Vladeta Jerotić
Rencontres avec Isidora Sekulić
Vladeta Jerotić
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Isidora Sekulić
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J’avais fait sa connaissance par l’intermédiaire de Miodrag Pavlović et depuis le début de l’année 1955 je lui rendait régulièrement visite étant son médecin. Elle souffrait de douleurs migraineuses insupportables dues à un herpès ophtalmique. J’essayais d’atténuer ses souffrances par des injections homéopathiques car il me semblait que ce type de médicaments, plus énergétique que matériel, correspondait mieux à l’énergie de son esprit. J’ai rapidement compris que mon travail était vain. Isidora pensait inlassablement être un malade incurable même après que je lui eut dit que Thomas Mann avait souffert de la même maladie et qu’après maintes tentatives, il avait quand même fini par guérir à San Francisco grâce à une Russe qui n’était pas médecin. Elle se sentit mieux après neuf injections, mais la grippe est arrivée et a tout gâché. Elle en a souffert plusieurs semaines, elle toussait également un peu. La grippe passée, j’ai commencé la deuxième série d’injections. Mais des douleurs d’estomac sont apparues et je l’ai souvent trouvée avec une bouillotte chaude sur le ventre. Mais jamais alitée, quelle que soit l’intensité de ses douleurs. Elle disait ne pas aimer le lit, elle y dormait mal, même si elle se couchait très tard.
Dès le début, il m’avait été signalé que j’aurais affaire à un patient très ingrat, s’opposant à tous les médicaments et surtout à ceux contre les douleurs et l’insomnie. Elle disait pourtant qu’elle avait de tous temps souffert de douleurs et d’insomnie. Comme si elle n’avait jamais connu d’autre état de santé dans la vie que la maladie. Elle répétait et a écrit dans la dernière lettre que j’ai reçue d’elle, datée du 25 février 1958 : « La tête, voilà ce dont j’ai le plus besoin, c’est là que se concentrent toute l’impuissance, le malheur et beaucoup de souffrances ».
Avant de la connaître suffisamment, j’ai tenté l’impossible : lui dire ce qu’elle devrait manger, comment gérer ses heures de travail et de sommeil pour faciliter son rétablissement. Mais en vain. Elle se défendait avec les paroles de Luther devant le Conseil : « Que Dieu me vienne en aide, je ne peux faire autrement. Lorsqu’un homme ne peut à tout jamais faire autrement, bonheur et malheur se rejoignent, ne font qu’un ».
J’avais déjà entendu parler des connaissances extraordinaires d’Isidora Sekulić. Toutefois, sa présence constante et toujours active dans les différentes actualités quotidiennes a dépassé mes espérances. Elle connaissait le prix exact des petits pois au marché, où et par qui avait été publiée la dernière étude philosophique sur Spinoza, tout comme des derniers succès de Yehudi Menuhin ou de Jean-Louis Barrault. Avec la fureur de la jeunesse, elle s’enflammait contre le dernier numéro de l’une de nos revues littéraires où était mal orthographié le nom d’Auguste Comte dans un article qu’elle avait écrit à l’occasion du 1er mai.
Je n’avais jamais vu, de toute ma vie, une clairvoyance et une vivacité d’esprit comme celles dont faisait preuve Isidora à l’âge de 78 ans quand j’ai fait sa connaissance. Quelque peu voûtée, la tête penchée sur le côté, elle se déplaçait avec agilité, sans bruit, tel un fantôme. Elle était toujours prête pour toute sorte de conversation, disposée à parler, impatiente d’écouter. Si son interlocuteur était long lors de sa prise de parole, elle se mettrait à tapoter du pied ou, des mains, à faire mine de déchirer quelque chose d’invisible. C’était merveilleux de l’écouter. Il y avait de la musicalité dans sa voix rendue aigue par la vieillesse. Avec une telle gamme, me disais-je, si elle se mettait à me parler chinois, je comprendrais tout ce qu’elle voudrait me dire. Elle ne connaissait pas les phrases inachevées, les pensées interrompues, les rimes nerveuses. Même si chacune de ses pensées était sous haute tension, il n’y avait pas de convulsions dans sa réflexion. Elle incitait les autres à exprimer entièrement leurs idées. Je me souviens d’elle, mécontente, froncant les sourcils lorsque je réfléchissais à haute voix en parlant da la possibilité d’une meilleure compréhension entre les gens uniquement par la transmission de pensées. Par la suite, on aurait dit qu’elle se démenait plus encore pour me démontrer que quiconque ayant une réflexion parfaite et aboutie devait être capable de l’exprimer tout aussi parfaitement. Elle avait une bonne mémoire et se répétait rarement, très rarement, et ce, lorsqu’elle était plus malade que d’habitude.
