Gabriella Schubert Université d’Iéna, Allemagne
LES CONCEPTIONS DE L’ADAPTATION DE LA POÉSIE POPULAIRE SERBE EN ALLEMAGNE À L’ÉPOQUE ROMANTIQUE
Résumé
Cette étude est consacrée à l’âge d’or des relations serbo-allemandes, à l’époque qui vit s’éveiller l’intérêt des Allemands pour les Serbes et où les traductions ou, plutôt, les adaptations de la poésie populaire serbe furent publiées en nombre. Ce fut l’époque des Herder, Goethe, Ranke, des frères Grimm, celle où la poésie populaire suscita un vit intérêt plus généralement en Europe et ravit aussi les lecteurs allemands. Dans ce contexte, nous nous attacherons plus en détail aux points suivants : 1. Quelles motivations incitaient à traduire et quelle était la finalité de l’adaptation ? 2. À quels principes traduction et adaptation étaient-elles subordonnées ? 3. Quelle compréhension les poètes allemands avaient-ils du contenu des poèmes qui furent adaptés ? 4. Quelle fut la diffusion de ces poèmes en et hors d’Allemagne ? Ces quatre questions ne sont naturellement pas distinctes mais en corrélation.
Mots-clés
Relations serbo-allemandes, poésie populaire serbe, romantisme, traduction, adaptation, réception, Vuk Karadžić, Goethe, Talvj.
1.
La question sur laquelle nous allons nous pencher au début de cette étude touche aux motivations qui incitèrent les Allemands à s’intéresser à la poésie populaire serbe au plus fort de l’époque romantique, plus précisément pendant la période qui s’étend du Sturm-und-Drang dans la seconde moitié du XVIIIe siècle jusqu’au milieu du XIXe siècle. L’Allemagne, comme d’ailleurs l’ensemble de l’Europe occidentale, vit alors l’épanouissement de la poésie populaire quand le peuple et ses réalisations en matière de culture se révélèrent et servirent d’assise au mouvement d’unification de tous les Allemands[1]. Le philosophe Herder, le premier, introduisit le concept allemand de Volkslied sur les modèles français et anglais : chanson populaire, poésie populaire, popular song, popular poetry. En 1776, il invita les poètes et les philologues allemands à recueillir les poèmes et chansons populaires de tous les peuples et entreprit lui-même d’en réunir, d’en traduire, et de théoriser ce genre littéraire. Ce fut précisément à cette époque qu’apparurent les premières traductions en langue allemande de la poésie populaire serbe.[2]
Pour Herder et, aussi, pour le grand poète allemand Goethe, la poésie populaire représentait l’expression directe, authentique des sentiments de l’âme dans sa plénitude. À leurs yeux importait la disposition intérieure, spirituelle de l’homme, qu’elle se manifeste dans la poésie d’un seul auteur ou qu’elle soit œuvre collective ; en d’autres termes, ils ne distinguaient pas la poésie populaire de celle artistique. La théorie du Volksgeist, de l’esprit du peuple considéré comme l’auteur collectif de la poésie populaire, s’ébauchait à l’époque du romantisme.[3] Il n’est donc pas insolite qu’à commencer par Herder, les Allemands aient éprouvé un fort intérêt pour les Slaves des Balkans, en particulier des Serbes, dans la mesure où ils découvrirent dans ces régions ce qui, chez eux, était depuis longtemps tombé dans l’oubli : une communauté de conteurs authentique, enjouée, et une culture de la poésie qui apparut aux lecteurs allemands simple, originale, et, dans le même temps, étrangère, archaïque, énigmatique, et par-là même attrayante. Du reste, ce fut cette quête de l’archaïque et de l’original dans l’esprit homérique qui amena les historiens, philologues et poètes allemands de l’époque, consciemment ou non, à se prendre d’admiration pour la poésie populaire serbe mais aussi pour celle des autres peuples balkaniques. Outre Helder et Johann Wolfgang von Goethe, les plus célèbres d’entre eux furent Jakob et Wilhelm Grimm, Wilhelm von Humboldt et Leopold von Ranke.
Grâce surtout au zèle de Goethe, les poèmes populaires collectés par Vuk Karadžić jouirent d’une popularité exceptionnelle dans l’Allemagne de l’époque. À ce propos, il faut souligner que, parallèlement à Goethe, apparut sur le devant de la scène la passeuse la plus importante et la plus talentueuse de la poésie populaire serbe en Allemagne, Therese Albertine Luise von Jakob, alias Talvj ; par ses adaptations et son rôle d’intermédiaire de la culture serbe en Allemagne, c’est elle qui, de tous les Allemands, a le plus obligé les Serbes.[4] Mais elle n’a pas œuvré en solitaire : hormis Talvj, d’autres personnalités traduisirent la poésie populaire serbe en allemand : Friedrich August Clemens Werthes, Jernej Kopitar, Eugen Wesely, Peter Goetze, Wilhem Gerhard[5] et Stefan Schlotzer.[6] Tous ont contribué à une meilleure connaissance de la poésie populaire serbe en Allemagne.
L’intérêt porté par l’Occident à la poésie des Balkans s’est toutefois manifesté d’abord en Italie. C’est le géographe l'abbé Alberto Fortis qui l’a suscité en publiant en 1774 à Venise son récit Viaggio in Dalmazia. Lors de ce voyage en Dalmatie, il avait noté dans sa version originale le célèbre poème Žalosna pjesanca plemenite Asan-Aginice [La complainte de la noble Asan-Aginica], puis il en publia une traduction en italien sous le titre Canzone dolente della nobile sposa d’Asan Aga.[7] L’année suivante, en 1775, ce poème parût en Allemagne, traduit par le Souabe Clemens Werthes : grâce à cette traduction, Goethe découvrira cette complainte et sa fascination sera telle qu’il décidera d’en faire lui-même une adaptation. Elle paraîtra en 1778 dans le premier tome des Volkslieder d’Herder sous le titre Klaggesang von der edlen Frauen des Asan Aga et marquera le début d’une période d’intenses échanges spirituels entre les Serbes et les Allemands : Vuk Stefanović Karadžić et Jernej Kopitar du côté slave, les frères Grimm (surtout Jakob), Talvj et Goethe du côté allemand.[8]
2.
