SERBICA 
Serbica N 25 Serbie France  
 СЕРБИКА
                     Revue électronique
ISSN 2268-3445 N° 25 / mai 2019                

Serbica N 25 Serbie France

DOSSIER SPÉCIAL

RAPPORTS CULTURELS

FRANCO-SERBES

- I -

La France et la Serbie, dit-on, entretiennent une « alliance atypique », terme qui suggère une singularité des rapports entre deux pays, façonnés par l’Histoire mais aussi par d’autres facteurs moins perceptibles. Cette singularité, qui exprime à la fois la richesse et une certaine complexité des relations franco-serbes, attire naturellement l’attention des chercheurs qui lui ont déjà consacré nombre d'articles et d'études. Pourtant, ce vaste sujet n’est pas épuisé, loin s’en faut. Afin d’apporter sa contribution à une meilleure connaissance des rapports entre les deux pays, Serbica y consacrera deux numéros, celui-ci et le suivant, qui devraient éclairer certains points qui relèvent du domaine culturel, plus particulièrement littéraire. Il nous semblait utile, par ailleurs, d’inclure dans notre dossier également quelques articles déjà publiés mais, pour la plupart, difficiles d’accès voire inaccessibles aux lecteurs français.

Milivoj Srebro et l’Équipe de Serbica

♦ SOMMAIRE ♦

*


1.

APERÇU HISTORIQUE

Écrits français sur les Serbes et la Serbie :
du Moyen Age à la fin de la Grande Guerre

par Mihajlo Pavlović

Cent cinquante ans d’influence française sur la culture serbe
par Slobodan Vitanović

2.

LA SERBIE DANS LES ÉCRITS DES ROMANTIQUES FRANCAIS

Les romantiques français et la Serbie
par Nicolas Banachevitch

Alphonse de Lamartine : Voyage en Orient
Extraits

Lamartine prosateur : les textes sur la Serbie et les Serbes
par Jelena Novakovi
ć

La Serbie du XIXe siècle comme région de l’Orient lamartinien
par Dejan Ristić

« La Chute d'un Ange » et la poésie populaire serbe
par Nicolas Banašević

Pour la Serbie
par Victor Hugo

3.

« FRATERNITÉ D’ARMES »
ET LA MÉMOIRE DE LA GRANDE GUERRE

Les lieux de mémoire franco-serbe
par Catherine Horel

4.

RAPPORTS CULTURELS FRANCO-SERBES
A L’ÉPOQUE DE L’ENTRE-DEUX-GUERRES

Influence culturelle française dans le Royaume de Yougoslavie
par Ljubodrag Dimić

L’action culturelle française auprès des Serbes
au sein du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (1918–1929)
par Stanislav Sretenović

La littérature serbe dans la presse française
à l’époque de l’entre-deux-guerres

par Jelena Novaković

5.

LA RÉCEPTION DE LA LITTÉRATURE SERBE EN FRANCE
APRÈS 1945

par Milivoj Srebro

Sous le signe du "Nouvel esprit yougoslave"
(1945-1975)

Les années d'ouverture
(1975-1991)

Les années de contestation et d'affirmation
(1991-2000)

 Le destin d'une "petite littérature"

6.

IN MEMORIAM
Grozdana Olujić : 1934 -2019

La loi des séries…
par Alain Cappon

La Rivière des cieux et autres contes
par Grozdana Olujić

7.
La littérature serbe dans la revue « Quinzaines »
La présentation du dossier

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1. APERÇU HISTORIQUE

Écrits français sur les Serbes et la Serbie
Du Moyen Age à la fin de la Grande Guerre –
par Mihailo Pavlović

Lorsqu’on évoque les premiers contacts entre les Français et les Slaves du Sud et plus particulièrement les Serbes, on les situe avec raison à l’époque des Croisades. Ils coïncident avec les premiers témoignages écrits: les chroniques (en latin et en ancien français), la poésie épique, etc. […]