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J’ai assisté à deux reprises aux fortes émotions auxquelles Isodora se laissait volontiers aller lors de rencontres avec des artistes de haut vol. Il était étrange de l’observer ainsi transfigurée, subitement rajeunie pendant quelques minutes, de voir ses joues ordinairement pâles ou jaunâtres se colorer et les muscles de son corps tout entier frémir de douces vibrations, ou de la voir incapable de tenir en place, motivée par une flamme intérieure ravivée par l’excitation, de se déplacer avec agilité et sans bruit comme si elle avait des ailes.
La première fois, c’était après une exposition consacrée à Henry Moore à laquelle elle venait d’assister, la seconde, pendant l’interprétation de la Rhapsodie espagnole de Lalo par Yehudi Menuhin où je l’avais accompagnée. Elle n’avait que des mots d’admiration et de respect pour ce grand artiste. Elle connaissait beaucoup de détails sur sa vie, y compris son année de naissance, même si elle disait ne pas avoir la mémoire des dates. La culture musicale d’Isidora était si éclectique qu’il m’avait semblé, alors qu’elle livrait son analyse de cette rhapsodie de Lalo, qu’elle était née pour être critique. Elle savait localiser une plénitude de détails subtils de la partie soliste du violon et expliquer avec un vocabulaire musical mature ce qui l’émerveillait à chaque fois chez Menuhin.
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Elle parlait de son père avec beaucoup de respect et de loyauté, comme d’un homme très éduqué pour l’époque, toujours assoiffé de connaissances, et elle le décrivait installé dans un fauteuil, lisant jusque tard dans la nuit diverses créations de l’esprit humain. Il était curieux, voyageait et parlait plusieurs langues étrangères. Elle évoquait plus rarement sa mère, et avec une certaine amertume, disait ne pas très bien se souvenir d’elle, de cette femme simple, arrivée dans une maison qui ne lui correspondait aucunement. De plus, elle était tuberculeuse et lui semblait quelque peu responsable de la maladie dont elle souffrit toute sa vie et de la mort précoce de son frère. Après avoir obtenu son baccalauréat, le jeune homme avait été emporté par la tuberculose en quelques mois sous ses yeux et pratiquement dans ses bras.
En relisant Thomas Mann, ses dernières œuvres en particulier, elle me demandait d’expliquer ce que la médecine savait sur le rapport entre une personne malade et sa pensée, sa création. Thomas Mann était pour elle l’exemple d’un génie malade. Evidemment, lors de cette conversation sur le rapport entre le physiologique et le psychologique chez l’homme, nous avons été confrontés au problème ancestral du génie et de la folie devant lequel nous sommes arrêtés, impuissants. Il me semblait que cette question dissimulait l’inquiétude d’Isidora Sekulić pour son propre état nerveux qui fut une source de tant de douleurs physiques toute sa vie durant, mais également une motivation constante pour accomplir un travail intellectuel varié et fructueux. Par ailleurs, Isidora connaissait très bien la biographie de Thomas Mann, et aussi toutes ses maladies dont la dernière, pulmonaire, qui le contraignit à une lourde opération qu’il supporta très bien à 72 ans. Comme de coutume chez les créateurs, elle était également intéressée par la genèse des œuvres de Mann, sujet auquel ce dernier avait accordé une importance particulière et consacré plusieurs livres. Même si elle connaissait bien l’esprit allemand, par le biais de la littérature mais aussi des rencontres avec des Allemands lors de son long séjour à Berlin longtemps avant la guerre, elle était tout de même étonnée par le caractère hautement systématique du travail de Thomas Mann qui lui paraissait parfois être uniquement un arrangeur génial et le synthétiseur d’une somme de connaissances et travaux auxquels il a insufflé la première vie. Cela valait surtout, selon elle, pour Le Docteur Faust.