Quel objectif les Allemands poursuivaient-ils en traduisant les poèmes serbes ? Outre l’intérêt esthétique et romantique que suscitait chez eux une poésie authentique, souhaitaient-ils réellement diffuser la culture d’un peuple et d’une contrée totalement inconnus en Allemagne ? Si oui, nécessité était de coller le plus possible à l’original. Néanmoins, s’ils s’étaient fixé pour but le rapprochement d’une culture étrangère, archaïque des goûts littéraires du lecteur allemand, obligation était alors de s’en tenir au pittoresque des concepts de la culture allemande et, par voie de conséquence, de s’écarter de l’original. Ces deux principes, qui sous-tendent tout travail de traduction, se trouvent abondamment illustrés dans les traductions allemandes des poèmes serbes. Quoiqu’on ait déjà beaucoup écrit sur le sujet, on a rarement étudié le rapport de la traduction à l’original.[9]
Si on examine les premières adaptations de Hasanaginica que réalisèrent Fortis, Werthes, Goethe et Talvj, on s’aperçoit que le choix du principe de traduction n’est pas opéré de façon identique. Prenons, par exemple, l’adaptation de Werthes : un simple coup d’œil suffit pour se rendre compte que le traducteur se montre très peu respectueux de l’original serbe. Sa version, de sept vers plus longue, tient d’une adaptation très libre qui, comparée à l’original concis, ramassé, regorge de fioritures, d’épithètes et d’ajouts romantiques. En guise d’exemple, comparons les vers 14 et 15 de l’original et de l’adaptation de Werthes :
Original
Kad kaduna riječi razumjela
Još je jadna u toj misli stala
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Werthes
Als das Harte Wort die treue
Gemahl vernommem, stand sie starr und schmerzvoll.
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Werthes ne respecte pas le décasyllabe, la pause à la fin du vers, il préfère l’enjambement, comme Fortis avant lui. Plutôt que le décasyllabe trochéen avec césure après le quatrième pied, le traducteur utilise le pentamètre iambique avec clausule féminine. Il ajoute nombre de mots nouveaux, modifie la structure, use des styles direct et indirect, et transforme Hasan-aga en naša vojvoda, notre chef (unser Herzog, vers 5), knjiga oprošćenija [le livre des indulgences] devient chez lui Feiheitsbrief [le livre de la liberté]. En toute liberté justement par rapport à l’original, il reprend à son compte toutes les modifications déjà introduites dans la version de Fortis : de même que Fortis avait traduit le mot kaduna par donna, dama, signora et sposa, Werthes recourt à junge Fürstin [la jeune comtesse], vers 68.
Chez Werthes, comme chez Goethe, c’est l’esprit de la conception de la poésie populaire qu’avait Herder qui prévaut : liberté de traduction, adaptation autorisant les alternances, les réductions et les ajouts. Tout cela se justifie à ses yeux à condition que soient exprimés des sentiments authentiquement humains. Goethe, pour sa part, se démarque en quelque sorte : quoique la version de Werthes lui ait servi de base de travail, il s’en tient rigoureusement à la métrique du trochée et à la structure syllabique du décasyllabe comme le montrent les vers ci-après :
Was ist weißes dort am grünen Walde?
Ist es Schnee wohl, oder sind es Schwäne?
Wär es Schnee da, wäre weggeschmolzen,
Wären's Schwäne, wären weggeflogen,
Ist kein Schnee nicht, es sind keine Schwäne,
S’ ist der Glanz der Zelten Asan-Aga,
Niederliegt er drein an seiner Wunde.
J. W. von Goethe, Klaggesang von der edlen Frauen des Asan-Aga. Morlakisch, 1775 (éd. 1778).
Quoique ne connaissant pas la langue serbe, Goethe possédait un sens très aigu de la mélodie de l’original. Pour ce qui est des autres aspects de la traduction, sa démarche est cependant très voisine de celle de Werthes. Ainsi, par exemple, l’introduction fréquente d’attributs : plutôt que le terme beg, il utilise Bruder, le frère ; plutôt que duša, l’âme, il opte pour l’expression banger Brusen qui, littéralement, signifie « poitrine timorée ». Cette tournure, typique du style romantique en Allemagne, est totalement inconnue dans les poèmes populaires serbes.
L’un dans l’autre, le concept de la libre adaptation, qui reposait sur les possibilités mélodiques de la langue allemande et visait à satisfaire les goûts littéraires d’alors, était une dominante dans la littérature romantique allemande et, surtout, très apprécié des lecteurs allemands. Il heurtait manifestement celui philologique de la traduction auquel se pliaient Jernej Kopitar, Vuk Karadžić, Jakob Grimm, principe qui vaut certainement aujourd’hui encore pour tout philologue. De cet esprit, la traduction se doit de s’orienter le plus possible dans le sens de l’original.