Ce fut déjà à l’époque de la première croisade (1096-1099) que se produisirent des rencontres importantes entre les seigneurs français et les souverains serbes, telle celle, amicale, de Scutari entre Raymond IV, comte de Toulouse, et le roi serbe Bodin, citée entre autres par Raymond d’Agils, l’un des chroniqueurs de l'expédition. A la même époque le nom des Serbes fut mentionné, mais déformé, dans les chansons de geste françaises : La chanson de Roland, Huon de Bordeaux et Aliscans. Toutefois, au Moyen Age et même ultérieurement (pendant deux siècles environ) les chroniqueurs et les divers émissaires (souvent les mêmes personnes) étaient en général les seuls à écrire sur les Serbes. Ainsi en 1331, un dominicain français, l’évêque de Bar Guillaume Adam, dans Directorium ad passagium faciendum ad Terram Sanctam parle de la Serbie, de sa richesse et de sa beauté, mais sans citer la dynastie régnante ni l’empereur Dušan alors au pouvoir. Ils sont, en revanche, mentionnés par Philippe de Mézières, membre d’une mission conduite par l’émissaire du pape, l’évêque de Périgord Pierre Thomas dont Mézières écrivit la biographie. Hélène d’Anjou, épouse du roi Uroš Ier œuvra beaucoup au rapprochement franco-serbe au XIVe siècle. On lui doit, entre autres, la pénétration de la culture française dans les arts en Serbie. […] > Texte intégral <

*

Cent cinquante ans d’influence française sur la culture serbe
par Slobodan Vitanović

L’objet de cette communication ayant trait, directement ou indirectement, à un grand nombre de faits généralement admis dans le domaine de la culture serbe, des sciences, de la littérature, de l'art et de la vie publique, à une époque qui s'étend sur un siècle et demi, ce texte, de par la nature des choses, ne peut être qu'une tentative de synthèse, une recherche du sens et de l'essence d'une conclusion donnée d'avance. Ces lignes, donc, n'ont pas pour but d'établir l'existence de l'influence, celle-ci étant reconnue, mais de la confirmer, d'y réfléchir en tentant de la systématiser et de la classifier.

D’emblée, on peut cependant s'interroger sur le concept même d'influence, rapport entre l'émetteur et le récepteur, entre ce qui à l'intérieur d'un phénomène est le fruit de ce que l’on reçoit d'une source étrangère et ce qui est le résultat d'une création autonome et spontanée. Sans entrer, bien sûr, dans une controverse théorique à propos du concept clé de cette communication, constatons seulement que dans chaque influence, ce n’est pas le fait en lui-même de recevoir qui est essentiel, mais plutôt la raison et la façon dont s’opère cette réception. Comme l'a dit André Gide, les influences ne créent rien en réalité, elles ne font que contribuer à l’expression de ce qui existe déjà de façon latente, au développement et à l'amplification de ce qui, sans cette influence, demeurerait parfois atrophié ou appauvri. La culture serbe ne s'est donc pas uniquement et largement ouverte à moment donné à l'influence française suite à un concours de circonstances favorables mais plutôt parce que dans l'effervescence de son développement, à partir des sources vivantes et fraîches de la tradition populaire de Vuk Karadžić vers une nouvelle urbanité, elle aspirait justement à ce que la culture française pouvait lui offrir et qu'elle ne trouvait plus ni dans l’héritage slavo-serbe ni dans l’influence germanique. En allant à la rencontre de la culture française, c'est en fait à la rencontre d'elle même que la culture serbe est allée, développant par-là même des potentialités essentielles de son être propre. […] > Texte intégral <

2. ♦ LA SERBIE DANS LES ÉCRITS DES ROMANTIQUES FRANCAIS
Les romantiques français et la Serbie
par Nicolas Banachevitch

En 1832, Lamartine s’embarqua à Marseille pour visiter le Proche-Orient. Le hasard fit qu’il s’en retourna en septembre 1833 par voie de terre, et traversa toute la péninsule balkanique, entrant en contact direct avec des peuples dont il ignorait auparavant peut-être jusqu’aux noms. Son Voyage en Orient, qui fut rédigé définitivement en 1834 et publié en 1835, marque une nouvelle étape dans l’évolution philosophique, religieuse et politique du poète. […] Les Notes sur la Servie, qui occupent une trentaine de pages de son livre, en témoignent également. Pourtant, ce chapitre du Voyage en Orient n’a pas été suffisamment étudié : il a été plus un prétexte aux effusions oratoires qu’un texte à étudier posément, et ses commentaires ont été plus sentimentaux que critiques.