Isidora Sekulić
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Elle parlait rarement des rêves et ne m’en a raconté aucun. A la question comment elle passait ses nuits, elle m’avait répondu qu’elle entendait chaque tic-tac de l’horloge et qu’elle savait à tout instant quelle heure il était. Il semblait que « toutes ses bougies étaient allumées » même la nuit, pour reprendre son expression relative au travail quotidien. Une fois, avant la guerre, me racontait-elle, pendant qu’elle travaillait, un sommeil soudain et inexplicable s’était emparé d’elle. Ce qui lui était arrivé une seule fois auparavant et ce, dans un train. Elle tenait son sac contenant de l’argent et savait qu’elle devait y faire attention dans un wagon bondé. Mais, le sommeil est arrivé si irrésistiblement qu’elle a posé son sac, toute somnolente mais consciente de ce qu’elle faisait et se répétant intérieurement à maintes reprises qu’elle ne devait pas s’endormir car on pourrait lui voler son sac. Elle s’est tout de même endormie mais son sac n’a pas été volé. De toute manière, elle n’avait dormi que quelques minutes. Lorsque cet élan de sommeil est réapparu quelques années après lorsqu’elle était chez elle et écrivait un texte qu’elle devait terminer pour une date butoir, elle s’est mise en colère. Elle marchait dans la pièce, se passait de l’eau sur le visage, sortait de la maison, mais en vain. Elle a pris le tisonnier qui était à portée de main et s’est frappé un bon coup sur la tête avec la poignée métallique, ce qui l’a bien évidemment réveillée. Elle a continué son travail, mais elle a senti que quelque chose de chaud coulait de son arcade sur sa joue. Elle a dû se rendre à l’hôpital pour que l’on lui fasse des points de suture. Elle n’a pas omis de mentionner cette magnifique histoire de Tchekhov sur la jeune fille qui a étouffé son enfant à cause d’un besoin irrésistible de sommeil.
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Elle ne dévoilait quasiment jamais ce sur quoi elle travaillait mais elle avait mentionné à deux reprises Paul Valéry dont elle était en train de traduire un traité sur Leonard (Introduction à la méthode de Léonard de Vinci). Lorsqu’elle parlait de certains détails de la traduction qui la hantaient depuis des jours car elle n’arrivait pas à trouver l’expression adéquate en serbe pour le travail méticuleux, pédant et lent, elle ressemblait à un scientifique consciencieux faisant des expériences et ne voulant pas publier les résultats de ses découvertes avant de les avoir bien vérifiés et d’avoir épuisé toutes les possibilités autocritiques. Elle n’a pas omis de me répéter une fois encore sa pensée favorite, à savoir que toute traduction est absurde à la base car il est impossible de transformer une langue en une autre. Elle ne cessait de faire l’éloge de Paul Valéry. Elle ne l’a vu qu’une seule fois à Paris en 1932 lors de la célébration du 300ème anniversaire de Spinoza. Des orateurs de diverses nations se succédaient et parlaient de Spinoza. Valéry écoutait patiemment et attentivement mais quand vint le tour d’un Allemand qui parlait un mauvais français, on vit non sans intérêt le visage de Valéry se convulser nerveusement tant il était impatient que se termine ce massacre de la langue française.
Lors de la commémoration de la mort de Paul Claudel, on a parlé d’existences équilibrées, religieusement lumineuses comme celle qui avait été la sienne. Après qu’il eut vécu une métamorphose, toute sa vie se déroula tranquillement, paisiblement, s’agissant de la religion. Isidora Sekulić me dit de manière pittoresque avoir lu dans un magazine un article sur le genre d’amitié intime qui unissait Claudel et Jean-Louis Barrault. Un jour, Claudel lui avait demandé très incidemment s’il s’était déjà rendu dans une cathédrale et Barrault avait répondu que non. Claudel ne lui a rien dit. A l’occasion du Vendredi saint, Barrault s’était souvenu de cette conversation et avait décidé d’aller à l’église. L’atmosphère était particulière. On portait un seul cierge, l’unique lumière alors dans la cathédrale, derrière l’autel pour symboliser la mort du Christ. Barrault était en train de vivre quelque chose de totalement nouveau. Claudel attendait à la sortie de la cathédrale. Ils se sont juste serré la main puis se sont séparés. Pour la première fois, Barrault avait ressenti une honte qu’il ne pouvait expliquer mais qui le purifiait de l’intérieur. Je fus ému quand Isidora termina le récit de cette anecdote en évoquant les vers de la Sagesse de Verlaine.
