceci est de l’arithmétique : le plus d’évènements possible en moins de temps avec le plus de vibrations possible [...][14] 

Dada-Tank est de caractère essentiellement typographique et n’accorde qu’une place très restreinte à l’illustration. Annonces diverses, publicités réelles ou pour le moins imaginatives sont les autres manifestations de cette revue. Elles sont en majorité d’inspiration propagandiste et invitent le lecteur à consommer Dada sous toutes ses formes : littérature, manifestations, états d’âme ; il est convié à fréquenter les bars, ceux avant tout où le jazz fait office de nouvelle religion. Imagination, effronterie, autosatisfaction, tel est le lot de ces escapades publicitaires, desquelles les dadaïstes ont fait un nouveau genre littéraire. 

Aussi, un  texte collage écrit par Aleksić et intitulé Comment ne pas vous dire que Dada, est présenté de manière très inhabituelle. Il se compose de douze petits paragraphes, répartis de la page 2 à la page 5, tout à fait hybrides, entre la poésie, l’annonce et la publicité, faisant ainsi obstacle à la possibilité d’une lecture classique linéaire du texte. Chacune de ces  „vignettes“ présente, en quelque sorte, le programme d’Aleksić. Il y parle, sous  forme d’aphorismes, de Dada, de la musique, du théâtre, de la poésie, de la peinture, de l’architecture, enfin de tout ce qui le préoccupe au premier chef. Il avait conscience que ce type de discours ne pouvait plus être ordonné de manière classique sur une page blanche, pour surprendre le lecteur, le choquer, le déranger dans ses habitudes de „petit bourgeois“, il fallait créer une nouvelle typographie qui corresponde à ce nouveau type de langage. 

C’est seulement en 1897 avec le fameux Un coup de Dés jamais n’abolira le Hasard de Stéphane Mallarmé, qu’eut lieu la première révolution typographique dans la poésie moderne, son but étant de mettre en cause l’espace typographique classique, de rompre avec cette longue tradition d’une lecture linéaire du texte, de la page imprimée, jusque-là conçue uniquement de manière à plaire au regard, à satisfaire les esprits rationnels. Puis il y eut les expériences d’Apollinaire avec ces calligrammes, celles de Blaise Cendrars, des futuristes italiens qui utilisèrent un langage plastique tout à fait nouveau, enfin les constructivistes russes allaient eux aussi créer de nouveaux systèmes typographiques, dont l’influence sur les générations futures sera peut-être la plus forte. 

Les dadaïstes ne furent donc pas les premiers à concevoir un nouveau langage en ce domaine et il est intéressant de constater que leurs premières publications Cabaret Voltaire et les deux premiers numéros de Dada sont encore régis par les lois de la typographie classique. Ce n’est qu’à partir de Dada 3 qu’ils trouveront un correspondant typographique à l’état d’esprit Dada. Inévitablement ils profiteront des découvertes futuristes et constructivistes, mais inévitablement en s’appropriant ces nouvelles techniques ils vont les transformer à leur image, et trouveront ainsi leur propre langage. Ce langage, en quoi diffère-t-il de celui des futuristes et des constructivistes ? 

Dans les expériences futuristes tout concourt à faire de ces ensembles typographiques des œuvres dont la beauté est souvent réelle et doit fort peu à l’accident. La typographie dadaïste, au contraire est de nature essentiellement utilitaire (...) Chaque publication a un but immédiat très précis (...) Mais quel que fût son désir de heurter le public de front, de le violenter dans ses habitudes les plus chères, Dada avait une fidélité plus haute : sa foi en le hasard. (Poupard-Liessou, Sanouillet, 1974 : 47) 

Les typographies dadaïste et constructiviste diffèrent l’une de l’autre pour les mêmes raisons. 