Les deux démarches mentionnées ci-dessus présentent leurs avantages et leurs insuffisances. En guise de plaisanterie et pour paraphraser un point de vue sexiste, disons que la traduction tient de la caractérisation masculine de la femme : fidèle, elle n’est pas jolie ; jolie, elle n’est pas fidèle. Autrement dit, la traduction idéale n’existe pas, il n’est qu’une proximité plus ou moins grande avec l’original. Le rythme de la poésie populaire serbe, et en premier lieu celui des poèmes épiques, basé sur le décasyllabe, correspond à l’esprit de la langue serbe mais ne saurait jouer le même rôle dans une autre langue. Chez Ljubomir Ognjanov, uniquement, nous trouvons une conception qui fusionne philologique et artistique : la traduction, selon lui, doit être fidèle à l’original pour ce qui est du contenu, mais libre quant à la forme, c’est-à-dire fidèle à la langue du traducteur qui crée pour un lecteur et non pour un folkloriste ou un philologue.[10]
S’agissant des traductions allemandes de la poésie populaire serbe, une tentative en ce sens a été faite par Therese Albertine Luise von Jakob, dite Talvj, qui a, rappelons-le, adapté en allemand le plus grand nombre de poèmes populaires serbes.[11] Cette traductrice de talent fait en vérité figure d’exception, et à tout point de vue : à la différence des autres traducteurs, elle cultivait un grand intérêt pour les langues et cultures des peuples slaves, et d’abord des Serbes, ce qui constitue le préalable pour s’engager dans la traduction littéraire. Talvj avait étudié la langue serbe et en possédait de solides connaissances, elle connaissait personnellement Vuk Karadžić et avait sondé en profondeur l’arrière-plan culturel et historique des poèmes populaires serbes. Il nous faut certes reconnaître que des motifs d’ordre personnel l’y incitaient également : par ses traductions, elle cherchait à attirer l’attention et la reconnaissance de Goethe à qui elle avait envoyé en 1824 son premier recueil d’adaptations de poèmes serbes. Ses efforts portèrent leurs fruits car, enthousiaste, Goethe l’incita à persévérer dans ses travaux. Dès lors Talvj s’y consacra pleinement et poursuivit une collaboration étroite avec Goethe, mais aussi Vuk Karadžić et Jernej Kopitar. Ses formidables adaptations de la poésie populaire serbe parurent en deux volumes en 1825 et 1826 avec une dédicace pour Goe-the. Les caractérise principalement la proximité littéraire et linguistique entre les cultures source et cible. La traductrice s’est efforcée au maximum de respecter la métrique, le style et le contenu de l’original et, dans le même temps, l’esprit de la langue allemande si bien que le lecteur perd rapidement la sensation d’avoir une traduction sous les yeux. Comparons, par exemple, les vers suivants dans les versions de Goethe et de Talvj :
Goethe
Wär es Schnee da, wäre weggeschmolzen
Wären‘s Schwäne, wären weggeflogen.
Ist kein Schnee nicht, es sind keine Schwäne
S‘ ist der Glanz der Zelten Asan Aga;
Talvj
Wär‘ es Schnee, es wäre weggeschmolzen
Wären‘s Schwäne, wären weggeflogen.
Weder ist es Schnee, noch sind es Schwäne,
‘S ist das Zelt des Aga Haßan-Aga
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Talvj transpose même dans sa version l’allitération présente dans l’original. Dans cet exemple, il est possible de percevoir le talent de la traductrice dont les créations se révèlent par instants plus poétiques que le texte d’origine ! Examinons, dans cette optique, l’exemple suivant :
Smrtna bolest
(Vuk St. Karadžić:
Srpske narodne pjesme I/n° 581)
Ah što ću, što ću!
Ne spavam noću,
Srce mi gori,
Muka me mori,
Umreti oću
Za tobom, dušo.
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Tödliche Krankheit
(Talfj: Volkslieder der Serben, 1825)
Ach, was beginn ich!
Hab all die Nacht
Weinend durchwacht.
Brennt mir das Herz!
Tötet mich der Schmerz!
Sterben will ich
Um dich, o Seele.
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De la perspective qui est la nôtre aujourd’hui, on peut sans réserve qualifier ses traductions de parfaites, du point de vue tant du style que du contenu. Talvj est parvenue à marier précision philologique et qualité poétique, et donc à être proche simultanément tant de l’original et de la culture serbes que du pittoresque de sa propre zone linguistique. Toutefois, et en dépit de la haute qualité de son travail, Talvj a nécessairement eu des points de désaccord avec Jakob Grimm et Jernej Kopitar. Ce dernier exigeait une traduction fidèle, voire servile de l’original, et dans les adaptations entreprises en commun, il conseillait à Talvj de conserver dans ses traductions des mots de l’original tels que kolo [la ronde], vila [la fée], junak [le héros], kum [le témoin à un mariage] ou dever [le beau-frère]. Talvj, quant à elle, pensait et procédait différemment : elle traduisait les mots spécifiques de la culture des Serbes et des peuples slaves du sud de sorte que, rendus compréhensibles pour les Allemands, ils correspondent aussi à l’original sur le plan sémantique. Pour svatovi [la noce, les invités à un mariage], elle utilise en allemand l’expression Hochzeitleute.
La position de Talvj sur la traduction diffère également de celui prôné par Jakob Grimm qui, par ailleurs, se consacra longtemps à la langue et à la poésie serbes. Il considérait que la mélodie authentique, les rimes, les métaphores et les anaphores de l’original devaient être conservées dans la traduction. La simplicité et l’authenticité des poèmes serbes le fascinaient tout particulièrement, il aimait les figurae etimologicae : večer večerati, misli rasmišljati, san zaspati, lov loviti, žetvu žeti. Il demandait que ces figures fussent rendues de manière analogue en allemand : Nachtmahl nachtmahlen, Gedanken auseinanderdenken, Schlaf einschlafen, Burg burgen, Jagd jagen, Ernte erneten. C’était là, selon lui, un gage de fidélité à l’esprit du peuple. Le problème se posa donc pour les expressions qui ne correspondaient d’aucune façon à l’esprit de la langue allemande, et Talvj a d’abord récusé cette manière de faire et opté pour le recours à des expressions qui, en allemand, correspondaient sur le plan sémantique mais sans porter atteinte ni à la forme ni au contenu de l’original ; pour grad graditi, elle a utilisé eine feste erbauen. Dans la seconde édition profondément révisée et augmentée de ses adaptations qui parut en 1833, elle semble néanmoins s’être rapprochée des arguments que faisaient valoir le philologue.