On y chercherait en vain une documentation sûre et précise, malgré l’effort de l’auteur pour se renseigner et ensuite instruire ses lecteurs. Lamartine est avant tout poète, c’est-à-dire homme d’imagination qui transforme, embellit et invente au besoin. […]

Mais Lamartine n’est pas seulement un homme d’imagination, c’est aussi un homme généreux. Les passages qu’il consacre au peuple serbe, à ses coutumes, à la physionomie, à l’allure, au caractère des hommes et des femmes sont empreints d’une sympathie profonde. On en a détaché une phrase pour la graver dans le socle du petit monument qui lui a été élevé dans un parc de Belgrade. Elle mérite d’être citée : « J’aimerais à combattre avec ce peuple naissant pour la liberté féconde. » […]

Lamartine ne se contenta pas de donner un historique plus ou moins fidèle du pays qu’il venait de traverser à son retour des lieux saints ; dans ses notes, et à plusieurs reprises, il parla aussi de sa poésie qu’il connaissait d’ailleurs encore très imparfaitement. […] Il en choisit huit poèmes pour les insérer dans la nouvelle édition de son Voyage en Orient à la suite de ses Notes sur la Servie, et les accompagna d’une petite introduction. Mais, ce qui est plus important, il s’inspira de quelques chants serbes dans la Chute d’un ange, ce vaste poème tant commenté qui fut commencé en 1835 et publié en 1838. […] Texte intégral <

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Voyage en Orient (1832 -1833) 
Notes sur la Servie [Serbie]
par Alphonse de Lamartine

[La tour des crânes]

[…] A environ une lieue de la ville, je voyais une large tour blanche s'élever au milieu de la plaine, brillante comme du marbre de Paros ; le sentier m'y conduisait ; je m'en approchai, et, donnant mon cheval à tenir à un enfant turc qui m'accompagnait, je m'assis à l'ombre de la tour pour dormir un moment. A peine étais-je assis que, levant les yeux sur le monument qui me prêtait son ombre, je vis que ses murs, qui m'avaient paru bâtis de marbre ou de pierre blanche, étaient formés par des assises régulières de crânes humains. (…) J'étais si accablé de fatigue, de chaleur et de sommeil, que je m'endormis la tête appuyée contre ces murs de têtes coupées : en me réveillant, je me trouvai entouré de la caravane et d'un grand nombre de cavaliers turcs, venus de Nissa [Niš] pour nous escorter à notre entrée dans la ville ; ils me dirent que c'étaient les têtes des quinze mille Serviens [Serbes] tués par le pacha dans la dernière révolte de la Servie. Cette plaine avait été le champ de mort de ces généreux insurgés, et ce monument était leur sépulcre ; je saluai de l'œil et du cœur les restes de ces hommes héroïques, dont les têtes coupées sont devenues la borne de l'indépendance de leur patrie.

La Servie, où nous allions entrer, est maintenant libre, et c'est un chant de liberté et de gloire que le vent des montagnes faisait rendre à la tour des Serviens morts pour leur pays ! Bientôt ils posséderont Nissa même ; qu'ils laissent subsister ce monument ! Il apprendra à leurs enfants ce que vaut l'indépendance d'un peuple, en leur montrant à quel prix leurs pères l'ont payée. […]

Semlin [Zemun], 12 septembre [1933], au lazaret,

À peine sorti de ces forêts où germe un peuple neuf et libre, on regrette de ne pas le connaître plus à fond ; on aimerait à vivre et à combattre avec lui pour son indépendance naissante ; on recherche avec amour d'où il est éclos, et quelle destinée ses vertus et la Providence lui préparent. […]

L'histoire de ce peuple n'est écrite qu'en vers populaires, comme toutes les premières histoires des peuples héroïques. Ces chants de l'enthousiasme national, éclos sur le champ de bataille, répétés de rang en rang par les soldats, apportés dans les villages à la fin de la campagne, y sont conservés par la tradition. Le curé ou le maître d'école les écrivent ; des airs simples, mais vibrants comme le cœur des combattants ou comme la voix du père de famille qui salue de loin la fumée du toit de ses enfants, les accompagnent ; ils deviennent l'histoire populaire de la nation (…). Un peuple nourri de ce lait ne peut plus jamais redevenir esclave. […]

23 septembre 1833.