Les constructivistes russes abordent la typographie en plasticiens, il est évident que pour eux le problème fondamental de la typographie reste un problème d’art plastique (...) Il est clair que l’ensemble de la production constructiviste est en contradiction avec les canons typographiques de clarté et de lisibilité. (Leclanche-Boulé, 1984 : 49) 

Pour les dadaïstes au contraire, dans leur lutte propagandiste, le sens d’une page typographique est au moins aussi important que son effet. Dada-Tank, en tout point, reflète ces mêmes principes de la typographie dadaïste : utilitaire, but immédiat précis, foi dans le hasard, non priorité de l’effet sur le sens, en même temps que rupture inévitable avec la tradition. La page de couverture est tout particulièrement intéressante, car y transparaissent toutes ces caractéristiques. Le bouleversement que celle-ci apporte en comparaison au classicisme typographique y est évident. Elle pose en fait des problèmes identiques à ceux d’une œuvre picturale : c’est-à-dire l’agencement de signes différents dans un même espace, ou, autrement dit, l’organisation de la surface de la page à l’aide de caractères alphabétiques, numériques et autres matériels typographiques tels que les blancs, vignettes ou filets. 

Dada-Tank

Dada-Tank, page de couverture

Il serait vain au premier regard de vouloir trouver dans cette page un sens de lecture rationnel, car à la manière de nos publicistes modernes, ce qui importe est d’attirer l’œil au moyen de mots qui sont mis en avant par rapport à d’autres, à la fois par l'aspect typographique de ceux-ci et par le rôle de mots-clefs que ces derniers jouent. Ici les deux mots-clefs sont TANK et DADA. L’œil est ensuite invité à circuler dans diverses directions, dans le plus grand désordre, ainsi, est proposé au lecteur une multitude de possibilités de sens de lecture, enregistrant des informations çà et là, sans cohérence. Notre première impression au regard de cette couverture est celle de désordre car nous est imposée une lecture discontinue par le seul jeu des contrastes. Le plus frappant est le contraste des caractères et des échelles. Dans cette seule mise en page ont été utilisés une vingtaine de caractères différents, capitales petites et grandes, bas-de-casse, lettres scriptes, italiques, caractères maigres, demi-gros, gras et toute une gamme intermédiaire. Sont associées également des lettres de corps et de graisses différentes dans un même mot, comme dans DAda. Viennent ensuite les contrastes entre des mots mis à l’envers ou à l’endroit, verticalement ou horizontalement. 

Néanmoins, toutes ces incohérences ne sont qu’apparentes et au-delà du déséquilibre, du semblant de désordre, se révèle un ordre caché et même pourrait-on dire un système. La page se définit clairement en trois larges bandes horizontales superposées. C’est par ces bandes horizontales qui découpent en trois l’espace de la feuille qu’un équilibre s’établit, de même qu’à l’intérieur de celles-ci un nouvel équilibre est donné par le compartimentage des lettres, des mots ou des bribes de textes. Ce compartimentage est créé par des filets noirs plus ou moins épais se coupant à angle droit, aussi bien que par des mots eux-mêmes de corps différents, qui s’opposent en vertical/horizontal, définissant ainsi leur propre espace. 

À la manière des tracts dadaïstes les mieux réussis, sont disposés en marge sentences et aphorismes : „Respectez les dadasophes“, „Dada-yougo dadayougo dadayougo...“, ou encore „rassemblez-vous / le jour d’affrontement final s’approche / les vieilles valeurs de l’’’art’’ tomberont / tous les crématoires ensemble ne donnent pas autant de calories aux corps des momies pétrifiées que dada“. Enfin, la page de couverture de Dada-Tank n’est pas seulement informative ; par sa conception typographique, Aleksić a voulu créer un effet visuel particulier, inhabituel et dérangeant, tout en y imposant le sceau de Dada. Et le malaise esthétique que l’on peut éprouver au premier regard, dû au principe de „la juxtaposition des incompatibles“ (Poupard-Liessau, Sanouillet, 1974: 69), cède très rapidement la place à un réel plaisir de l’œil. En ce qui concerne le périodique serbe de cette époque, on peut dire que la page de couverture de Dada-Tank est unique en son genre. Elle est, en effet, un genre à part entière à elle toute seule ! Un genre tout à fait nouveau, parfait exemple du caractère hybride de la littérature avant-gardiste. Mélange de publicité Dada, une sorte d’affiche aphoristique, elle est surtout une pure fantaisie typographique par excellence. 

