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ECRITS FRANÇAIS SUR LES SERBES ET LA SERBIE
 Du Moyen Age à la fin de la Grande Guerre – 

Aperçu chronologique 

par

Mihailo Pavlović

 

Lorsqu’on évoque les premiers contacts entre les Français et les Slaves du Sud et plus particulièrement les Serbes, on les situe avec raison à l’époque des Croisades. Ils coïncident avec les premiers témoignages écrits : les chroniques (en latin et en ancien français), la poésie épique, etc. Avant les Croisades, les régions peuplées par les Serbes n’étaient certes pas totalement inconnues des Français mais les rencontres furent rares. Les pèlerins se rendaient en groupes plus ou moins nombreux en Terre Sainte, suivant une route qui traversait les Balkans. L'évêque de Verdun Raimbert eut ainsi l’infortune de mourir à Belgrade en 1038, lors d’un pèlerinage. Tout au début du nouveau millénaire les Normands romanisés vinrent dans ces régions. Nous ne mentionnerons que Robert Guiscard, duc d'Apulie et de Calabre, qui conclut une alliance avec le roi de la Zeta Mihailo contre Venise et les Grecs. 

Ce ne fut pourtant qu’à l’époque de la première croisade (1096-1099) que se produisirent des rencontres importantes entre les seigneurs français et les souverains serbes, telle celle, amicale, de Scutari entre Raymond IV, comte de Toulouse, et le roi serbe Bodin, citée entre autres par Raymond d’Agils, l’un des chroniqueurs de l'expédition. A la même époque le nom des Serbes fut mentionné, mais déformé, dans les chansons de geste françaises, d’abord dans La chanson de Roland, puis dans Huon de Bordeaux et Aliscans. Toutefois, au Moyen Age et même ultérieurement (pendant deux siècles environ) les chroniqueurs et les divers émissaires (souvent les mêmes personnes) étaient en général les seuls à écrire sur les Serbes. Ainsi en 1331, un dominicain français, l’évêque de Bar Guillaume Adam, dans Directorium ad passagium faciendum ad Terram Sanctam parle de la Serbie, de sa richesse et de sa beauté, mais sans citer la dynastie régnante ni l’empereur Dušan alors au pouvoir. Ils sont, en revanche, mentionnés par Philippe de Mézières, membre d’une mission conduite par l’émissaire du pape, l’évêque de Périgord Pierre Thomas dont Mézières écrivit la biographie. Hélène d’Anjou, épouse du roi Uroš Ier œuvra beaucoup au rapprochement franco-serbe au XIVe siècle. On lui doit, entre autres, la pénétration de la culture française dans les arts en Serbie.

Helene Anjou Gracanica XIV

Hélène d’Anjou,
fresque, Monastère de Gračanica, XIVe siècle

Parmi les voyageurs de la fin du Moyen Age qui évoquent la Serbie, il faut surtout citer Gilles le Bouvier, Bertrandon de la Broquière qui, outre  ses  descriptions des régions et les villes, fait une relation intéressante de sa rencontre avec le despote  Djurdje  Branković, ainsi que Philippe de Commynes, l’un des plus grands chroniqueurs français, qui parle des Serbes et cite Mara, fille du despote Stefan Branković dans ses Mémoires (en réalité une chronique, déjà, de caractère historiographique).

Il faut rappeler enfin les premiers guides de voyage (« les baedechers ») qui décrivent les routes menant en Terre Sainte, l’une de la côte adriatique à travers la Bosnie-Herzégovine et la Serbie, et l’autre par la vallée du Danube et celle de la Morava.

Le XVIe siècle, celui de la Renaissance, voit s’accroître la curiosité et la soif de connaissances, un élargissement des vues de toutes sortes. Mais c’est aussi l’époque d'un essor puissant de la politique orientale française (dont l’initiateur fut surtout François Ier) et même de l’attrait pour la Turquie, du renforcement des liens entre deux mondes pour lesquels les régions slaves du Sud étaient à la fois la jonction et la porte d’entrée. Si la domination turque eut évidemment une influence négative sur les relations étatiques, elle ne rompit pas les contacts entre la France et la Serbie. A l’inverse, et en raison du renforcement des liens, les Français qui traversèrent ces régions furent toujours plus nombreux. Pour les mêmes raisons, ce furent le plus souvent des diplomates accompagnés de leurs collaborateurs, mais aussi un certain nombre de voyageurs de passage et quelques historiens. Les nommer tous est impossible, de même que présenter chacun d’eux. Nous nous bornerons à citer certains.

Dans son livre surtout historiographique édité en 1527, Jacques de Bourbon évoque les combats menés par Suleiman II contre Belgrade. Vingt ans plus tard, Jean Chesneau qui accompagne l’ambassadeur français à Istanbul cite dans sa description des régions serbes le monastère de Mileševa où reposait alors la dépouille de saint Sava. Ce monastère est également mentionné par Philippe du Fresne-Canaye dans son récit de la traversée de la Serbie. Pierre Lescalopier qui parcourut en 1574 les régions habitées par les Slaves du Sud parle lui aussi de Mileševa et du culte de saint Sava, non seulement chez les Serbes mais même chez les juifs et les Turcs.

Dans son Histoire des troubles en Hongrie l’historien Martin Fumée s'étend assez largement sur Belgrade. Historien et auteur de récits de voyage, Antoine Geuffroy parle dans sa « courte description de la cour du grand Turc » (1566), des Serbes et de la bataille de Kosovo, et mentionne le prince Lazar de même que Marko Kraljević. Ces faits et ces personnages se retrouvent chez Jean Palerme, grand voyageur et courtisan, qui s'attarde surtout sur l’assassinat du sultan Marat et sur le rôle de Miloš Obilić (commettant, il est vrai, une erreur sur son nom). Dans sa description des régions serbes le même auteur trouve judicieux de joindre un petit vocabulaire englobant plusieurs langues y compris « l’esclavon ». Nous citerons enfin pour le XVIe siècle, l'auteur dramatique Robert Garnier qui cite Belgrade à trois reprises dans sa tragi-comédie Bradamante (1582).

Ecrit au XVIe siècle mais publié au tournant du siècle suivant, et en latin, Historiae sui temporis de l’historien Jacques-Auguste Thon présente l’histoire serbe contemporaine. Cela vaut également pour le livre de l’historien Michel Bodier édité en 1617 (en français comme la plupart des autres sur même sujet) dans lequel est mentionnée la prise de Belgrade en 1521 par les Ottomans. L’histoire des Serbes suscita aussi l’intérêt d'Agrippa d’Aubigné.

Parmi les auteurs de récits de voyage, nous mentionnerons le secrétaire de l’ambassadeur de France à Istanbul, Le Febvre. Son voyage de 1611 le vit s’arrêter à Pirot (description de la ville), visiter le monastère de Mileševa, observer les moines. Dans un volumineux livre (1624) où l’on trouve la description du voyage en Orient de l'ambassadeur français Louis Deshayes, baron de Courmenin, l’auteur anonyme donne des renseignements intéressants sur la composition de la population en Serbie de point de vue national et religieux et décrit les villes, dont Belgrade, du point de vue de leur situation, population et histoire. Louis Gédoyn, sieur de Bellan, parle lui aussi de Belgrade, de Valjevo et d’autres villes de Serbie. Comme l’auteur précédent, il s’intéresse à la langue « esclavonne » ou illyrienne.

Au milieu du XVIIe siècle, Belgrade et la Serbie trouvent place, avec d’autres régions et villes des Balkans, dans deux livres du géographe Pierre Duval. La chose se répétera chez les géographes et surtout chez les historiens à mesure que progressent les sciences et la culture générale.