L'histoire de ce peuple devrait se chanter et non s'écrire. C'est un poème qui s'accomplit encore. […] Quand le voyageur se souvient de plus qu'il n'a reçu, en traversant ce peuple, que des marques de bienveillance et des saluts d'amitié, qu'aucune cabane ne lui a demandé le prix de son hospitalité ; qu'il a été accueilli partout comme un frère, consulté comme un sage, interrogé comme un oracle, et que ses paroles, recueillies par l'avide curiosité des popes ou des knevens, resteront, comme un germe de civilisation, dans les villages où il a passé : il ne peut s'empêcher de regarder pour la dernière fois avec amour les falaises boisées et les mosquées en ruine, aux dômes percés à jour, dont le large Danube le sépare, et de se dire en les perdant de vue : « J'aimerais à combattre avec ce peuple naissant pour la liberté féconde ! » […] Texte intégral <

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Lamartine prosateur : les textes sur la Serbie et les Serbes
par Jelena Novakovi
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[…] Comme déjà constaté à plusieurs reprises, les passages du Voyage en Orient où il est question de la Serbie et des Serbes ont été, et pour cause, l’objet d’un grand intérêt dans le milieu culturel serbe. Ils sont entrés dans des manuels de langue française, un fragment est écrit, en majuscules, sur le panneau du Musée de l’insurrection serbe à Belgrade, un autre sur la plaque commémorative au-dessus de la Tour des crânes près de Nich. Ils ont été souvent traduits et cités, et ils ont attiré l’attention des romanistes, des comparatistes et de tous ceux qui se sont penchés sur les relations franco-serbes. […]

La valeur des notes de Lamartine sur la Serbie et les Serbes réside moins dans leur aspect documentaire que dans son rapport personnel à l’objet de son écriture. Lamartine exprime une profonde sympathie pour ce pays où il n’a reçu “que des marques de bienveillance et des saluts d’amitié”…, et il admire le courage du peuple serbe et son espoir en un bel avenir. “Dans son voyage à travers l’Orient, il a rencontré nous autres les Serbes, il a admiré ce que nous avons fait en luttant pour la liberté, il s’est intéressé plus profondément à nous – et, par des paroles prophétiques, il a prévu notre destin”, dit Radoje L. Knežević.

Le voyage à travers la Serbie a inspiré Lamartine à formuler certaines idées qui ont une valeur humaine universelle et qui font de lui un écrivain tout à fait moderne, par exemple l’idée de multiculturalisme qu’il exprime dans Le Voyage en Orient, quand, quittant la Serbie, il constate que “ces hommes simples et droits”, qui l’ont “guidé, servi, gardé, soigné comme des frères feraient pour un frère”, lui ont prouvé, “pendant les innombrables vicissitudes de dix-huit mois de voyage en terre étrangère, que toutes les religions avaient leur divine morale, toutes les civilisations leur vertu, et tous les hommes le sentiment du juste, du bien et du beau, gravé en différents caractères dans leur cœur par la main de Dieu”. Cette constatation, on suppose qu’il l’a ajoutée après coup à ses notes, mais elle pourrait être mise en exergue d’un livre du XXIe siècle. […] > Texte intégral <

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La Serbie du XIXe siècle comme région de l’Orient lamartinien
par Dejan Ristić

[…] Comme ses nombreux prédécesseurs, diplomates et auteurs de récits de voyage, Lamartine était enchanté aussi par une forme archaïque de l’idéalisme, tourné vers la liberté, qu’il a remarquée surtout chez les Serbes, mais aussi chez les autres peuples balkaniques. […]