Un même système de découpe en trois bandes horizontales est repris à la page 8, ou page de couverture arrière, mais, cette fois-ci, les larges bandeaux horizontaux sont clairement définis, deux d’entre eux sont enfermés dans un encadré. On retrouve sur cette page d’autres canons de la typographie dadaïste comme, par exemple, la lettre qui se détache du mot retrouvant ainsi son autonomie. Tout en gardant sa valeur linguistique, elle devient en même temps une valeur plastique. C’est le cas pour baR et jazz. La lettre R en appui sur deux rectangles perd toute proportion, mais acquiert son indépendance et s’associe à d’autres mots. Les mésalliances de lettres, l’absence de liens logiques entre elles, les disproportions physiques qu’elles subissent ne sont autres que des principes de composition typographique propres à jouer un rôle de caractère ludique sur la page imprimée. Il en va de même pour certains chiffres, ici en l’occurrence le 3 et le 4 qui ont perdu leur valeur contextuelle, ou bien l’utilisation de points d’exclamation, jouant un rôle démesuré par leur taille, leur stylisation, ou encore l’utilisation de parenthèses ridiculement petites et qui plus est inutiles, car s’ouvrant et se refermant sur un vide, et perdant ainsi leur première fonction, celle de contenir un élément de discours. 

La main indicatrice, vignette d’ailleurs complètement démodée à cette époque (on les trouve en abondance dans les journaux serbes du début du siècle jusqu’à la guerre), était, on le sait, l’un des caractères typographiques favoris de Tzara[15]. Aleksić de la même manière prend plaisir à l’utiliser : à l’envers sur la couverture avant, à l’endroit sur la couverture arrière. Toutes ces dérisions vis-à-vis de la typographie traditionnelle appartiennent de plein droit au répertoire Dada et Aleksić ne s’en prive pas. L’autre type de composition qu’il privilégie est celui des caractères disposés obliquement et à angle droit, autre canon typographique très prisé par les dadaïstes.

Dada-Tank-page4

Page 4 de Dada-Tank

L’intérêt de la revue Dada-Tank sur le plan typographique, que nous venons de relever, est considérable, mais il serait peut-être un peu moins grand si la page 4 n’existait pas, et ceci pour plusieurs raisons. Elle est un fantasme publicitaire, un véritable délire verbal y règne, une apologie de l’expression libre et du non-sens  y est faite, elle est surtout une belle manifestation de dévergondage typographique dans le style dadaïste. De plus, elle est signée par son auteur : Dragan Aleksić. Ceci est un point intéressant. Aleksić, on le sait, est un poète non un plasticien, pourtant, en composant une page typographique il a le sentiment de faire une œuvre de plasticien et le signale aux yeux de tous en apposant sa signature en bas, à droite de la page. Il adopte ici un nouveau système de découpe spatial, la séparation en quatre colonnes verticales de largeur inégale. Les jeux typographiques évoqués plus haut, liés aux mots ou bien aux lettres elles-mêmes sont toujours présents. Mais, ici, c’est essentiellement le principe de lecture linéaire du texte qui est remis en cause, quatre sens de lecture s’opposent au sein d’un même espace, ce qui bien sûr fait régner la confusion la plus totale. Ivan Aleksić se souvient de son frère Dragan assis devant des feuilles de papier, traçant des lignes dans tous les sens, ou encore découpant dans le journal les lettres dont il avait besoin afin de réaliser les maquettes nécessaires aux affiches de ses performances dadaïstes, ou de ses revues. Un jour, montrant à Ivan les quelques lignes qu’il venait de tracer sur une feuille, il le persuada qu’elles étaient les projections de l’amour sur la lune. 