Au début de la seconde moitié du siècle, deux auteurs de récits de voyage, Quiclet et Poulet, ensemble puis séparément, visitent les régions serbes qu’ils décrivent. Quiclet trouve Belgrade « très agréable », la forteresse, les habitants, les musiciens tziganes éveillent son intérêt. Poulet décrit lui aussi les kans, les établissements de bain, les fêtes religieuses célébrées par les diverses nationalités qui composent la population. L’un et l’autre relatent également le reste de leur voyage à travers la Serbie.

Les historiens et les écrivains politiques Louis du May, François de Chassepol, François Petit de la Croix, Jean de la Brune, Jean Dumont, et d’autres, anonymes, parlent de Belgrade et des faits de guerre liés à la capitale serbe. Dans la première partie de son récit de voyage qui parut à Paris en trois tomes (1676-1679) le grand voyageur Jean-Baptiste Tavernier, décrit son voyage de Vienne à Sofia (1630), évoque Belgrade, les commerçants de Dubrovnik qu’il y a rencontrés, leur hospitalité, et tout ce qu’il a vu en traversant la Hongrie et la Serbie.[1]

Citer tous les textes français sur les Serbes et la Serbie parus aux XVIe et XVIIe siècles est une tâche, malaisée, presque insurmontable s’agissant du XVIIIe et, surtout, des XIXe et XXe siècles.

Au XVIIIe siècle, avec le développement de la science et l’accroissement des rapports mutuels, la littérature s'enrichit non seulement en quantité mais aussi en qualité.

Les Lettres Persanes de Montesquieu font écho aux guerres austro-turques et, dans la lettre 130, au siège et à la prise en 1717 de Belgrade où Montesquieu, qui voyageait en Slovénie, était invité à venir[2]. Les mêmes évènements inspirèrent à Jean-Baptiste Rousseau quelques odes et certaines de ses lettres en donnent une description détaillée.  Dans le premier tome de Manon Lescaut l'abbé Prévost raconte l’arrivée d’un Français à Novi Pazar avec l'armée autrichienne et sa participation aux combats de Jagodina et de Niš contre les Turcs. Dans Essai sur les mœurs, Voltaire évoque à plusieurs reprises les peuples slaves du Sud et leur histoire ; il cite ainsi le despote Djurdje Branković et le mariage de sa fille Mara (qu’il nomme Irène)[3]. Belgrade et les combats livrés pour cette ville sont mentionnés aussi dans certaines dépêches envoyées de Venise par Jean-Jacques Rousseau ainsi que dans le premier livre des Confessions.[4]

Si elles ne sont pas toujours exactes, les données sur les Serbes et les autres peuples et régions sud-slaves sont nombreuses dans la grande Encyclopédie française, symbole de l’époque des lumières et du rationalisme.[5] 

Un diplomate en fonction en Orient, Charles de Peyssonnel, parle dans ses Observations historiques et géographiques, parues en 1765, de l’histoire des Serbes, de Cyrille et Méthode, de Stevan Nemanja (Etienne Nemanja), et même de la langue „illyrienne”.

Observations historiques

Observations historiques et géographiques...

Diplomate instruit, ministre de Louis XV, grand bibliophile et philosophe, ami de Voltaire, le marquis Marc-Antoine-René de Voyer de Paulmy d’Argenson, parlera dans son recueil Bibliothèque universelle des romans, des livres écrits en « esclavon » et en différents « dialectes » qui traitent du passé, des héros et souverains de diverses époques, pensant manifestement à la poésie épique serbe. Dans une sorte d’encyclopédie (Mélanges tirés d’une grande bibliothèque), quelques mots sont dits sur la Serbie et Belgrade dans la partie traitant des régions des Slaves du Sud.

Parmi les œuvres éditées au cours des dernières décennies du XVIIIe siècle, nous citerons un livre de Nicolas-Ernest Kleeman dans lequel l’auteur décrit son voyage de Vienne à Belgrade et au-delà. En 1790, le comte Ferrière-Sauvebœuf rapporte son passage en Serbie dans plusieurs chapitres du premier tome de ses rapports « historiques, politiques et géographiques » sur son voyage en Orient. La même année, le cinquième tome de l’histoire d’Eugène de Savoie évoque la conquête de Belgrade.

Trois raisons principales expliquent l’intérêt accru pour les Slaves du Sud et pour les Serbes au XIXe siècle : la création des « Provinces illyriennes » par Napoléon au début du siècle, l’apparition et l'essor du romantisme qui s’intéressait aux peuples moins connus, et, enfin, l'évolution générale et le progrès des sciences, y compris historique et géographique. Il va de soi que cet intérêt accru eut pour conséquence une forte augmentation du nombre de textes.

S’agissant du XIXe siècle, l’objet de cet aperçu n’est pas de fournir toutes les données, mais de créer une impression générale, de donner une vue de l’étendue et du genre d’intérêt suscité. Concernant les Serbes et les écrits qui les mentionnent, il faut bien évidemment tenir compte aussi de ceux relatifs aux « Morlaques » et à la Dalmatie, au Monténégro, à la Bosnie-Herzégovine et même à la Croatie[6].

En 1809, paraissent deux ouvrages qui, de façons et à des fins différentes, traitent de la Serbie et des Serbes : la première édition de l’œuvre géographique et historiographique de Frédéric Schoell s’intéresse aux Serbes de la manière, il est vrai, propre à l’époque où l’on connaissait peu les peuples balkaniques ; simultanément, Mme de Staël fait paraître les « lettres » et les « pensées » du prince belge Charles-Joseph de Ligne qui se distingua en 1789 (dans les rangs de l’armée autrichienne) lors des combats pour Belgrade d’où il envoyait, ainsi que de Zemun et de Petrovaradin, sa relation des opérations militaires et ses remarques sur la population. C’est l'époque aussi où Napoléon, dans sa correspondance (voir le tome XX), parle non seulement des « Provences illyriennes » mais aussi des peuples balkaniques voisins et, donc, des Serbes et de la Serbie.

Dans ses souvenirs de voyage en Dalmatie (Paris, 1802), Carlo Botta, un médecin et historien italien qui vivait et travaillait en France, parle des « Morlaques de rite grec » qui « constituent le cinquième de population », de la poésie populaire (il mentionne Marko Kraljević), et de la langue populaire. Un an plus tard le comte M. de Salaberry, dans son histoire de l’empire ottoman en quatre tomes, parle aussi des Serbes ; dans le premier la bataille de Kosovo est évoquée, et dans les quatre suivants Belgrade et les combats pour sa défense. Nous mentionnerons encore les textes de Charles Pertusier sur la Dalmatie et la Bosnie, les récits de voyage en Bosnie d’Amédée Chaumette Des Fossés qui parle lui aussi des Serbes. Les « Illyriens » de Charles Nodier impliquent naturellement ces derniers.

Ce n’est pas un hasard si, dans les revues françaises, les premiers écrits consacrés à la poésie populaire serbe (et les premiers textes sérieux sur le sujet plus généralement) paraissent à l’époque où le romantisme s’affirme « officiellement » sur la scène littéraire française avec, en 1820, les Méditations poétiques de Lamartine. En 1819, La Revue encyclopédique traite pour la première fois en France de Vuk Karadžić et de son œuvre et, plus tard, en 1826, publie d'autres articles sur le sujet. Il en est de même pour la célèbre revue Le Globe, qui a contribué au développement du romantisme, et pour les autres revues de l’époque (Bulletin des sciences historiques, Le Catholique, La Bibliothèque allemande, Journal de la littérature étrangère). Des traductions accompagnent généralement les articles qui traitent de cette poésie (Chants populaires des Serviens d’Elise Voïart, 1834), y compris des mystifications, telle La Guzla de Prosper Mérimée. En 1829, Victor Hugo parle de Belgrade, du « conflit avec Zemun » dans « Le Danube en colère » des Orientales.