En s’appuyant sur l’idée de la mission civilisatrice de la France et sur la position culturelle supérieure que les Européens se sont attribuée, Lamartine, comme Chateaubriand, voyait dans les Balkans de son époque ses ancêtres célèbres du Moyen âge ou de l’Antiquité. La prose captivante et émouvante de Lamartine, son attitude face à la question d’Orient, et surtout la grande popularité de sa poésie, ont retourné résolument l’opinion publique en France contre la politique officielle de Paris, qui reposait sur la préservation de l’intégrité de l’Empire ottoman. En employant toutes les devises populaires de son temps, comme la liberté, la raison, la civilisation et le progrès, il est devenu le partisan le plus réputé de l’indépendance nationale des peuples balkaniques. […] > Texte intégral <

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« La Chute d'un Ange » et la poésie populaire serbe
par Nicolas Banašević

Aucune étude d'ensemble n’a encore été publiée sur La Chute d'un ange, et on a négligé de suivre une indication de Lamartine lui-même sur ses lectures. Pourtant, on aurait pu trouver des traces palpables de la poésie populaire serbe dans la trame même du poème français.

Du côté serbe, on a déjà remarqué, mais sans apporter la preuve irréfutable d'un emprunt direct, que Lamartine avait utilisé le motif d'un chant populaire très connu, Зидањe Скадра (Vuk, II, p. 25),  traduit dans le recueil de Voïart (I, p. 206) sous le titre La Fondation de Scadar. […] On est en mesure d'alléguer aujourd'hui un témoignage des plus autorisés et… de première main qui nous renseigne sur les rapports plus étendus encore entre La Chute d’un ange et la poésie populaire serbe. Chose on ne peut plus précieuse,  c'est le poète lui-même qui nous l'apporte. […]

L'indication de Lamartine, écrite en marge de son plan et reproduite entre parenthèses dans le texte publié, tout en restant révélatrice, n'est pas complète, et n'a pas éveillé une grande curiosité. L'auteur de La Chute d'un ange renvoie à un seul poème du recueil d'Elise Voïart, qui est intitulé Stojan Jankovitsch (il s'agit de Женидба Стојана Јанковића, Vuk, III, n° 21). […] Sans parler des développements purement poétiques dus au génie de Lamartine, l'aventure de Stojan Janković est, bien entendu, adaptée dans le poème français aux exigences d'un autre sujet et à une psychologie toute différente. Il va sans dire que l'orgue polyphonique de Lamartine a d'autres sons que la guzla monocorde du chanteur serbe. L'auteur de La Chute d'un ange a pourtant pu emprunter un ou deux procédés artistiques à cette poésie originale qu'il avait tant appréciée. […] > Texte intégral <

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Pour la Serbie
par Victor Hugo

Il devient nécessaire d’appeler l’attention des gouvernements européens sur un fait tellement petit, à ce qu’il paraît, que les gouvernements semblent ne point l’apercevoir. Ce fait, le voici : on assassine un peuple. Où ? En Europe. Ce fait a-t-il des témoins ? Un témoin, le monde entier. Les gouvernements le voient-ils ? Non.

Nommons les choses par leur nom. Tuer un homme au coin d’un bois qu’on appelle la forêt de Bondy ou la forêt Noire est un crime ; tuer un peuple au coin de cet autre bois qu’on appelle la diplomatie est un crime aussi. Plus grand. Voilà tout.

Est-ce que le crime diminue en raison de son énormité ? Hélas ! c’est en effet une vieille loi de l’histoire. Tuez six hommes, vous êtes Troppmann ; tuez-en six cent mille, vous êtes César. […]

Ce qui se passe en Serbie démontre la nécessité des États-Unis d’Europe. Qu’aux gouvernements désunis succèdent les peuples unis. Finissons-en avec les empires meurtriers. Muselons les fanatismes et les despotismes. Brisons les glaives valets des superstitions et les dogmes qui ont le sabre au poing. Plus de guerres, plus de massacres, plus de carnages ; libre pensée, libre échange ; fraternité. […] En un mot, les États-Unis d’Europe. C’est là le but, c’est là le port. Ceci n’était hier que la vérité ; grâce aux bourreaux de la Serbie, c’est aujourd’hui l’évidence. […] > Texte intégral <