Pour ce qui est des conceptions différentes défendues par Talvj et Jakob Grimm, il faut dire que la préférence de Milan Ćurčin va à celles de Grimm ; il critique « l’obstination de Mlle von Jakob » dans son refus, selon lui, de se rendre aux conseils d’un spécialiste et de brider quelque peu sa liberté en matière de traduction.[12] D’un autre côté, il pense que, femme, Talvj éprouvait une certaine gêne à traduire véritablement les mots et les notions qu’elle jugeait inconvenants et tâchait d’imposer les formes héroïques de l’Europe de l’ouest au rude monde des héros serbes. De ce fait, les malédictions sont atténuées et la manière véritable de s’exprimer perd de son authenticité.[13]
Les conceptions de Grimm étaient partagées par Jernej Kopitar vers qui Talvj se tournait fréquemment pour lui demander son conseil. Il a traduit au total 46 poèmes avec une grande précision et en adjoignant des commentaires. Entre autres, il a expliqué comme suit l’interjection more [Eh bien ! / Allons !] : un homme socialement supérieur l’utilise pour s’adresser à quelqu’un de rang inférieur ‒ “Eine Interjection, die sich der stolze Obere gegen Untere erlaubt”.[14] Talvj s’est souvent trouvée confrontée à des problèmes de traduction insolubles. Elle s’en est ouverte, notamment à Goethe le 3 mai 1824 : « Je vous envoie la mise en forme métrique du poème “Le mariage d’Ajkuna” que j’espère d’aussi bonne qualité que possible ne disposant pas de l’original. » [Hierbey folgt eine metrische Bearbeitung von Ajkuna’s Hochzeit - so gut sie mir ohne Original hat gelingen können.] C’est là, à vrai dire, un poème dont Vuk lui a transmis la traduction littérale et qui, en allemand, n’est guère compréhensible, pour ne pas dire risible :
Texte de Vuk
Es spazierte Hajkuna Atlagith;
Auf der Hajkuna wunderschöne Kleidung:
Ein Kopf, sieben Perischani (Kopfschmuck)
Ein paar Ohren, zwei Ohrgehänge,
Ein Hals, drei feine Halsschmücke,
Eine Schulter, drei gelbe Röcke,
Ein paar Hände, drei Armringe,
Ein Herz, drei goldee Gürtel;
Auf den Füßen bunte Hosen,
Wie die Fatalen geschmückt sind!
Bis an die Knie Wölfe und Wau Wau,
Von den Knien kleine Eichhörnchen,
Und neben ihnen lauter Helden Schnurbärte,
In der Mitte der Pascha Delibascha,
Um ihn dreißig Delien;
Auf dem Hosenbande zwei Goldsch miede:
Einer schmiedet, der andere vergoldet ...
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Original
Šetala se Hajkuna Atlagić;
Na Hajkuni prelepo odelo:
Jedna glava, sedam perišana (ukras za glavu),
dva uveta, dve minđuše,
Jedno grlo, tri fina ukrasa,
Jedno rame, tri žute haljine,
Dve ruke, tri narukvice,
Jedno srce, tri zlatna kaiša;
Na nogama šarene dimije,
Kako li su uklete nagizdane!
Do kolena vuci i bauci,
Od kolena same veverice,
A uz njih sve sami junački brci,
U sredini Paša Delibaša, Oko njegatrideset delija;
Na podvezu dvojica kujundžija
Jedan kuje, drugi pozlaćuje...
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Voici le rendu de Talvj de la traduction littérale, un rendu étonnant qui témoigne d’une réelle virtuosité.
Sieh, Hajkuna Atlagitch, die Jungfrau,
Wie sie geht in wundersamem Anzug!
Siebenfach umwunden ist das Haupt ihr,
In den Ohren trägt sie Goldgehänge,
Um den Hals drey feingeringte Ketten;
An den Armen auch dreyfache Spangen,
Unterm Busen drey echtgoldne Gürtel,
Auf den Schultern gelbe Oberkleider,
An den Füßen bunte Unterkleider,
Wie so schelmisch ausgeputzt sind diese
Bis ans Knie sind Füchschen drauf und Lüchschen,
Vom Knie an, ganz kleine Eichhornweibchen;
Dicht daneben lauter Heldenbärtchen,
Von ‘nem Leibwachtpascha, in dem Zwickel,
Drum herum, von dreißig Leibsoldaten.
Auf dem Tragband zween Goldschmiedkünstler,
Der vergoldet, aber jener schmiedet...
À ce point, il est intéressant de noter qu’aux Wölfe und Wau-Wau (vuci i bauci [les loups et les hou ! hou !]) de Vuk, Talvj a substitué Füchschen und Lüchschen (lisičice i risići [les renardeaux et les jeunes lynx]).
Indépendamment des litiges poétiques et philologiques évoqués ci-dessus, les adaptations de Talvj furent très prisées en Allemagne, au point qu’elles connurent deux rééditions en 1833 et 1853, donc 28 ans après la publication des premières, alors que d’autres traducteurs étaient apparus en Allemagne. Talvj a en réalité servi de modèle à toute une série de traducteurs de la poésie populaire serbe au nombre desquels Eugen Wesely, Peter Otto von Goetze, Wilhelm Gerhard et son conseiller Sima Milutinović, Ziegfried Kaper et Ludwig August Frankel. Poursuivons cette étude par une brève présentation des travaux de certains d’entre eux.