Alors que Gérard de Nerval traduit (de l’allemand) le poème Hasanaginica (1830), Jules Michelet dispense un cours d'histoire romaine où, parlant de la Grèce contemporaine et de la poésie populaire, il mentionne aussi les poésies « serviennes ». Presque en même temps, au cours de l'année universitaire 1831/32, Claude Fauriel dispense un cours sur la poésie populaire serbe. Plus connues encore sont les pages consacrées par Alphonse de Lamartine dans son Voyage en Orient (1835) aux Serbes et à leur poésie, pages dans lesquelles il exprime sa sympathie et son admiration. Le grand poète reviendra sur le même sujet dans son Nouveau voyage en Orient (1851-1853), dans son Histoire de la Turquie (1854-1855). A l’époque des conférences données par Fauriel à la Sorbonne et des voyages de Lamartine en Orient, le célèbre savant français Ami Boué publie des données géographiques et géologiques sur la Serbie dans le Bulletin de la Société géologique française.

Claude Fauriel Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine
Claude Fauriel Alphonse de Lamartine

En 1839, Fréderic Gustave Eichhoff qui succède en 1836 à Claude Fauriel à la chaire de « littérature étrangère » à la Sorbonne, publie une histoire des littératures slaves. Le troisième chapitre est consacré à la littérature orale et écrite et à la langue des Serbes.

A peu près simultanément Alphonse Royer, écrivain alors en renom, fait paraître d’abord (1833) dans la revue L’Europe littéraire le récit de sa rencontre avec le pacha de Belgrade et le prince Miloš, puis ses Aventures de voyage en deux tomes (1837) où il parle aussi de Karageorges et du premier soulèvement serbe. (C’est lui qui eut le « mérite » d’avoir lancé l’affirmation des origines françaises, en l’occurrence lorraines, de Karageorges.)

Dans les Mémoires d’un touriste (1838), Stendhal s’exprime en termes fort élogieux sur le prince Miloš en tant que souverain. A la fin de la même année sera ouvert le premier consulat de France à Belgrade (huit ans après l’avènement de la principauté de Serbie), ce qui donnera une forte impulsion aux rapports politiques et culturels franco-serbes.

En 1840 survient un événement d’importance capitale : à la chaire de langues et de littératures slaves alors fondée au Collège de France, Adam Mickiewicz parle longuement, et avec enthousiasme, de la poésie populaire serbe, citant et commentant certains poèmes.

La même année Ami Boué publie, en quatre tomes, La Turquie d’Europe où il développe longuement le sujet des Serbes, utilisant aussi les textes de Vuk Karadžić qu’il connaissait personnellement. (Dans le tome IV, il donne la traduction du Code de l’empereur Dušan.) Plus tard, le même Boué publiera d’autres travaux sur les Serbes et les Croates.

Ami Boué par F Kratochwill

Ami Boué
par F. Kratochwill

La personne et l’œuvre de Cyprien Robert, le successeur de Mickiewicz à la chaire de slavistique au Collège de France où il enseignera de 1844 à 1857, sont d’une importance indubitable. Robert fait paraître en 1844 et en deux volumes les articles publiés dans la Revue des Deux Mondes sous le titre Les Slaves de Turquie. Les Serbes, Monténégrins, Bosniaques, Albanais et Bulgares. L’intérêt suscité sera tel que l’ouvrage sera traduit en allemand et en italien, et une réédition française sortira en 1852 accompagnée de nombreux comptes rendus. Or, cette œuvre n’est que l’un des importants travaux que cet érudit publia sur les Serbes, leur histoire, leur culture, et, aussi, sur les autres Slaves du sud.

A l’époque où Mickiewicz achève son cycle de conférences sur les Slaves et s’apprête à céder la chaire à Cyprien Robert qui met la dernière main à ses Slaves de Turquie, un romantique tardif, Sébastien Rhéal, publie en 1843 un recueil de traduction en vers de chants populaires et nationaux qui porte un très long titre : Les Divines Féeries de l’Orient et du Nord […] petits poèmes indiens, arabes, persans, serviens […]. Ces derniers sont quatre poésies populaires serbes extraites du recueil de traductions d’Elise Voïart.

Toujours la même année (1843) Jérôme-Adolphe Blanqui, homme politique et savant, publie quant à lui Voyage en Bulgarie, fruit de sa mission dont le but était d'étudier la situation des chrétiens sous domination turque. Une large place y est faite aux Serbes et à la Serbie (rencontre à Vienne avec le prince Miloš en exil, rencontre à Belgrade avec le prince Mihailo et la princesse Ljubica, présentation de la situation politique avec un aperçu du passé récent et lointain, description des villes, etc…)

Un an auparavant Karageorges avait été mentionné dans le roman de Balzac Un début dans la vie.

La parution en 1845 du livre de Charlotte de Sar Le Berger-roi consacré au prince Miloš, à l'histoire serbe récente et, surtout, au premier et au second soulèvement contre les Turcs, marque une date importante. On y retrouve la relation des mêmes événements dans le livre de Raoul de Malherbe L’Orient 1718-1845 (quatrième partie du tome II) qui paraîtra l’année suivante. Toujours en 1845 De Rhin au Nil de Xavier Marmier, l’un des pionniers de la slavistique en France, traite des « provinces danubiennes ». Nous citerons aussi les textes d'Hyppolite Desprez, les articles et les livres où il évoque les Serbes et les autres peuples sud-slaves. Mais les travaux de Xavier Marmier dont Lettres sur l’Adriatique et le Monténégro (1854) revêtent une importance beaucoup plus grande. L’auteur y parle longuement des Serbes, de leur langue, de leur poésie populaire, et donne la traduction de certains poèmes. En 1880 et 1888, il introduira cinq contes serbes dans ses traductions de contes populaires de divers pays.

En 1854 également, plusieurs autres auteurs français publièrent des récits de voyage mentionnant la Serbie ; Edouard Laboulaye, savant renommé et membre de l'Académie, fait paraitre des traductions de contes populaires serbes dans une revue et dans un livre (1856) consacré à l’Allemagne et aux pays slaves.

Parmi les Français qui s’intéressèrent de près à la Serbie au début de la seconde moitié du XIXe siècle, citons encore Jean (Abdolonyme) Ubicini qui, à l’époque, se préoccupait surtout de la Turquie et de la question d’Orient. Celle-ci fut l'objet de ses livres et de ses articles mais il publia en 1865 un ouvrage important, Les Serbes de Turquie. Nous mentionnerons aussi un livre d'Alfred des Essarts qui contient des « portraits de combattants d'Orient » parmi lesquels ceux d’Alexandre Karadjordjević et de Miloš Obrenović[7].

Le livre Provinces danubiennes et roumaines de J. M. Chopin et A. Ubicini (1856) présente des poèmes populaires serbes et les cite à plusieurs reprises dans la langue originale. C’est à peu près à la même époque que Théophile Gautier affiche de l’intérêt pour les Serbes (par l’intermédiaire de l’album de Théodore Valérie), mais c’est surtout le côté pittoresque, les costumes populaires qui l’attire.