3.  « FRATERNITÉ D’ARMES »
ET LA MÉMOIRE DE LA GRANDE GUERRE
  

Les lieux de mémoire franco-serbe
par Catherine Horel

[…] Peut-il y avoir des lieux de mémoire communs à deux pays (voire plus), dans lesquels chacun voit un souvenir partagé ? Quel est le message que l’on veut transmettre ? Qui sont les initiateurs de ces commémorations : les États, des groupes d’individus, des opposants aux régimes en place ? Dans le cas de la France et de la Serbie, ceci est évident pour la mémoire de la Première Guerre mondiale, mais les lieux qui l’évoquent sont différents : le cimetière et le mémorial à la France de Belgrade, et le monument aux rois Pierre et Alexandre à Paris. Dans les deux cas on célèbre l’alliance diplomatique et la fraternité d’armes. Ce sont des lieux institutionnalisés avec leurs dates et leurs rituels commémoratifs, plus ou moins valorisés selon l’alternance des régimes politiques. Le rythme des commémorations est ainsi devenu plus soutenu depuis quelque temps (commémoration en octobre 2009 de l’attentat de Marseille, dévoilement en mai 2009 de la plaque des combattants serbes dans la cour des Invalides).

Mais le déséquilibre est patent entre la représentativité de la France en Serbie et de la Serbie en France, cette dernière étant beaucoup plus discrète. Ce qui fait sens chez l’un ne le fait pas nécessairement chez l’autre. La France s’exalte en fait elle-même à travers ses alliés et a développé depuis longtemps une « diplomatie mémorielle », l’exemple le plus connu étant celui de l’aide apportée par Lafayette à la cause de l’indépendance américaine […] > Texte intégral <

Voir aussi notre dossier spécial
  >La Serbie dans la Grande Guerre <

4.   RAPPORTS CULTURELS FRANCO-SERBES
      A L’ÉPOQUE DE L’ENTRE-DEUX-GUERRES

Influence culturelle française dans le Royaume de Yougoslavie
par Ljubodrag Dimić

L'influence française sur la culture en Yougoslavie et la présence de la culture française dans la vie publique furent vécues pendant toute la période de l'entre-deux-guerres comme l'expression d'une amitié nouée pendant la guerre « dans l'âme des deux pays ». […]

C'est la Serbie qui a été particulièrement sensible à cette l'influence. L’esprit et la culture français qui avaient commencé à s'y répandre au cours du XIXe pour devenir dominants au début du XXe siècle furent en outre renforcés par les années d'alliance et de guerre. L'influence française s'exerçait dans la politique, la science, l'art, la culture, l'éducation. Elle formait les manières et les comportements dans les milieux urbains, arrivait par la mode et les nouveaux usages, se reflétait dans l'alimentation et la vie quotidienne. Le rôle que la France joua en Europe dans l'entre-deux-guerres, sa force, ses traditions, ses idées, sa culture attiraient les Serbes qui la considéraient, tel Michelet un siècle plus tôt, comme un « timonier au gouvernail de l'humanité ». […]

Dans les années trente, à notre avis, l'action culturelle et la propagande de la France avaient plusieurs caractéristiques fondamentales : le principal accent dans la pénétration de l'influence française culturelle dans le Royaume de Yougoslavie fut mis, comme dans la période précédente, sur les écoles et les universités ; l'action culturelle devait, sans aucune réserve, et dans chaque présentation, soutenir la Yougoslavie unie, intégrale et s'assurer ainsi l'appui du régime ; (…) dans sa présentation culturelle et sa propagande, la France pouvait compter sur le soutien de toute une armée d'anciens élèves serbes formés en France (environ 8 000) dont beaucoup occupaient des positions dirigeantes dans les structures du pouvoir et représentaient l'élite de la société du Royaume de Serbie ; la propagande culturelle avait pour but suprême la création des « relations sociales » qui allaient permettre une intégration totale et sans réserves des Balkans dans « l'orbite » française. […] > Texte intégral <

