LE LIVRE DU MOIS : août 2011 |
L’Age d’homme, 2010,
A lire :
Oeuvres traduites
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Milovan Danojlić SEULE LA LUMIÈRE poèmes 1957-2007 Choix et traduction du serbe par Vesna Bernard-Radovic Présentation de Sanja Bošković Il n’est pas aisé de présenter un poète qui a sa place depuis plus de cinq décennies dans la poésie moderne serbe, d’autant plus que Milovan Danojlić s’est exprimé avec succès dans divers genres poétiques et littéraires. En dépit de nombreuses œuvres en prose dont quelques unes ont été présentées au public français grâce aux éditions de L’Age d’Homme, on peut dire que Danojlić est d’abord un poète et que son expression première est essentiellement poétique. Ce qui est caractéristique dans cette expression, c’est le contraste entre la précision aigue de la langue et les observations raffinées et lyriques exprimées dans un panorama varié d’images, de sentiments et de thèmes poétiques. Le poème « Comprenons-nous bien » exprime non seulement le programme du poète mais aussi ce que le poète attend de son chant : l’exaltation poétique est critique, avide de vérité, le poète est la conscience de l’humanité. Pour cela, il déclare : Je parle tandis que vers la terre criblée de balles j’incline Et voilà, tout le monde maintenant se promène, se remet de la guerre Moi, je suis seul. Parler, comme a déjà dit Danojlić, « non pour cause de bonheur mais de clarté » est un impératif poétique qui est aussi présent dans les poèmes où sont décrites les forces enivrantes de l’harmonie métaphysique que le poète ressent et exprime dans ses vers consacrés à la nature. Au début, elle hésite peu ou prou. Palpitant au-dedans. Se hérisse, blême, Les vers cités, tirés du poème « La dernière gouttelette sur la feuille », illustrent la spécificité du style poétique de Danojlić. En usant du mode « réaliste » pour présenter « l’irrationnel », le poète donne à voir l’unité du visible et de l’invisible, en créant ce paradoxe où l’exactitude du réalisme la plus stricte dessine les contours métaphysiques du monde. La clarté et la précision de la langue ne sont pas en contradiction avec l’exubérance et le contraste des associations qui donnent l’impression d’un emballement d’images sans lien prévisible entre elles. On a le sentiment que le mot est « la clef » qui peut ouvrir « la maison des fous » de ce monde. D’où l’opulence burlesque des images poétiques et la nomination strictement ascétique du monde. Partant du sentiment que l’homme est une créature manquée et faible, Danojlić vérifie souvent dans ses poèmes la profondeur de la trahison dans laquelle nous vivons : car rares sont les exemples où l’homme ne s’est pas à un moment renié aussi bien dans sa vie personnelle que sur le plan de l’histoire. Le poète surmonte le malentendu entre l’homme et le monde grâce à l’harmonie de la nature dans laquelle la trahison agit et où même un « renégat », simple parcelle de cet ensemble, trouve un point d’appui. Car dans la poésie de Danojlić, la nature représente un Tout vivant, harmonieux et hautement conscient qui, constituant l’arrière-plan métaphysique de l’existence, efface touts les ratés et toutes les errances. Le livre qui est devant nous, en provenance de L’Archipel slave, s’intitule en français : Seule la lumière. Celui qui lira attentivement ce recueil remarquera que l’on trouve presqu’à chaque page, sinon le mot, du moins une évocation de la lumière. Cette curiosité tient sans doute à une rare et heureuse rencontre, celle où le thème poétique a attiré et conduit le traducteur, dans le choix des poèmes à traduire, à esquisser deux portraits : le sien et celui du poète. |
Auteur : Milovan Danojlić Milovan Danojlić (Milovan Danoïlitch) est né le 3 juillet 1937 à Ivanovci en Serbie. Diplômé de l’Université de Belgrade (langue et littérature française), il a publié plus de soixante volumes de poèmes, de proses et d’essais. Il a traduit également Aragon, Claudel, Baudelaire, Cioran, Jiménez, Pound, Yeats, Shakespeare, Brodsky… Milovan Danojlić a obtenu une trentaine de prix littéraires. Il est membre non résident de l'Académie serbe des sciences et des arts (SANU). Depuis vingt cinq ans il réside en France (Paris et Poitiers), où il poursuit son œuvre littéraire. |
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