Dès 1855, et surtout 1858, Dora d'lstria, en fait Elena Ghica, la comtesse Koltsov-Massalsky, publie plusieurs travaux, de valeurs inégales mais toujours animés de bonnes intentions, centrés surtout sur l’état de l’Eglise et sur la situation des femmes chez les Slaves du sud. Elle traite de ce sujet dans ses livres mais aussi dans la Revue des Deux Mondes. Fervente de poésie populaire, cette championne des droits des peuples y publiera le 15 janvier 1865 une étude intitulée « La nationalité serbe d’après les chants populaires ». Plus important encore est le travail d’Alexander Chodzko. Polonais installé en France, savant, poète et diplomate, ami de Mickiewicz et successeur de Robert au Collège de France, ce slaviste éminent privilégie comme thèmes la littérature serbe médiévale, la langue, les chants et les contes populaires ainsi que le théâtre moderne.

Aleksander Chodźko Auguste Dozon
Alexander Chodzko Auguste Dozon

Si l’activité de Dora D’lstria et d’Alexandre Chodzko est appréciable, celle d’Auguste Dozon peut, sans hésitation, être qualifiée de capitale. Faute d'espace, nous ne pouvons pas nous consacrer à tous les ouvrages de ce diplomate, poète et traducteur ; nous en rappellerons deux : Poésies populaires serbes traduites sur les originaux avec une introduction et des notes de 1859 et l’Epopée serbe de 1888. Objets d’intérêt pour de nombreux lecteurs français, ces recueils de Dozon furent pendant des décennies des sources d’inspiration pour de nombreux écrivains.

Si certaines œuvres marquent une date dans l'intérêt des Français pour les Serbes, certaines manifestations de ce genre valent d’être citées davantage comme curiosité du fait, souvent, de la personnalité de leur auteur. Dans un article sur J.-J. Ampère (Revue des Deux Mondes, 1er septembre 1868) le plus grand critique littéraire français du XIXe siècle, Sainte-Beuve, évoque ainsi les relations entre Mérimée et Fauriel, et mentionne deux recueils de poésies populaires serbes. (Fauriel dit à Mérimée, d’après Sainte-Beuve, en lui montrant un ouvrage : « Voilà, on m'a envoyé ces deux tomes de poésies populaires serbes ; apprenez le serbe ».)

La même année, Adolphe d’Avril, diplomate et écrivain, fait paraître La Bataille de Kossovo qui est en fait une traduction (la meilleure, selon nous) des chants du cycle de Kosovo. Elle aussi sera une stimulation et une source d’inspiration pour de nombreux auteurs français. Mais d’Avril n’en restera pas là et publiera toute une série de travaux dans le domaine de l’histoire et de la littérature serbes.

Nous soulignerons l’activité du grand slaviste Louis Leger à la fin du XIXe siècle et au début du XXe qui consacra une grande partie de son œuvre immense aux Slaves du Sud. Après avoir assisté en 1867 à la deuxième assemblée de la « Jeunesse serbe unie », l’année suivante Leger publie sa thèse de doctorat sur Cyrille et Méthode. Suivront des articles, des études et des livres consacrés aux peuples slaves, dont un grand nombre à la Serbie. Ayant appris le serbe à Paris (avant le russe), il tiendra à la Sorbonne, à la veille de la guerre franco-prussienne, un cours de langue serbe et un autre sur la civilisation des Slaves du Sud. A la fin de l’année 1873, il sera autorisé à enseigner la langue serbe à l'Ecole des Langues Orientales et assurera ensuite un cours d’histoire et de littérature serbes au Collège de France. Dans plusieurs de ses livres il parlera longuement des Serbes (Le Monde slave, Etudes slaves, Russes et Slaves, Serbes, Croates et Bulgares et autres). Nous citerons aussi ses travaux sur la traduction des contes populaires serbes.

Leger 1867 Maixner Taillandier La Serbie
Louis Leger
par Karel Maixner

La Serbie au XIXe siècle
par Saint-René Taillandier

En 1872 paraît une œuvre remarquable, La Serbie au XIXe siècle. Karageorges et Miloš de Saint-René Taillandier, professeur aux universités de Strasbourg, Montpellier, et Paris, par ailleurs rédacteur en chef de la Revue des Deux Mondes. Historien, il va bien au-delà des deux soulèvements serbes, étudie la mentalité, la culture, la civilisation, et la poésie populaire serbe en utilisant les traductions figurant dans le premier recueil de Dozon.

Parmi les nombreux auteurs qui se sont à cette époque consacrés à la Serbie, nous mentionnerons l’homme politique et écrivain Joseph Reinach et son livre La Serbie et le Monténégro (1874). En écrivant leur histoire et l’histoire de leur culture, Reinach étudie, comme Taillandier, la poésie populaire, cite certains poèmes, en souligne la beauté artistique qu’il relie aux événements historiques, à la mentalité et aux coutumes. Mais il évoque aussi la littérature écrite, celle des Serbes de Serbie mais aussi de tous les peuples slaves du Sud. Les faits concernant les institutions culturelles donnent à ce livre une importance plus grande encore. Reinach montrera le même intérêt dans les livres et les articles qu'il écrira pendant la Première Guerre mondiale, exprimant tout particulièrement sa sympathie pour les Serbes et son admiration pour leurs efforts et leurs sacrifices.

De nombreux textes furent consacrés au soulèvement de l’Herzégovine (1875-1878) ; ils évoquèrent la Bosnie-Herzégovine mais aussi le Monténégro et la Serbie qui aidèrent et encouragèrent le combat pour la libération du joug turc. La revue L’Illustration se distingua : pendant la seule année 1875 parurent une dizaine d’articles sur le soulèvement, le premier faisant, déjà, état de la Serbie et du Monténégro.

La même année la variété des textes est illustrée par des œuvres tels Eléments de grammaire franco-serbe de l'interprète diplomatique professionnel Charles Hacquard, ou le roman de Paul Féval La Ville-Vampire dont l'action se déroule dans les régions sud-slaves, l’effroyable ville se situant entre Belgrade et Zemun, et les vampires parlent serbe !

Cette même variété se manifeste dans un petit recueil de poésies de différents peuples L’Amour en chansons de Jules Andrieux. L'auteur y insère quelques poésies populaires lyriques serbes, dans la traduction d’Elise Voïart et de Cyprien Robert. L’année suivante lsidore Loeb fait paraître un livre sur la situation des juifs en Turquie, en Serbie et en Roumanie, et le capitaine d'Ormesson fit part de ses impressions lors de son séjour en Serbie à la veille de la seconde guerre turco-serbe. Elles ne furent publiées que récemment.

En 1879 l’officier et poète Henri-Pierre-Georges-Marie Ogier d’lvry, qui aimait le peuple serbe et avait séjourné dans les régions serbes, en particulier à Belgrade et à Novi Sad, publie un recueil de chants guerriers[8] (qui sont en réalité des arrangements rimés) dans lequel il introduit cinq poésies serbes.

Le personnage principal du roman d’Alphonse Daudet Les rois en exil (1879), le roi Christian, est sans doute inspiré en partie par la personnalité du roi Milan Obrenović qui fut en France l’objet de nombreux écrits s’agissant, surtout, de ses scandales même avant son abdication.

Toujours en 1879 paraît Histoire de la littérature contemporaine chez les Slaves. Céleste Courrière y consacre un grand chapitre à la littérature serbe, incluant celle de la Bosnie-Herzégovine et du Monténégro, et, en illustration, joint divers exemples de littérature serbe orale et écrite. Cette année-là Courrière fut paraitre encore une étude sur le théâtre serbe et la traduction de deux comédies de Kosta Trifković.

