LE LIVRE DU MOIS : juillet-août 2014 |
L'Age d'Homme
Dossier spécial :
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Dobrica Ćosić / Tchossitch Le Temps de la mort I-II Vreme smrti Traduit du serbe par Dejan M. Babic Présentation de l'éditeur : L'Age d'Homme Comme Léon Tolstoï dans Guerre et Paix ou Vassili Grossman dans Vie et Destin, c’est par le roman, ample, épique, que Dobritsa Tchossitch rejoint, décrypte et raconte la Grande Histoire. La famille Katić, parmi de multiples personnages et avec tout le peuple du Royaume de Serbie, vit leTemps de la Mort : la Première Guerre mondiale. Des séances du Parlement auxquelles assiste Vukašin, le père, député de l'opposition, aux combats désespérés menés par le Bataillon des Etudiants dans lequel s'est engagé son fils Ivan et à l'hôpital militaire où sa fille Milena est infirmière volontaire, Tchossitch reconstitue, tantôt à grands traits violents, tantôt avec une minutie quasi obsessionnelle, toute la fresque du conflit qui allait ébranler l'Europe. Destins politiques et familiaux, destins individuels et nationaux, joie et souffrance, amour et haine, beauté de la nature et hideur de la guerre, tout se mêle sur fond de charnier, d'épidémie, dans l'odeur de la poudre, de la gangrène, du typhus. La Première Guerre mondiale en Serbie, c'est le général Mišić, petit paysan devenu le stratège de son pays, qui lance son armée, défaite, affamée, pouilleuse et démoralisée, dans une offensive insensée contre l'Empire austro-hongrois et gagne son pari. C'est l'étudiant Bogdan Dragović, militant communiste, tête brûlée des manifestations qui ne craint ni Dieu ni diable et qui, à sa première bataille, connaît la peur. C'est l'espoir fou d'un peuple exténué et déçu par ses Alliés : la France, l'Angleterre et la Russie. C'est la trahison ou l'indifférence de l'Europe occidentale à la survie et au sacrifice d'un petit peuple qui avait pourtant, dès cette époque, fait le choix de l'Europe et de sa civilisation. C'est la pénurie de médicaments, d'armes, de nourriture, le manque d'hôpitaux, de médecins, le marché noir. C'est enfin – ce qui prend une résonance particulière aujourd'hui – l'espoir, après la victoire et l'effondrement de l'Empire austro-hongrois, d'une union avec les Croates et les Slovènes, en vue de créer une Yougoslavie pacifique et prospère. La plupart de ses personnages, Dobritsa Tchossitch les fera revivre par la suite, avec leurs enfants, dans Le Temps du Mal, la grande fresque des temps staliniens. Tchossitch, en véritable visionnaire, ne force pas l’histoire : les êtres et les faits sont là, et nous y croyons, car il nous semble les avoir connus depuis toujours. Par son souffle et sa puissance, par sa grandeur classique, Le Temps de la Mort est étranger à toute la littérature contemporaine. Bien qu'achevé en 1978, il ne peut se comparer qu'aux chefs-d'œuvre du passé : Guerre et Paix ou Le Don paisible. Présentation de Georges Nivat [...] Bien sûr, Tchossitch dialogue avec Tolstoï. De bout en bout, presque à bras-le-corps. Non qu’il ait fait un calque. Mais parce que le type de bataille qu’il empoigne et sculpte dans sa phrase gouailleuse, tendre et tendue, c’est le type de bataille qui a commencé avec Napoléon. Les stratégies à l’échelon de 10 000 hommes, le dialogue artillerie-infanterie, les assauts à main nue après la boucherie à cent mètres les uns des autres. Pas encore de blindés, pas encore d’aviation. La baïonnette achève l’ouvrage du canon et du fusil. La guerre sanglante, déjà sans héros, mais pas encore dépersonnalisée. Quiconque veut empoigner cette réalité humaine à dix mille têtes, dix mille corps, dix mille cœurs doit se mesurer à Tolstoï. Tchossitch se mesure à Tolstoï. Le grand-père Katitch connaît par cœur Guerre et Paix. Tous le connaissent. C’est le grand roman frère, et c’est le peuple grand frère. Lire la suite |
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