Commençons par les traductions d’Eugen Wesely[15] qui sont quasiment contemporaines de celles de Talvj. Plus concrètement, Wesely fit paraître son petit recueil Serbische Hochzeitlieder à Pest en 1826. Il connaissait bien la langue croate, et Stjepan Tropsch (1911) juge qu’il a traduit les poèmes serbes plutôt scrupuleusement tout en prenant néanmoins certaines libertés. Lui aussi a cependant respecté les représentations esthétiques qui étaient celles des Allemands de l’époque et, entre autres, souvent utilisé dans ses traductions des diminutifs d’ordinaire absents dans l’original. Pour jelen [le cerf], il dit « Hirschlein » ; pour golub [le pigeon], « Täubschen » ; pour majka [la mère], « Mütterchen », etc. Des mots tels que kum, vojvoda et muštulugdžije demeurent non traduits mais sont expliqués. La métrique de l’original est respectée mais dans les poèmes décasyllabiques, le quatrième pied dans ses vers est plus souvent lié au cinquième, au sixième, etc. Mettant ces traductions en parallèle avec celles de Talvj, Tropsch constate : « D’un point de vue rigoureusement philologique, l’avantage va à Wesely, mais du point de vue poétique, il faut donner la préférence à Talvj… »[16]
En 1827, un an seulement après la publication du livre de Wesely, paraît un nouveau recueil de traductions de la poésie populaire serbe sous le titre Serbische Volkslieder, ins Deutsche übertragen von P. von Goetze. St. Petersburg, Leipzig.[17] À propos de ce livre, il est intéressant de noter que dans une lettre adressée à Kopitar, Talvj se plaint de ce que Goetze l’a en réalité plagiée. Toutefois, la position de Tropsch sur cette question diffère quelque peu : confrontant les deux traductions, il conclut que Goetze, dans son travail, s’est effectivement inspiré des traductions de Talvj, mais qu’on ne saurait aucunement parler de plagiat.[18] Examinons, par exemple, Tri najveće tuge ([Les Trois plus grands chagrins], in : Vuk, édition de Leipzig, I/283) :
Talfj
Nacht’gall, kleines Vöglein
Gabest jedem Frieden;
Doch mir armen Jüngling
Gabst du dreifach Wehe!...
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Göetze
Nachigall, die kleine
Jedem Wonne singend,
Hat nur mir, dem Armen, Dreifach Weh gesungen. …
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Une lecture fût-elle superficielle de ce poème permet de voir que Goetze, à l’exemple de Talvj, a coupé le dodécaèdre en deux hexasyllabes. Mais ses autres traductions sont plus ou moins des versions de celles de Talvj. Ce qui vaut aussi pour les explications qu’il avance pour éclaircir certaines notions de la culture serbe. Dans son travail, Goetze était tout autant sous l’influence de Kopitar et de Grimm mais, contrairement à eux, il a traduit une multitude de vers en fonction de leur signification et sans grand souci d’exactitude, de fidélité au texte originel. Il a ainsi modifié le temps des verbes, d’autres formes grammaticales de l’original, et parfois même son sens. Tout en considérant que Goetze, dans ses traductions, s’est efforcé de transposer la métrique du texte original, Tropsch indique clairement que le traducteur n’a pas toujours trouvé les bonnes solutions.[19] Il suffit de regarder ce vers : Seit du mich zu / lieben angefangen (“zu lieben” est, en allemand, indissociable).
La popularisation de la poésie populaire serbe en Allemagne doit beaucoup également au poète Wilhelm Gerhard qui naquit à Weimar en 1780 et mourut à Heidelberg en 1858. Quoique commerçant de profession, il aura su ménager son temps pour se consacrer à la littérature. En 1826 à Leipzig, il rencontre Sima Milutinović qui souligne à son attention le grand nombre de poèmes restant dans le recueil de Vuk et non traduits par Talvj. Milutinović lui apportera une aide précieuse dans le travail de traduction : Gerhard, en vérité, ne connaissait pas le serbe et, dans un premier temps, Milutinović lui expliqua les poèmes vers après vers.
Les traductions de Gerhard parurent à Leipzig en 1828 sous le titre Wila. Serbische Volkslieder und Heldenmärchen von W. Gerhard. Dans la première partie, sous le titre Kolo, sont présentés 165 poèmes féminins, et sous le titre Gußle 34 poèmes épiques datant des époques très ancienne et moyenne. Tous, pratiquement, sont tirés du recueil publié par Vuk à Leipzig, certains sont empruntés à Milutinović. Notons que Gerhard a aussi traduit Hasanaginica mais sans s’en tenir à Fortis ni à Vuk et en se basant sur la version librement adaptée que Mérimée propose dans La Guzla. Il avait la conviction que ses traductions étaient « exactes » (formgetreu) mais, dans le même temps, désirait montrer que ses libres adaptations étaient supérieures aux traductions précises de Talvj. Tropsch, sur ce point, fait néanmoins le constat suivant : « Nous verrons d’emblée que là, il se leurre ».[20] D’autres critiques pensent eux aussi que Gerhard n’était pas un traducteur de génie, qu’il ne fait bien souvent que paraphraser Talvj, mais que la responsabilité des erreurs de traduction doit être imputée à Sima Milutinović.[21] Tropsch analyse les traductions des deux poèmes et nous nous attacherons ici à l’une d’elles : le premier poème du premier livre de Vuk dans l’édition de Leipzig, n° 300 :
„Slavuj pile, mori, ne poj rano,
Ej Nedeljo, mori, dilbero!
Ne budi mi gospodara!
Sama sam ga uspavala,
Sama ću ga i buditi:
Otići ću u gradinu
Uzabraću struk bosiljka,
Ud’riću ga po obrazu:
Ustaj, ago, ustaj, drago!
I on će se probuditi.