Voici le texte original de la page 4 : 

„Obilatnost berze creva  /  BOHAJO TET. TRUST 995 VEHOUmix. 398 LAHIU Bet. ret. 6900 KAITAU WOC. OF WORLD 950 Poloo / RADITI DA BACIMO RIKU novo pelensko mekanizovanje B. Sandrar iiii SUHA BERZA OD ZANZIBARA vera te  POLyp Orion polype de vudeau Mnogo letava 6 kotača konvertora mery Tau Adoptacija svih polipa tihoga okeana iii /  POLYP – VUDEAU – TRUST / 1388 marka bezlična Trustovi za Sagove (Isključeno baratanje koncima)  / SVA KOPLJA VAN! G. G. Crnci belci crn-belci! Pozor! sve ribe viču motor paziti ribe tuljane mesta  mecanic-cian. Rorari TorATI! (Fabrica de Milano) LAX. MIX. SOLV. 1000 tal. Closs. Papyr. JETRA amadeo marka trbuh u lepenci zamorci trpe ukosnica Waidue SIG. Dragan Aleksić“. 

La traduction française : 

„ABONDANCE de la bourse des intestin/ BOHAJO TET. TRUST 995 VEHOUmix. 398 LAHIU Bet. ret. 6900 kaitau woc. of world 950 Poloo / faire que nous jetions un CRI nouveaux langes mécanisés B. Cendrars ET et et et la bourse à sec de zanzibar je te crois POLype OR ion polype de vudeau Beaucoup de planches 6 roues convertisseurs mery Tau Adoption de tous les polypes de l’océan pacifique etetet / POLYP – VUDEAU – TRUST / 1388 marque impersonnelle des trusts pour des TAPIS (est exclue l’utilisation des fils de laine) TOUTES LES LANCES DEHORS! G. G.  nègres blancs  noir-blancs! ATTENTION! Tous les poissons pleurent le moteur surveille les poissons les phoques la place mécanique-cian. Rorari TorATI! (fabrique de Milan) lax. mix. solv. 1000 tal. closs. papyr. LA FOIE  le ventre dans la colle le cochon d’Inde souffre épingle à cheveux Waidue amadeo mark SIG. Dragan Aleksić“ 

Écrit en quatre colonnes verticales, à l’exception du mot „abondance“, de l'année „1388“ (l'année qui précède l’année 1389, la date de la fameuse bataille de Kosovo, et la chute de l'empire serbe) et de la phrase “marque impersonnelle des trusts pour des TAPIS (est exclue l’utilisation des fils de laine)“, écrits tous les trois de manière verticale, le texte, que l’on va intituler selon la première phrase „ABONDANCE de la bourse des intestin“, représente l’écrit le plus radical et le plus dadaïste de tous ceux que nous a laissés Aleksić. Il contient tout ce que l’on peut attendre du Dada : le procédé optophonétique par excellence, la surprise, le non-sens, le mélange de langue maternelle et de langues étrangères, les chiffres, le „nigger lingue“, le mélange de lettres majuscules et minuscules. Dans la colonne dédiée à Blaise Cendrars, sont mentionnés l'Océan Pacifique, le Zanzibar, Orion, Mery Tau, les polypes, toutes ces thématiques chères à Cendrars[16]. On peut considérer le texte comme une sorte d'hommage à ce grand poète, un des précurseurs de l'expression moderne dans la poésie. Celui-là est remarquable par son incroyable originalité. En tournant les lettres un coup à gauche, un coup à droite, en les écrivant de haut en bas, et de bas en haut, de gauche à droite et de droite à gauche (on n’est pas sûr si, par exemple, la première phrase est écrite comme „abondance de la bourse des intestin“ ou comme „la bourse des intestin abondance“, parce que la flèche nous indique la direction de droite à gauche). Aleksić avait fait de cette page un vrai chef d'œuvre d'avant-garde. Personne n’est capable d’affirmer s'il s'agit là d'une œuvre de poésie ou de prose, mais nous la considérons comme un poème dadaïste, un poème diversiforme. Disons plutôt, en parlant en termes „d’hybridation des genres“, qu’il s’agirait là d’un poème-tableau. Un tableau fait avec des mots et des lettres. 