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La religion était un sujet récurent lors de nos échanges. Au début, elle n’en parlait pas aisément, comme si elle cachait quelque chose et non parce qu’elle sentait la proximité de la mort. Puis elle s’ouvrait progressivement. Toutefois, je n’ai pu découvrir aucun secret, si secret il y avait. Mais je sais qu’Isidora Sekulić était croyante. Elle ne s’est construite ni sur une philosophie religieuse ni sur une pensée particulière, elle portait en elle une foi très simple. Il m’a parfois semblé qu’il s’agissait d’une foi en rapport avec l’Eglise, orthodoxe, populaire. Elle qualifiait cela de sentiment religieux qu’elle portait en elle depuis longtemps. Désireuse de tout dire de ses sentiments et y parvenant intellectuellement en les habillant d’un parler concis et plein de sens, elle devait sans doute hésiter à parler de ses expériences visiblement intimes, émotionnelles, intérieures relevant du religieux en elle. C’est pourquoi elle m’a offert ses Zapisi / Les Écrits (édition illégale, 1941) où apparaissent, dès la première page, quelques prières exceptionnelles, peut-être uniques dans la littérature serbe. Dans les cris chaleureux, suggestifs du croyant, du chrétien peut être, qui vit intensivement le drame de la foi, elle s’est révélée, sans doute aucun, croyante. Quand je parvenais néanmoins à l’inciter à dire quelque chose de plus concret, elle se renfermait dans sa coquille intellectuelle et répondait en agnostique convaincue. A toutes mes provocations sur la réalité du monde spirituel, sur la réincarnation, sur les différents voiles de l’être humain, sur le Christ, elle haussait calmement les épaules et répondait d’un sceptique : « Peut-être, peut-être ». S’agissant du Christ, elle le qualifiait simplement de « juif doué » et ne s’intéressait pas plus profondément au christianisme ésotérique.
Ella admirait beaucoup la religion indienne qu’elle connaissait très bien grâce aux Upanishad, mais c’était une admiration froide, intellectuelle et, me semble-t-il, inexpérimentée. Même si elle n’a pas omis de souligner les passages caractéristiques de la présentation du livre de Radha Krishna dans la revue anglaise Philosophie qu’elle recevait et suivait avec bien d’autres revues étrangères, la quiétude contemplative de la philosophie indienne ne l’atteignait pas plus profondément. En ce sens, elle était d’avantage une chrétienne qui vit, intensivement, dans l’affect, toutes les contradictions et les péchés de la religion chrétienne. Comme si elle ne voulait rien justifier et qu’elle n’avait plus la force de protester. Restait alors la conciliation ou la révolte silencieuse qui ne fait pas grand bruit.
Elle m’a dit à plusieurs reprises qu’elle aimait les rituels, d’où son approbation du côté extériorisant de toutes les liturgies religieuses. Et si elle avait déjà vécu la quiétude et la paix intérieure recherchées par tant de théistes ou d’athées, ces sujets d’écriture récurrente des extatiques religieux, cela se produisit seulement deux ou trois fois, et dans une église pendant une cérémonie. La première, dans un monastère parisien, bénédictin, avait-elle dit me semble-t-il, et la seconde dans l’église de Topčider. C’était là l’un de ces moments bienheureux dans une vie quand on a tout et qu’on ne peut avoir de désir qui ne se soit pas alors déjà réalisé. Isodora m’avait affirmé qu’elle n’échangerait ces moments pour rien au monde.