Parmi les ouvrages historiographiques des dernières décennies du XIXe siècle, il faut mentionner Histoire de l’empire turc de A. La Jonquière. L'auteur évoque abondamment et à plusieurs reprises l’histoire serbe tant ancienne que contemporaine. A cette époque voient le jour les premières traductions des conteurs serbes Leza Lazarević et Janko Veselinović. La poésie populaire serbe trouve une place importante dans Les rives illyriennes de l’abbé Boron (1888), et dans Les frères d’élection de Jean Dornis, en réalité Mme Droën, où les chants serbes sont traduits librement en prose.

En 1888 la Revue Bleue affiche elle aussi un intérêt particulier pour les Serbes ; elle publiera deux articles, l’un consacré à Djura Jakšić, l’autre au mouvement patriotique serbe et à la Société « Sveti Sava » (Saint Sava).

L’année suivante René Millet, ancien ministre plénipotentiaire à Belgrade, et H. de Torcy sortent un livre sur le commerce français en Orient et sur la Serbie « économique et commerciale ». Millet parle des Serbes dans certains de ses articles et dans d’autres livres (Souvenirs des Balkans, 1891). En 1890 Victor Cambon fait paraître ses impressions, remarques et réflexions sur les Balkans (Autour des Balkans), tandis qu’E.  Parmentier évoque la Serbie dans Voyage dans la Turquie d’Europe. L’année 1890 et les suivantes seront marquées par les travaux de l’abbé Paul Pisani qui touchent aux chrétiens orthodoxes, y compris les Serbes.

Les ouvrages relevant des domaines de l'historiographie, de la géographie, et des récits de voyage, quoique déjà fréquents, se multiplièrent encore, les Belles Lettres ne pouvant rivaliser pour ce qui est de la quantité. Nous citerons le roman Le roi Stonko et la reine Xénia, signé « Outis », dont les personnages principaux sont sans aucun doute le roi Milan Obrenović et son épouse Nathalie. En 1891 le poète et folkloriste Achille Millien, héritier du Parnasse, publie Les chants populaires de la Grèce, de la Serbie et du Monténégro puis, plus tard, un poème consacré au cinq-centième anniversaire de la bataille de Kosovo (1389-1889), puis, au début de la Première Guerre mondiale, le poème Petit pays, grand peuple.

Achille Millien gravure de Paul Adolphe Rajon

Achille Millien
gravure de Paul Adolphe Rajon

Toujours en 1891, Charles Piguet édite sa traduction de Gordana, le drame de Laza Kostić. (Jules Lemaître, ainsi que d’autres critiques moins connus, présenteront cette pièce en France.) Au cours de cette riche année, Auguste Giron – qui avait publié en 1887 la traduction du conte Čini de Janko Veselinović sous le titre de Sortilèges – fait paraître dans la Revue britannique (comme feuilleton en quatre parties) le roman Seljanka (La Paysanne) du même auteur serbe.

Sans mentionner les nombreux textes de différentes longueurs et quelques traductions, nous extrairons pour 1894 le livre de Paul Coquelle Le royaume de Serbie, un aperçu de l’histoire de la Serbie depuis les temps reculés jusqu’à la dynastie des Obrenović. La même année, le capitaine Léon Lamouche fait paraître une étude intitulée L’armée serbe en 1893, la revue Le Monde latin et le monde slave la traduction d’une comédie de Kosta Trifković La guerre franco-prussienne tandis que se développe l’activité d’Albert Malet, professeur et historien, grand ami du peuple serbe, qui fut à Belgrade dans les années 1880 le précepteur de prince héritier Alexandre Obrenović et enseignant à la Grande école. Après un article publié l’année précédente sur la première insurrection serbe, Malet rédige avec Stojan Novaković en 1894 le Chapitre XVIII du troisième tome de L’histoire universelle de E. Lavisse et A. Rambaud, chapitre qui traite de la Serbie. Puis il se consacre aux coutumes religieuses et au théâtre en Serbie, au roi Milan, à la Question d’Orient.

En 1895, le théâtre parisien « Odéon » met en scène Pour la Couronne de François Coppée, un représentant du courant « populaire » du Parnasse. L’action de cette pièce se déroule dans les Balkans et la plupart des personnages portent des noms serbes. L’éditeur des parnassiens Alphonse Lemerre publiera cette tragédie de Coppée. En 1895 encore, Alexandre Hepp sort Minutes d’Orient, propos de cour et paysages, un récit de voyage dont cinq chapitres sur vingt sont consacrés à la Serbie, à Alexandre et Milan Obrenović, et à ville de Belgrade. Par son genre et son sujet le livre de Michel Noë Pages d’Orient lui ressemble. De même celui de James Condamine En Serbie et aux rives du Bosphore paru en 1896. L'année suivante, le Monde moderne publie la traduction de Vidosava Branković de Jovan Jovanović Zmaj, et Angelo De Gubernatis, fondateur et rédacteur de la Revue internationale de Florence, fait paraître à Paris et à Florence La Serbie et les Serbes. Pour illustrer la variété des genres, nous mentionnerons aussi la pièce de Victorien Sardou Spiritisme où l’un des personnages principaux est Mikael Stuca, « Serbe de Belgrade ».

En 1898, comme à toute cette époque, les travaux les plus nombreux se rapportent à la politique et à l'histoire. Gaston de Monicault dans sa thèse de doctorat, G. Monod dans un article, Edouard Driault dans une volumineuse étude, Ivan de Malkhazouny dans un recueil d’articles, Amory de La Barre de Nanteuil dans une large étude historique, traitent tous de la Question d’Orient et, par là-même, de l’histoire ancienne et contemporaine de la Serbie. Mais outre ces travaux ou récits de voyage, des ouvrages d’un genre différent voient le jour comme, par exemple, une petite Histoire de la littérature serbe rédigée par Eugène Deprez et Mihailo Gavrilović. 

En 1899, ce sont les conflits militaires dans les Balkans, et donc la guerre entre la Serbie et la Bulgarie, qui attirent l’attention de deux officiers, le lieutenant Becker et le commandant Bujac.

Dans les dernières années du XIXe siècle et en 1900, parmi les revues qui font paraître des articles sur la Serbie, la Revue générale des sciences pures et appliquées (Mihailo Petrović, éminent mathématicien serbe, y publiait ses travaux à l’époque) et la Revue d’Europe (politique, économique ct littéraire) accordent une bonne place aux contes et à la poésie populaires serbes. Alexis Vitry, rédacteur de la publication parisienne Correspondance politique, parlementaire et diplomatique, publie en 1900 à Compiègne un petit livre intitulé Etude sur la Serbie.

Dans les premières années du XXe siècle, de Léon Lamouche, officier français cité par ailleurs, sortent Les Armées de la péninsule, une brochure sur les armées balkaniques qui parle de la Serbie et de son armée. En 1901 La Revue Bleue présente un article de R. Candiami consacré à Nikola Tesla sous le titre « Le plus grand génie du vingtième siècle ».

Le nombre relativement restreint d’Etats européens indépendants, les événements socio-politiques, et surtout la position géopolitique particulière auront fait qu’à l'époque, on parlait fréquemment, pour ainsi dire chaque jour, de la Serbie et de ses habitants. Outre de nombreux articles dans les diverses revues parurent des livres tout aussi nombreux. En 1902 La Serbie contemporaine. Etudes, enquêtes, statistiques, une monographie détaillée en deux tomes de Joseph Mallat qui présente aussi la littérature, surtout populaire, et cite (selon Chopin) quelques poésies serbes.