Voici l’adaptation de Gerhard (1, 116) :
Nachtigall in grünen Zweigen!
Möchtest du doch endlich schweigen!
Weckst mir meinen Herrn,
Machst mit deinem Lied mir Kummer,
Selber lullt’ ich ihn in Schlummer,
Weck’ ihn selber gern.
Will mich in dem Gärtchen bücken,
Einen Straus Basilie pflücken,
Die so freundlch lacht;
Streicheln will ich leis’ und lange
Mit den Blumen seine Wange,
Bis der Liebst’ erwacht.
Dans sa traduction, comme on le voit, Gerhard a transformé les 10 vers de l’original en 12 vers rimés et conservé uniquement les motifs principaux qu’il a ensuite transposés dans un autre contexte et dans un style fleuri typiquement romantique. Son adaptation est indubitablement proche de l’esprit de la poésie romantique allemande mais Stjepan Tropsch – qui a étudié en détail le travail de traduction de Gerhard ‒ pointe la longue liste d’erreurs et d’inexactitudes dont sont aussi ponctuées ses traductions les moins libres : « Ce ne sont plus là nos poèmes car se trouvent gommées toutes les particularités de notre poésie populaire ».[22] Au demeurant, pour les mêmes raisons, Talvj a porté un jugement négatif sur le travail de Gerhard. Pourtant, objectivité oblige, il faut ici rappeler que Goethe, par exemple, ne tarissait pas d’éloges sur les traductions de Gerhard qu’il tenait pour un poète de talent.
Que les adaptations de Talvj demeurent insurpassables apparaît également à l’évidence quand on les compare aux traductions récentes des poèmes épiques serbes réalisées par Stefan Schlotzer et publiées à Marburg en 1996. C’est la conclusion que tire Vesna Cidilko dans son étude du travail de traduction de Schlotzer et de Talvj. En mettant en parallèle les traductions du poème Marko Kraljević i Musa Kesedžija, elle estime que celles de Talvj sont de loin plus réussies, plus précises quant à la transposition et de la forme et du contenu. La motivation première de Schlotzer pour entreprendre une nouvelle traduction était une volonté de remplacer et d’actualiser les constructions linguistiques obsolètes utilisées par les traducteurs précédents et de nos jours passées d’usage. À ce propos, et à juste raison, Vesna Cidilko pose la question suivante : la langue des poèmes épiques serbes qui, dans l’original, paraît archaïque, pour ne pas dire classique au lecteur d’aujourd’hui, doit-elle être modernisée et, donc, adaptée à la langue contemporaine ?[23] Contemporaine de Vuk Karadžić, Talvj utilise une norme linguistique allemande qui, de nos jours encore, ne sonne pas archaïque. Du point de vue du style également, sa langue est parfaite. En comparant les traductions d’un autre poème épique, nous sommes nous aussi parvenus à la conclusion que la version de Schlotzer est nettement moins poétique. Schlotzer, en outre, introduit des mots inexistants dans l’original et traduit certaines expressions spécifiques de la culture des Balkans d’une manière qui ne correspond pas à l’original. Svatovi est traduit par Gäste, qui signifie invités, mais pas ceux, exclusivement, d’un mariage ! Talvj, pour sa part, conserve ce mot sans le traduire mais en donne l’explication.
3.
Pour les raisons esthétiques avancées ci-dessus, le contenu des poèmes a bien souvent été relégué au second plan. Le monde qui apparaît dans les poèmes originaux était d’ordinaire inconnu des traducteurs, et donc impénétrable.
Dans un écrit de Fortis datant de 1774, nous apprenons qu’il a choisi de publier Hasanaginica parce que ce poème lui paraissait réussi esthétiquement, digne d’intérêt, et qu’il lui rappelait l’épopée d’Homère. Sa signification, par contre, lui échappait. Évoquant la honte éprouvée par Hasanaganica, il dit : « Chez nous, cela serait bizarre ». À l’image de Fortis, d’autres traducteurs occidentaux se représentaient fort mal les rapports humains d’une grande complexité et sensibilité qui prévalaient dans le monde patriarcal balkanique. À l’exception de Talvj, ils ne se plongent pas dans les contenus et les images poétiques de l’original. Ils ne connaissaient pas, ne comprenaient pas les maximes stéréotypées des poèmes populaires, et encore moins les concepts culturels spécifiques. Goethe, par exemple, pour svatovi (svate) que Fortis a conservé dans sa forme originale, utilise l’expression Suaten.
Néanmoins, sur le personnage de Marko Kraljević, Goethe porte un jugement passablement critique. Là où Grimm s’enthousiasme et évoque un grand guerrier épique, Goethe, après lecture du poème Marko Kraljević kći kralja arapskoga [Marko Kraljević et la fille du roi arabe], qualifie Marko de héros slave semblable au Hercule grec, mais dans une variante on ne saurait plus barbare. Dans l’esprit du poète allemand, Marko est un être fort, au caractère trempé, mais aussi, parallèlement, un rustre, un goujat dans sa façon de se comporter vis-à-vis d’une femme douce, bienveillante. À ses yeux, la monstruosité de Marko est certes attrayante, mais esthétiquement inacceptable. De la même façon, il ne comprend pas que Marko, captif et vassal des Turcs, puisse être en même temps un héros national pour les Serbes. D’un autre côté, après avoir lu le poème Banović Strahinja [Le Ban Strahinia] dans la traduction de Gerhard, le prince de Weimar écrit à Goethe le 16 avril 1827 pour lui dire son émotion et son incompréhension du pardon que Strahinja accorde à sa femme pour les fautes dont elle s’est rendue coupable et de la protection qu’il lui offre contre le courroux de sa propre famille. Il suppose, de la part du traducteur, des erreurs par rapport à l’original. Goethe questionne Gerhard à ce sujet, et ce dernier lui répond qu’il a fait preuve d’une totale fidélité au poème tiré du recueil de Vuk.[24]
Quoique Talvj, en tant que femme vivant en Occident, n’ait pas elle non plus totalement pénétré le rôle complexe de Marko Kraljević, à la différence de tous les autres traducteurs allemands, elle a su étudier les spécificités culturelles des peuples des Balkans, notamment des Serbes, et interroger par écrit Vuk Karadžić et Jernej Kopitar sur tout ce qui lui était inintelligible. Son recueil renferme une description détaillée de la culture et de l’histoire serbes, et dans ses traductions tous les concepts spécifiques relevant du contexte historique et culturel sont expliqués par des notes de bas de page.