Église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Topčider
Je la voyais plus malheureuse et plus ébranlée que jamais quand elle lisait ou entendait dire que des personnes avaient péri collectivement dans un accident, tremblement de terre, inondation ou accident minier. Ce fut le cas ce jour-là. Elle avait entendu à la radio qu’une trentaine de personnes avaient perdu la vie lors d’une tempête sur le Canal de Senj quand un bateau avait chaviré et que tout l’équipage s’était noyé. Bouleversée par cette nouvelle, elle répétait : c’est terrible, c’est terrible, comme si elle adressait des remontrances à quelqu’un qui pourrait l’entendre, et qui serait, éventuellement, responsable de ce naufrage.
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Cela faisait longtemps que la question de notre contribution à la culture mondiale m’intéressait. J’étais souvent dans l’incertitude lorsque ce sujet venait à être abordé. C’est pourquoi je souhaitais entendre l’avis d’Isidora. A mon étonnement, il était très négatif. Elle considérait que notre contribution était maigre, la plus maigre de tous les peuples slaves. A l’exception des fresques, disait-elle, nous n’avons quasiment rien. Les chants populaires et Njegoš, une fois traduits, sont si appauvris que les Français et les Anglais nous demandent à juste titre : Et alors ? Nos chants populaires n’ont pas de sagesse, bien sûr à quelques exceptions près qui pourraient faire l’objet d’études particulières, comme, par exemple, les mots de Prince Marko devant Musa vaincu (« ... je vainquis un meilleur que moi »), ou ce chant lyrique féminin de Bosnie : « Si tu demandes ma main, je refuserai, si tu en épouses une autre, je ne survivrai pas ». Le chant populaire est pauvre en descriptions de la nature, disait Isidora. En quoi est-il donc important ? Par son caractère mythique et son esprit populaire. Il n’est pas de mythes ni de légendes sans grands évènements historiques ou grandes personnalités. Seul le chant populaire pouvait transformer la défaite du Kosovo en victoire. Peut-être que la grande poésie mondiale se trouve dans une sorte de status nascendi. Nombreuses sont les tentatives, mais rares les réussites. Ce qui deviendra grand ne peut advenir que par un travail sur le mythe.
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La situation politique contemporaine attirait son attention et elle en parlait volontiers. Elle fit une comparaison audacieuse et intéressante à propos des nouvelles aggravations des tensions de l’époque entre l’Orient et l’Occident. En l’an 31 avant notre ère, la bataille d’Actium avait opposé Marc Antoine qui représentait l’Orient avec une armée hétérogène d’Afrique et Octave qui représentait l’Occident. A cette époque, l’Occident avait vaincu. Aujourd’hui, pensait Isidora à haute voix, toutes les chances sont du côté de l’Orient et de l’Extrême-Orient. Spengler et Toynbee avaient raison lorsqu’ils prédisaient la chute de l’Occident.
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Un jour, à l’occasion d’un essai sur Milan Rakić qui venait d’être publié, elle a parlé de la différence entre l’ambition extérieure de l’ambition intérieure. L’essence de ces pensées s’est le mieux exprimée dans l’une de ses phrases qui retentit encore très fort dans mon esprit : « D’abord la métamorphose intérieure et la purification, puis la manifestation extérieure. Tout ce que je sais n’est rien, je me suis fixé un autre objectif : que chaque jour soit un pas de plus dans l’élévation morale ». Rakić était pour elle un penseur modeste et un bon poète, un homme possédant une ambition intérieure.
Si nous avons eu des écrivains qui avaient des notions ainsi définies sur la nécessité d’une purification quotidienne intérieure, et si quelqu’un parvenait à accomplir cet acte exigeant et responsable – et de tels écrivains, il y en eut certainement, souvenons-nous de Momčilo Nastasijević – Isidora Sekulić arrive en première place. Tel un missionnaire, et longtemps auparavant, elle a éclairé la voie de tous les futurs écrivains dont l’œuvre abriterait une personnalité à l’exemple de celle d’Isidora Sekulić.
Traduit du serbe par Milan Djordjević
Source : Posete, odlomci [Visites, extraits], Œuvres complètes, tome III, Fondation Vladeta Jerotić en collaboration avec IP Ars libri, Belgrade, 2007. Texte extrait de : Projekat Rastko.
Date de publication : octobre 2017
Date de publication : juillet 2014
> DOSSIER SPÉCIAL : la Grande Guerre
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