En 1902, puis les années suivantes, l’Européen (dont les collaborateurs sont André Barre et Guillaume Apollinaire) publie des articles sur les Serbes. En 1903 Barre consacre 14 articles à la Serbie, aux événements politiques en cours, dont la prédiction de l’assassinat du couple royal Obrenović (ce qui lui valut un éloge public de la part d’Apollinaire). Mais les articles de Barre et d’Apollinaire ne sont qu’une partie de ce que l’Européen aura publié sur la Serbie. L’évènement tragique survenu à la cour de Serbie cette année-là suscita naturellement des réactions en France et l’Européen ne fut pas le seul à le commenter. L’Illustration et d’autres revues le feront également.

En avril 1906 paraît la Revue slave et, cette même année, plusieurs articles sur les régions des Slaves du Sud, quelques traductions de poésies populaires serbes, ainsi que le conte de Laza Lazarević Sve će to narod pozlatiti (Le peuple t'en récompensera) dans la traduction d’Ivan Koriak. En 1907, Ivan de Malkhazouny fait éditer, dans la mère revue, sa traduction du cycle de Kosovo suivi d’un large aperçu historique de la Serbie, et L. de la Chanoine y publie quelques contes populaires sous le titre Contes serbes.

C’est à cette époque aussi que Valery Larbaud montre un intérêt accru pour les Serbes et les Slaves du Sud en général, intérêt qui se manifeste dans sa poésie (par exemple dans l’Ode parue en 1908, où il évoque son passage en Serbie), dans sa prose et dans son Journal. En 1908 également André Barre publia La tragédie serbe, « le journal d’un historien » (suivant les mots de l’auteur) dans lequel il expose les événements en Serbie depuis l’avènement d'Alexandre Obrenović jusqu’à son assassinat.

En 1909 le comte de Landemon publie De l’oppression à l’indépendance : l’avenir dans les Balkans, un récit de voyage à caractère historique et politique qui évoque la lutte des peuples balkaniques pour la liberté et l'indépendance. Le chapitre VIII est consacré au Royaume de Serbie du point de vue historique et politique.

Pour 1911 nous signalerons surtout dans le recueil bien connu Les Mille nouvelles nouvelles les récits San Mehe fenjerdžije (Le Rêve de Meho) de Svetozar Corović et Preslava (présentée sous le même titre en français) de Janko Veselinović.

Si l'intérêt des Français pour la Serbie et les témoignages écrits qui en résultent suivent en permanence une ligne ascendante, il fait un véritable bond à l’époque des guerres balkaniques (1912-1913) et, surtout, pendant la Première Guerre mondiale qui a eu une double influence : directe à travers les textes qui la relatent, indirecte dans ceux suscités par cet intérêt accru mais dont le sujet n’est pas la guerre ou pas exclusivement : ils auraient été écrits sans ces évènements tragiques.

En 1912, de retour de ses voyages, l’ingénieur Alphonse Muzet publie Aux pays balkaniques : Monténégro, Serbie, Bulgarie. Il écrira de nouveau sur les Serbes pendant la Première Guerre mondiale (Le Monde balkanique) et tiendra en 1915 une conférence intitulée « La Serbie ». L’activité de l'historien, homme politique et publiciste André Chéradame est plus marquante encore ; il s’attache surtout à la question de l’expansion autrichienne et allemande dans les Balkans. Avant le déclenchement des guerres balkaniques, les Serbes avaient fait l’objet de ses témoignages écrits ; il continuera pendant la Première Guerre mondiale avec la même sympathie, la même compréhension pour ce petit peuple menacé par de grandes puissances ennemies.

En 1913 les écrits sur les Serbes abondèrent, prélude à la profusion de textes qui paraitront en France pendant cette catastrophe que fut la Première Guerre mondiale : signalons d’abord les Lettres sur la guerre balkanique 1912—1913 de Thérèse Aubaret et le recueil de poésies inspirés par les mêmes événements, L’Epopée balkanique de Paul Liseron. La Guerre turco-balkanique, 1912 du colonel Boucabeille donne une description des opérations ainsi qu’un « aperçu géographique et politique ». En 1914 le même auteur publiera un livre sur le conflit entre les alliés. Le chapitre IV rend compte des opérations des troupes serbes, de la trahison bulgare, de la bataille de la Bregalnica.

Outre le livre d’Alain de Penennrun qui traite du même sujet, celui du médecin militaire M. Couzergue diffère des autres ouvrages consacrés aux guerres balkaniques : il y est moins question des opérations militaires et davantage de l'organisation et du fonctionnement des services sanitaires. Le général Herre publie la même année un récit de voyage de caractère historique et militaire, écrit sous forme de journal. On y trouve une description détaillée de Belgrade.

 Il faut évidemment évoquer aussi Henry Barby, le correspondant de guerre du Journal, qui suivit les conflits balkaniques puis les événements dans cette région durant La Grande Guerre. Ses écris consacrées aux Serbes, leur lutte pour la liberté et l’indépendance, sont nombreux et réunis en quatre volumes[9]. Les caractérisent tous la justesse, la précision de l’observation, mais aussi une grande sympathie pour le peuple serbe. 

Henry Barby a son arrivee a Scutari 1915

Henry Barby

Nous laisserons de côté d’autres livres ainsi que les articles courts parus dans la presse périodique et mentionnerons encore deux textes, intéressants chacun à sa manière mais illustrant bien la diversité de genres et de thèmes : Pour le sang… pour la liberté, pièce de Jean de Mayerhofen présentée le 13 février 1913 au « Cirque de Paris » par la société « Le Théâtre à la caserne ». La toile de fond en est justement la lutte des Serbes contre les Turcs pendant la première guerre balkanique ; sur un plan plus restreint, elle relate l’exploit de la « Jeanne d’Arc serbe » Sofija Jovanović. Le second texte, très diffèrent de ceux qui se rapportent aux guerres balkaniques, est un poème en prose de style « cubiste » : Fausses nouvelles! Fausses nouvelles! de Max Jacob. Il est publié dans le recueil Cornet à dés en 1917, quoique écrit antérieurement. Il regorge d'ironie, de fantaisie, de jeux de mots et d’allusions parfois difficilement saisissables. Le poète y parle de la « guerre des Balkans » qui se déroule en grande partie dans un théâtre, mais avec des allusions évidentes à la guerre réelle par les faits historiques et littéraires évoqués.

Sans que nous l’ayons pas souligné, on aura compris aisément que la Première Guerre mondiale a intensifié l’intérêt déjà manifesté par les Français pour les Serbes pendant les guerres qu’ils menaient précédemment : les évènements majeurs ne se déroulaient plus uniquement dans les Balkans mais, désormais, à l’échelle européenne, voire mondiale. La France s’y trouvait étroitement mêlée scellant avec la Serbie une alliance à la vie, à la mort. Enfin, la grande victoire inattendue remportée par les Serbes tout au début de la guerre sur un adversaire bien plus puissant, puis les souffrances de leur armée lors de son exode à travers l’Albanie pendant hiver 1915-1916 suscitèrent la sympathie des Français et stimulèrent la production littéraire au sujet de leur allié petit mais brave. Les articles dans la presse périodique et les nombreux livres ne seront pas la seule manifestation de cet intérêt amical. Après la bataille de la Kolubara qui voit la Serbie vaincre l’armée austro-hongroise beaucoup plus forte en nombre, est fondé à Paris par Victor Bérard le « Comité franco-serbe » puis, plus tard, l’organisation « Le peuple serbe en France » dont le but sera d’aider, de soutenir la Serbie. Le 26 mars 1915 est décrété dans toutes les écoles françaises « la Journée serbe », initiative qui sera renouvelée le 25 juin 1916. Il y aurait bien d’autres manifestations de ce genre à citer telle celle le 27 janvier 1916, à la Sorbonne en présence du Président de la République Raymond Poincaré, ou encore celle dite « L’Effort serbe » le 8 février 1917, toujours à la Sorbonne, qui fut organisée par le comité « L'effort de la France et de ses alliés ».