4.
Pour terminer, quelques mots sur l’action et la dynamique interculturelle de la traduction de la poésie populaire serbe en Europe.
Sans nul doute, les traductions de Goethe, à commencer par celle d’Hasaginica, ont ouvert à la poésie populaire serbe les portes de la littérature mondiale. Le seul poème Hasaginica a été traduit dans une trentaine de langues dont le français [voir sur ce sujet l'article de P-L. Thomas, « Les traductions françaises de Hasanaginica »], le hongrois, le latin, l’anglais, le tchèque, le polonais, le russe, le slovaque, l’espagnol, l’ukrainien, le roumain, l’hébreu moderne, le néerlandais, l’albanais, le malais, le macédonien, le turc, le danois, l’arabe, et même l’espéranto. Les traductions de Goethe, au même titre que celles de Talvj, ont par ailleurs exercé une influence considérable sur la poésie allemande de leur époque. L’influence serbe se perçoit même dans l’œuvre poétique de Goethe – au vu de la métrique et des motifs, ou, encore, de l’utilisation du trochée – et dans celle d’autres poètes parmi lesquels il faut mentionner August Kopisch. Le trochée est devenu un vers ordinaire de la poésie allemande.
Le Klaggensang a parcouru tous les cercles littéraires européens. Plus encore, Goethe a pesé pour que Hasaginica réintègre son environnement originel et devienne partie intégrante de la tradition vivante de la poésie populaire. À un âge déjà avancé, il s’est même rappelé avoir prié des Serbes de Vienne de réciter leurs poèmes, et qu’ils avaient refusé de crainte que l’on se moque d’eux en les tenant pour des primitifs. À en croire Goethe, ils n’acceptèrent qu’après qu’il leur eut montré sa traduction de Hasaginica. En un mot, grâce aux traductions, ces poèmes retrouvèrent leur environnement originel. Nous en voulons pour preuve le fait suivant : en 1814, quand Vuk republia Hasaginica dans la version de Fortis, il fit remarquer que Kopitar lui avait précédemment montré sa traduction de ce même poème à Vienne. Et cet exemple permet de voir de quelle façon se forme le cercle qui unit cultures et peuples.
Traduit du serbe par Alain Cappon
Резиме концепције препевавања српске народне поезије у немачкој за време романтике
Oвај рад је посвећен златном времену немачко-српских односа, времену када су Немци почели да се интересују за Србе и да у великом броју објављуjу преводе односно препеве српске народне поезије. То је било време Хердера, Гетеа, Ранкеа и Грима, време великог интересовања за народну поезију у Европи уопште, а која је очаравала и немачку читалачку публику. Детаљније ћемо се у том контексту посветити следећим питањима:
1. Која је била мотивација за превођење и који је био циљ препева?
2. Који су принципи при томе важили?
3. У којој мери су немачки песници разумели садржаје песама које су препеваване?
4. До које мере су се те песме шириле у Немачкој и ван Немачке? Ова четири питања наравно нису изолована него су међусобно зависна.
Кључне речи
Српско-немачки односи, српска народна поезија, романтизам, превођење, адаптирање, рецепција, Вук Караџић, Гете, Талвј.
Summary conceptions of adaptation of serbian folk poetry in germany in the times of romanticism
My contribution is concentrating on the aesthetic and cultural aspects of translation or, more precisly, of adaptation as well as the acceptance of South Slavonic culture, above all Serbian folk poetry in Germany, in the times of Romanticism, dealing with four topics:
1. The motivation and aims of the translations: what were the underlying conditions for the translation and adaptation of Slavic folk poetry from the Balkans in Germany?
2. The formal and aesthetic principles of the translations and adaptations: should they make the German reading public acquainted with a foreign culture and consequently be fully orientated towards the accepting culture and to the taste of the German reading public?
3. The acceptance of the contents of the songs translated and adapted: the world which becomes apparent in the originals was mostly unknown and incomprehensible to the translators.
4. The influence and intercultural dynamics of the literary translations and adaptations: in this respect the role of Goethe as mediator in the transcultural process was particularly significant. The causality which exists between these four fields is considered as well.
Key words
Serbo-German relations, Serbian popular poetry, romanticism, translation, adaptation, reception, Vuk Karadzić, Goethe, Talvj.
NOTES
[1] Dans sa 33e lettre littéraire déjà, Lessing se consacre à la poésie populaire. Voir : Ljubomir Ognjanov, Die Volkslieder der Balkanslaven und ihre Übersetzungen in deutscher Sprache, Berlin, 1941, p. 58.