Nous voulons faire une dernière remarque, afin de prouver, s’il en était encore nécessaire, la valeur et la qualité réelle de Dada-Tank par rapport à toute la production typographique dadaïste. Aucune composition en arc de cercle, aucune courbe n’apparaît dans la revue. Ceci est une preuve supplémentaire qui démontre l’authenticité, la non-gratuité de Dada-Tank. En effet, les nombreux exemples de typographie dadaïste montrent qu’elle a toujours refusé de se soumettre à la courbe, or, dans certaines publications post-dadaïstes elle est très utilisée dans la composition comme divertissement. Aleksić évitera ce faux pas.

 

BIBLIOGRAPHIE

Aleksić, Dragan (1931), „Vodnik dadaističke čete“ [Le caporal de la troupe dadaïste], Belgrade, Vreme, n° 3234. 

Kapidžić-Osmanagić, Hanifa (1968), Le Surréalisme serbe et ses rapports avec le surréalisme Français, Paris,  Société des Belles Lettres.  

Krečič, Peter (1986), „August Černigoj et l’avant-garde en Europe“, Revue parlée, janvier 1986, Paris, Centre Georges Pompidou, p. 46-54. 

Leclanche-Boulé, Claude (1984), Typographies et photomontages constructivistes en U.R.S.S., Paris, CNL. 

Poupard-Liessou, Yves, Sanouillet, Michel (1974), Documents Dada, Genève, Weber. 

Richter, Hans (1965), Dada. Art et Anti-art, Bruxelles, Éditions de la Connaissance.  

Dada-Tank (1922), Zagreb.     

Dada jazz (1922), Zagreb. 

Dada-jok (1922), Zagreb. 

Zenit (1921-1926), Zagreb, Belgrade.                                                                                       

 

Примери жанровске хибридизације у ревији Дада-Танк  

Pезиме

Српски дадаизам је оригинално дело, за чије постојање највише дугујемо једном младићу, Драгану Алексићу. Он ће у Прагу 1920. открити сличности између сопствене визије нове уметности, Оргарта, и већ постојеће Даде. Искористивши ентузијазам браће Мицић, Љубомира и Бранка, употребиће њихову ревију Зенит као одскочну даску за сопствене идеје, промовишући дадаизам. Иако кратког даха, као покрет српски дадаизам трајаће свега неколико месеци 1922, Алексићев пут у ново и непознато оставио је неизбрисив траг у домаћој авангарди, упркос оспоравањима и негирањима неких недовољно обавештених књижевних историчара. Његове ревије Дада-Танк и Дада џез су стожерне појаве српске авангардне књижевности, а ова прва, својим типографским и иним решењима, спада у сам врх свега што се тих година у Европи стварало у  периодици авангардних покрета. У њој смо нашли сјајне примере жанровске хибридизације, оригиналне и аутентичне: насловну страну која постаје жанр по себи, или слику-песму са четврте стране ревије. Својим типографским иновацијама Алексић је проникао у срж онога што је красило авангарду те епохе, и можемо само жалити што је његово књижевно деловање кратко трајало. 

Кључне речи : српски дадаизам, авангарда, Југо-Дада, Драган Алексић, типографија, жанровска хибридизација, Зенит, Дада-Танк.

 


NOTES

[1] L’activisme est le mouvement hongrois, autour de la revue littéraire, artistique et politique Ma (Aujourd’hui), édité par Lajoss Kassak. Elle paraît en 1916 à Budapest, ensuite, avec l’échec de la révolution, elle s’implantera à Vienne. L’activisme est orienté contre la bourgeoisie, la guerre et l’exploitation.

[2] Le zénithisme est le mouvement d’avant-garde serbe, dont la revue Zenit est le principal organe. Elle paraît en 1921 à Zagreb, puis à Belgrade de 1923 à 1926. Ljubomir Micić, son créateur, et Branko Ve Poljanski, le frère de celui-ci, développeront le concept de „barbarogénie“, c’est-à-dire celui de l’homme balkanique „barbare-génie“, dont l’ambition serait la balkanisation de l’Europe dégénérée.