Journée serbe 2016

Affiche : « Journée serbe »

Bien que cet intérêt accru pour les Serbes se manifeste en France surtout à partir de 1915, dès 1914 paraissaient des écrits et surtout des livres sur le conflit qui venait de se déclencher. En cette première année de la guerre, le célèbre poète Jean Richepin consacre à la Belgique, à la Serbie et au Monténégro un chapitre de son livre Prose de guerre (Août 1914-1915) symboliquement intitulé « Les Grands „petits peuples“ ». L’année suivante Richepin donnera une conférence, « L’âme slave », où il parlera également des Serbes. Le 2 août Les Annales politiques et littéraires livreront un témoignage d'un autre poète français, de plus grande renommée encore mais d’une  époque antérieure : un extrait du Voyage en Orient de Lamartine qui a trait à la poésie populaire et à son importance pour le peuple serbe.

Un autre grand écrivain français, Pierre Loti, turcophile pourtant convaincu, consacra lui aussi plusieurs articles à la Serbie durant la guerre. La revue ci-dessus mentionnée reproduit son texte « Pour la Serbie » paru dans le Figaro du 14 août 1914 et qui exprime ses sympathies pour ce pays. En 1915, Pierre Loti publiera « La Serbie pendant les guerres balkaniques », article qui sera repris dans L’Hyène enragée. Pendant la dernière année de la guerre, Loti dénoncera par deux fois les crimes commis contre les Serbes, d’abord dans « L’horreur bulgaro-allemande en Serbie » dans le Petit Parisien, puis dans son livre L’horreur allemande.

Tandis que Le Correspondant publiait fin 1914 un article sur la littérature serbe, Les Annales offraient au public un chant populaire « La Wila secourable » (Vila pomoćnica) dans la traduction déjà ancienne d'Elise Voïart. Nous ne citerons pas tous les autres articles mais seulement, pour l'année 1914, le petit livre d’Henri Lorin, professeur à la Faculté des Lettres de Bordeaux, L’héroïque Serbie, un livre historique pénétrée de vive sympathie.

La Grande Serbie (1915) marque le début de la série d’articles et d’ouvrages du grand slaviste français Ernest Denis sur la Serbie. Autre grand slaviste et ami des Serbes, Emile Haumant, leur consacre pendant la seule année 1916 six articles dont les textes de certaines de ses conférences. Son intérêt n’en faiblira pas pendant toute la durée de la guerre et jusqu’aux années 1930. Il en va de même pour Victor Bérard qui, dès la fin du XIXe siècle, s’était familiarisé avec les peuples vivant sous domination turque avant de devenir l’un des champions de leur lutte pour la liberté. Mais c’est surtout pendant la Première Guerre mondiale que ses textes sur les Slaves du Sud et les Serbes se multiplièrent. En 1915 sont publiés au moins trois textes de ce genre, ainsi que l’ouvrage La Serbie, portant le sous-titre suivant : « La Serbie et son histoire, les victoires serbes, le peuple serbe ». En 1916 à l’Hôtel de ville de Versailles Bérard tint une conférence intitulée « Pour les Serbes », puis une autre, la dernière année de la guerre, « La psychologie des belligérants : les Balkans ».

Denis Grande Serbie Berard Serbie
La Grande Serbie
par Ernest Denis
La Serbie
par Victor Bérard

Byzantologue et éminent savant, Charles Dlehl montre lui aussi un intérêt prononcé au cours de la Grande Guerre, ce que confirme son « L’Héroïque Serbie », article semblable ou identique à bien d’autres édités à cette époque. Nous citerons à titre d’exemple l’ouvrage d’Henri Lorin déjà évoqué, et Les Serbes héroïques. Un contre dix, petit livre de Charles Guyon publié en 1915.

Dans ce cadre se manifeste aussi un intérêt grandissant pour la poésie populaire dans les articles de Louis Martin et de Charles Foley. Dans La Grande Revue le poète Léo d’Odfer donne les traductions de chants populaires, évoque Vuk Karadžić puis fera paraître en 1916 Chants de guerre de la Serbie qui comprend, entre autres, La Construction de Scutari (titre original : Zidanje Skadra) et La femme de Haçan-Aga (titre original : Hasanaginica). Ce n’est là qu’une partie de ce que Léo d’Orfer écrivit sur les Serbes. En 1916, sa pièce musicale Militza sera jouée au théâtre parisien « Deux masques », et paraîtra « Pourquoi j’ai aimé la Serbie », article qui exprime ses sentiments.

Parmi les traducteurs de la poésie populaire serbe il faut mentionner Frantz Funk – Brentano et A. Chaboisseau, le premier pour ses articles sur les Serbes dans La guerre des nations, le second pour ses traductions et un article dans La Revue de Paris. L’intérêt de l’un et l’autre ne faibliront pas non plus après la guerre.

A l’occasion du 25 mars 1915, Maurice Barrès publie dans L’Amitié des tranchées l’article intitulé « A la gloire des Serbes ».

Au début de 1916, et après des articles sur la campagne de Serbie, le publiciste et correspondant de guerre Ferri-Pisani fait paraître Le drame serbe qui aura un grand écho dans la presse française. Avec l'armée serbe en retraite. A travers l'Albanie et le Monténégro, Raoul Labry offre lui aussi un témoignage, une sorte de journal tenu pendant l’hiver 1915, selon les mots de l’auteur, « au jour le jour » pendant la longue retraite à travers le sandjak de Novi Pazar, le nord du Monténégro et l'Albanie, à la lueur des feux du bivouac, sous la tente, dans la neige ou dans les hans albanais ».

Au cours de l’année 1916 le slaviste Louis Leger fait paraître un article qui évoque la bataille de Kosovo et la chute de l'empire serbe. Spécialiste et traducteur de la poésie populaire et écrite serbe, Philéas Lebesgue consacre dans différentes revues des articles sur la Serbie, ce qu’il fera longtemps encore après la guerre. Nous mentionnerons encore son recueil Les chants féminins serbes (1920). En 1916 les journaux et revues français livrent par ailleurs plusieurs articles sur la poésie populaire serbe souvent accompagnés de traductions.

La même époque voit s’accroître également l’attrait pour la langue serbe. Auteur de La Yougoslavie. La France et les Serbes (1916), Pierre de Lanux sort en collaboration avec le poète croate Tin Ujević, une Grammaire élémentaire de la langue serbe. A. Aufort et V. Čajkanović éditent à Bizerte une grammaire du même genre. Ernest Rochelle et Dušan Tamindzić, ainsi que Mélik S. David-Bey, font paraître, toujours en 1916, des manuels de langue serbe.

Nous l’avons vu, les Serbes, les guerres qu’ils livrèrent et leur destin historique inspirèrent aussi des œuvres artistiques. Parmi celles-ci la pièce musicale Andja qui a pour auteurs Lucien Boyer et Victor, ou plutôt Vitorio Menti.  

Toujours en 1916 paraitra (à Rome) la traduction serbe du poème d’Edmond Rostand « Les quatre bœufs du roi Pierre » (avec « L’ode au peuple serbe » de Gabriele D’Annunzio) ainsi qu’une traduction libre par Auguste Dorchain, bon connaisseur de la poésie serbe, de Svetli grobovi (Les tombeaux glorieux), le célèbre poème de Jovan Jovanović Zmaj. Enfin, Yvonne Estassy sort à Nîmes En marge de l’épopée, un recueil de poésies sur la Serbie et sur des personnalités serbes.