[2] Sur ce sujet, voir : Gabriella Schubert, Zur Rezeption serbischer Volkspoesie und Belletristik in Deutschland / O recepciji srpske narodne poezije i beletristike u Nemačkoj [De la reception de la poésie populaire et des belles-lettres serbes en Allemagne], in Gabriella Schubert, Zoran Konstantinović und Ulrich Zwiener (éd.), Serben und Deutsche. Traditionen der Gemeinsamkeit gegen Feindbilder / Srbi i Nemci. Tradicije zajedništva protiv predrasuda [Les Serbes et les Allemands. Les traditions de l’unité contre les prejudges]. Jena und Erlangen, 2003, p. 107–142 ; Gabriella Schubert i Miro Mašek, Weimar-Jena und die serbische Nationalbewegung / Vajmar-Jena i srpski nacionalni pokret [Weimar-Iéna et le mouvement national serbe], ibid, p. 163–182 ; Gabriella Schubert, Zu deutschen Übertragungen balkanslavischer Volkspoesie, in Christine Fischer i Ulrich Steltner (éd.), Die Rezeption europäischer und amerikanischer Lyrik in Deutschland, Frankfurt am Mai etc., 1997, p. 147-173.
[3] Voir : Johann Gottfried von Herder, Ideen zur Philosophie der Geschichte der Menschheit, livre 7, II. Herders sämtliche Werke [Œuvres complètes de Herder], éd. B. Suphan, Berlin, 1877 et suivantes, t. 13, p. 258.
[4] Gabriella Schubert i Friedhilde Krause (Hrsg.), Talvj. Therese Albertine Luise von Jakob-Robinson (1797-1870). Aus Liebe zu Goethe: Mittlerin der Balkanslawen. Weimar, 2001 ; Gabriella Schubert, Talvjs Methodik der Kulturvermittlung, ibid., p. 235–246 ; Vesna Matović i Gabriela Šubert (éd.), Talvj i srpska književnost i kultura ( Talvj et la littérature et la culture serbes), Belgrade, 2008.
[5] Voir : Stjepan Tropsch, Njemački prijevodi narodnih naših pjesama [Les Traductions allemandes de nos poèmes populaires], in Rad Jugoslovenske akademije znanosti i umjetnosti (Travaux de l’académie yougoslave des Sciences et des Arts), livre 166, Zagreb, 1906, p. 1-74, 187 ; Zagreb, 1911, p. 209-264.
[6] Stefan Schlotzer, Serbische Heldenlieder, München, 1996 (Marburger Abhandlungen zur Geschichte und Kultur Osteuropas 37) i Vesna Cidilko, „Prevodi Tereze Albertine Lujze fon Jakob-Robinson i Šlocerova verzija iz 1996” [Les traductions de Therese Albertine Luise von Jakob et la version de Schlotzer de 1996], in Vesna Matović i Gabriela Šubert (éd.), Talfj …, p. 111-132.
[7] Voir : Vladan Nedić, O usmenom pesništvu [De la poésie orale], Belgrade, 1976, p. 91.
[8] On sait, par exemple, qu’ils entretenaient une correspondance suivie, échangeaient des textes à traduire, se conseillaient mutuellement et se fréquentaient.
[9] On trouvera, à ce propos, de remarquables exemples dans les ouvrages de Stjepan Tropsch (voir plus haut) et de Milan Ćurčin, Das serbische Volkslied in der deutschen Literatur, Leipzig, 1905.
[10] Ljubomir Ognjanov, op. cit., p. 96.
[11] Voir : Talvj (Therese Albertine Luise von Jakob), Volkslieder der Serben. 2 tom, Halle, 1825/26, 2e édition 1835, 3e 1853, et 4e : Serbische Volkslieder, ausgewählt und mit einem Nachwort versehen von F. Krause, Leipzig, 1980.
[12] Milan Ćurčin, op. cit., p. 157-158.
[13] Voir : Petra Himštet-Faid, Recepcija srpskih narodnih pesama i njihovih prevoda u nemačkoj štampi u prvoj polovini 19. veka [La Réception des poèmes populaires serbes et leurs traductions dans la presse allemande dans la première moitié du XIXe siècle], in Talfj i srpska književnost i kultura [Talvj et la culture et la littérature serbes], op. cit., p. 227.
[14] Stjepan Tropsch, op. cit., p. 11.
[15] Eugen Wesely , né en 1799, enseigna au lycée de Vinkovci.
[16] Stjepan Tropsch, op. cit., p. 215.
[17] L’auteur de ce livre, Peter Otto von Goetze est né en 1793 à Vana-Harmi, en Estonie. Il a fait des études de droit à Jurjevo (Derpt), puis voyagé en Russie, devenant d’abord conseiller à la cour, puis conseiller secret. Son œuvre de traducteur en langue allemande comprend l’adaptation, outre de poèmes populaires serbes, celle aussi de poèmes russes.
[18] Stjepan Tropsch, op. cit., p. 220.
[21] Voir : Horst Röhling, „Vermittler im Wandel der Kritik: Wilhelm Gerhard und Sima Milutinović“, in Die Welt der Slaven, Vierteljahresschrift für Slavistik XI, Wiesbaden, 1966, p. 251-286.
[22] Tropsch, ibid., p. 245.
[23] Vesna Cidilko, “Prevodi Tereze Albertine Lujze fon Jakob-Robinson i Šlocerova verzija iz 1996” [Les traductions de Therese Albertine Luise von Jakov-Robinson et la version de Schlotzer de 1996], in Vesna Matović i Gabriela Šubert (dir.), Talfj i srpska književnost i kultura [Talvj et la culture et la literature serbes], Belgrade, 2008, p. 111-132.
[24] Wilhelm Gerhard’s Gesänge der Serben, seconde édition, K. Braun-Wiesbaden, Leipzig, 1877, p. 79-80.
Publié sur Serbica.fr le 27 juillet 2012
Pour citer cet article :
Schubert Gabriella, « Les conceptions de l’adaptation de la poésie populaire serbe en Allemagne à l’époque romantique », in Srebro M. (dir.), La Littérature serbe dans le contexte européen : texte, contexte et intertextualité, Pessac, MSHA, 2013, p. 81-96.
Document mis en ligne le 27 juillet 2012 sur le site http://www.serbica.fr
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