[3] Notamment la critique yougoslave. L’une des premières et des plus influentes fut celle de Miroslav Krleža, écrivain, dramaturge, poète, essayiste croate de grande notoriété. Il émet l’opinion que le climat d’avant-garde n’est pas authentique en Yougoslavie, mais qu’il provient de l’Ouest, d’Allemagne. Toute une critique a suivi l’opinion de Krleža. La critique de Hanifa Kapidžić-Osmanagić en 1968, dans son ouvrage Le Surréalisme serbe et ses rapports avec le Surréalisme français, Société des Belles Lettres, Paris,  p. 68, va dans le même sens : „Un mouvement dadaïste n’a pas existé en Serbie, ni en Yougoslavie. Pourtant, il faut mentionner une certaine attitude dadaïste de Dragan Aleksić (né en 1901) qui a publié une anthologie Dada-Jazz, à Zagreb, en 1922, et la revue Dada-Tank.“

[4] Le constructivisme slovène est cependant un peu plus tardif. Au moment de son apogée, en 1927,  à Ljubljana paraît la revue Tank, dont le directeur Ferdo Delak, en collaboration étroite avec Černigoj défend l’idée que l’art nouveau est une expression „collective“. Peter Krečič dans l’article „August Černigoj et l’avant-garde en Europe“ écrit : „La revue présenta beaucoup d’ouvrages du groupe constructiviste de Trieste ainsi que trois manifestes de Černigoj. Le titre de la revue indiquait une orientation internationale que Delak essaya de réaliser par la recherche de collaborateurs dans les centres européens. Il publia alors les textes de Tristan Tzara, Kurt Schwitters, Lajos Kassak et d’autres, les textes avant-gardistes yougoslaves en premier lieu.“ (Revue parlée, janvier 1986, Centre Georges Pompidou, Paris.) Ces constructivistes slovènes furent également très influencés par le zénithisme serbe.

[5] Ce terme „Dada-Yougo“ est tiré de la couverture de la revue Dada-Tank, 1922. Il n’est pas une abréviation de l’expression „dadaïsme yougoslave“. Jug (youg) en langue serbe signifie le Sud. La traduction en serait donc „Dada-Sud“, le sous-entendu est non pas un désir nationaliste ou panslave, mais la volonté de s’intégrer dans une conception internationale de Dada. C’est-à-dire que, pour Aleksić, „Dada-Sud“ est le quatrième point cardinal qui faisait défaut au „grand Dada“.

[6] Hans Richter. Dada Art et Anti-art, Bruxelles, Éditions de la Connaissance, 1965, p. 199.

[7] Hipnos  (1922-1923) ; Crno na Belo (1924) ; Večnost (1926).

[8] Dragan Aleksić, „Vodnik dadaističke čete“ [Le Caporal de la Troupe Dadaïste], Vreme, n° 3234,  Belgrade, 1931. 

[9] Aucune trace de cette correspondance n’apparaît dans le fonds Micić de la Bibliothèque Nationale de Belgrade.

[10] Mihailo S. Petrov, entretien avec Lazar Trifunović, le 21 mai 1971.

[11] Ljubomir Micić, „Politički dadaizam“ [Dadaïsme politique], Zenit, Vanredno izdanje, 23 septembre  1922, p. 3.

[12] À la Bibliothèque de l'Arsenal, fonds J. Doucet, se trouvent deux lettres écrites par D. Aleksić à T. Tzara. Elles sont traduites et publiées par nous-même dans Književna reč, n° 329, Belgrade, 1988, p. 15.

[13] Poète hongrois qui fut un collaborateur assidu de la revue Ma de Kassak.

[14] Dragan Aleksić, texte collage Kako da vam ne reknem da je Dada [Comment ne pas vous dire que Dada], Dada-Tank, Zagreb, 1922, p. 3.

[15] Tzara utilise la main indicatrice notamment sur les couvertures de Bulletin Dada n° 6, Le cœur à barbe et dans de nombreux tracts et affiches de la période parisienne.

[16] Cendrars avait intitulé un de ses poèmes „Orion“. 

 

In :  Filološki pregledXXXIX, 2012, n° 2, Belgrade, Filološki fakultet, p. 53-66.

 Mentions légales
UMB logo Bx CLARE logo logoMSHA Logo MKS
Designed by JoomShaper