Les ouvrages les plus nombreux restent néanmoins et naturellement ceux qui ont trait à la guerre et aux relations politiques. Ainsi les livres de Joseph Vassal, de Gabriel Domergue, de Louis Thomson. Il est intéressant de constater qu’en 1916 déjà le terme Yougo-Slave ou Yougoslave n’est pas rare dans les titres des textes historiographiques et politiques. Parmi les personnalités connues qui traitent le sujet, citons aussi Ernest Daudet, Louis Barthou, Lugné-Poe, Raymond Poincaré (qui adressa une lettre au roi Pierre Ier). 

1917, alors que la guerre fait rage, voit paraitre le livre du ministre plénipotentiaire français en Serbie, Auguste Boppe, sur la retraite avec l’armée serbe à travers l’Albanie (À la suite du gouvernement serbe de Nich à Corfou), puis celui sur la « guerre au jour le jour » du lieutenant-colonel Roussel, la première partie du livre du colonel Bujac L’Héroïque Serbie, et l’ouvrage d’Alcide Ramette Au secours de la Serbie. Le retour d’un blessé. Mais plus nombreux sont encore les livres où la Serbie n’est évoquée qu’accessoirement ou parallèlement à un autre sujet. Ainsi Joseph-Reinach – qui écrivit avant et après sur les Serbes – s’intéresse à « l’origine diplomatique » de la Première Guerre mondiale, Alphonse Muzet publie Le Monde balkanique, et Henri Libermann décrit les combats français et serbes en Macédoine d’octobre 1915 à janvier 1916 (La Guerre. Les récits des témoins. Face aux Bulgares).

Malgré les souffrances et les épreuves de cette troisième année de guerre, l’intérêt pour la littérature et la culture en général ne se dément pas. Auteur d’un poème sur l’île de Lokrum, Henri de Regnier rédige la préface de la traduction française de La Couronne de la Montagne de Njegoš. En mars et avril 1917 Edouard Schuré livre dans la Revue des Deux Mondes une longue étude sur la littérature serbe (surtout populaire) dans laquelle il approfondit « l'évolution de l’âme nationale de la Serbie ». Un numéro spécial de la revue L’art et les artistes, sous le titre général de La Serbie glorieuse, est consacré à l’art en Serbie. Le livre Contes et légendes des nations alliées présente aussi la littérature populaire serbe. Quelques pièces modestes et un certain nombre de poésies figurant dans différents recueils sont un touchant témoignage de la sympathie ressentie par les Français envers un petit peuple allié.

La Serbie glorieuse

La Serbie glorieuse
Un numéro spécial de la revue L’art et les artistes

Au cours de la dernière année de la guerre, et en raison de la situation socio-politique et culturelle, il y a en France moins de publications consacrées à la Serbie mais sans que l’intérêt s’éteigne pour autant et même si l’épuisement général est perceptible dans ce domaine également. Des textes commentent les événements du passé récent et plus lointain, d’autres traitent de l’actualité mais, fait nouveau, apparaissent en nombre des prévisions et projets d’avenir. En 1918 La Nouvelle Serbie – qui ne compte pas moins de 470 pages ! – de Georges Y. Devas traite des trois éléments mentionnés ci-dessus. De même que La Question yougoslave d’Auguste Gauvin, diplomate, journaliste, publiciste et grand ami des Serbes[10]. Dans son livre portant presque le même titre – La Question yougoslave. La monarchie danubienne et l’Europe 1878-1918, Jules Duhem se penche sur le sort de la Serbie et des Slaves du Sud. L’article de Paul Louis sur « les appétits bulgares » paru dans la Revue Bleue en mai 1918 est lui aussi caractéristique.

Au cours de cette dernière et décisive année de guerre, l’engouement pour la littérature serbe, en particulier populaire, est resté très vif. L'actualité pousse les Français à creuser le passé héroïque serbe dans les témoignages artistiques de l’époque. Génina Clapier publie La Serbie légendaire, un recueil de 278 pages de poésies serbes orales (« héroïques » et « féminines »), et le couple Pelle Des Forges publie à Bizerte une plaquette spécifique Cinq contes populaires serbes.

Exemple de la collaboration franco-serbe, d’ailleurs assez fréquente dans le domaine de la traduction, Poèmes nationaux du People serbe d’Andjelija Jakšić et de Marcel Robert comprend huit poèmes populaires. En 1918, Yvonne Estassy donne une traduction libre de poésies populaires serbes Dans l’autre patrie, titre qui exprime au mieux les sentiments de l’auteur et Paul Labbé publie son Histoire d’un jeune Serbe.

A. Galandy La petite Serbie

La petite Serbie
par
A. Galandy

En guise de conclusion nous signalerons que les thèmes serbes entrèrent même dans la littérature pour enfants : inspiré par son amitié pour la Serbie et par un sentiment d’alliance, A. Galandy publie en 1918 (réédition 1921) La petite Serbie, sorte de fable illustrée où les différentes nations sont incarnées en êtres humains ou en animaux bons et mauvais.

NOTES

[1] Sur les textes français des XVIe et XVIIe siècles sur la Serbie et Belgrade, voir : Radovan Samardžić, Beograd i Srbija u spisima francuskih savremenika, XVI-XVII vek, Beograd, 1961. (Belgrade et Serbie dons les écrits des contemporains français, XVIe-XVIIe siècles,  Belgrade, 1961, ouvrage bilingue.)

[2] Voir : B. Džakula, « Monteskje, Bonval i istočno pitanje », Uporedna istraživanja l, 1975, Beograd, 1976, pp. 89-101.

[3] Voir : M. Aubin, « Volterovo interesovanje za jugoslovenske zemlje », MSC, Naučni sastanak slavista u Vukove  dane, Beograd, 1974, sv. 4, pp. 43-47.

[4] La thèse de doctorat de Ljubiša Monev sur Rousseau et Serbes (dactylographié).

[5] Voir : Gabrijela Vidan, « L’Encyclopédie - à propos de quelques recoupements de géographie politique et historique », Studia romanica et Anglica Zagrebensia, 41-42/1976 (paru en février 1979), pp. 421-435.

[6] L’auteur de ces lignes a déjà présenté, dans un livre antérieur, un choix de textes français qui se rapportent aux Slaves du Sud, voir : Mihajlo Pavlović, Od pogleda do Teksta - Du regard au Texte, édition bilingue, Belgrade, Narodna knjiga, 1983. (Note : Serbica)

[7] Portraits biographiques et critiques des hommes de la guerre d'Orient, Paris, Garnier frères, 1855. (Note : Serbica).

[8] Nouvelles rimes de cape et d'épée : sonnets poudrés et choses de guerre, Paris, Librairie Sandoz et Fischbacher. (Note : Serbica)

[9] Les Victoire serbes (La guerre balkano-turque), 1913 ; Brégalnitza (La guerre serbo-bulgare), 1914 ; L'Epopée serbe (Agonie d’un peuple), 1916 ; Avec l’Armée serbe, 1918. (Note : Serbica)

[10] Avant mais aussi après ce livre, Gauvin écrivait sur la Serbie et sur les Serbes. Ainsi, il en parlait dans son œuvre en 15 tomes Europe au jour le jour. Les origines de la guerre européenne (où il dénonçait des vrais responsables), dans ses articles de 1917 etc.



> Dossier spécial : Rapports culturels franco-serbes - I

 
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