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L’Action culturelle française auprès des Serbes
au sein du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (1918–1929)

par Stanislav Sretenović

[…] En s’appuyant sur les actions culturelles et économiques et sur son image dans le nouveau Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, c’est bien un objectif politique que la France poursuivait : la constitu­tion d’une alliance puissante et fiable au sud-est européen. Pour la France, les Serbes étaient le noyau de cet État. L’influence culturelle française de­vait garantir l’application des traités de 1919–1920 par le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Il s’agissait de maintenir la « francophilie » chez les Serbes et de supplanter les traditions « germaniques » dans les anciennes régions austro-hongroises. En s’appuyant sur les liens noués entre l’armée française et l’armée serbe pendant la guerre, la France cherchait à éten­dre son influence au-delà de sa clientèle traditionnelle.

Mais, comment ancrer une culture française jacobine et laïque dans un régime monarchique qui devait fédérer des peuples fort éloignés les uns des autres et de la tradition politique française, pour ne pas dire étrangers à elle ? En s’appuyant sur les Serbes traditionnellement fran­cophiles, la France, ne risquait-t-elle pas d’être refusée par les Croates et les Slovènes où elle était presque inconnue ? Et inversement, dans sa volonté de pénétrer les régions ex-austro-hongroises, ne risquait-t-elle pas de s’éloigner des Serbes ? Telles sont les questions auxquelles nous essaierons de donner des réponses dans ce travail. […] > Texte intégral <

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La littérature serbe dans la presse française
à l’époque de l’entre-deux-guerres

par Jelena Novaković

[…] Dans notre recherche, centrée sur la période de l’entre-deux-guerres, nous essayons moins d’englober tous les textes qui ont paru dans ladite période, ce qui demanderait une étude qui dépasse les dimensions d’un article, que de montrer ce qui caractérise la réception de la littérature serbe en France après la Première Guerre mondiale et ce qui détermine l’horizon d’attente du public français.

Au cours de cette guerre, la presse française exprime de la sympathie pour le peuple serbe et l’intérêt pour la problématique qui le concerne augmente, ce qui se manifeste aussi dans les textes sur la littérature serbe. Elle fait l’objet d’études des linguistes et des littérateurs français, tels que Philéas Lebesgue, poète, romancier, essayiste, traducteur et critique littéraire ou André Vaillant, linguiste, philologue et grammairien français de renom, spécialiste en slavistique, auteur d’une Grammaire comparée des langues slaves et d’un Manuel de vieux-slave. Elle fait aussi l’objet d’études de romanistes et de comparatistes serbes qui soutiennent et publient en France leurs thèses de doctorat, mais qui publient aussi une suite d’articles sur la littérature serbe, tels Pavle Popović, Miodrag Ibrovac, Nikola Banašević. […]. On peut ranger ces textes dans plusieurs catégories : études générales, articles sur les chants populaires serbes, articles sur les auteurs serbes et yougoslaves, études comparées, comptes rendus des publications sur la littérature serbe ou yougoslave et chroniques de la vie littéraire et culturelle en Serbie et en Yougoslavie. […] Texte intégral <

5.  LA RÉCEPTION DE LA LITTÉRATURE SERBE EN FRANCE APRÈS 1945 
par Milivoj Srebro

I. La France : défi et miroir

Conscients d’appartenir à une littérature considérée à l’étranger, à tort ou à raison, comme « petite » ou « mineure », les hommes de lettres serbes sont conscients aussi du fait que – pour évaluer de façon objective la situation de leur littérature, le degré de son évolution et la portée de ses valeurs intrinsèques reconnues dans leur propre pays – ils doivent sortir du contexte national et affronter le regard des autres, et avant tout le regard des « grands », de ceux qui, sur l’échelle internationale, déterminent les critères de valeurs, inaugurent ou promeuvent les nouvelles écoles et dictent les styles et les modes. A cet égard, la France représente à leur yeux, aujourd’hui comme hier, un défi et un miroir. Un défi qu’il faut relever sans relâche pour tenter de sortir dans le « grand » monde. Et un miroir qui pourrait, certes, refléter une fausse image mais qui reste, pourtant, le réel indicateur de la place d’un écrivain ou d’une littérature sur la scène internationale. […] Texte intégral <

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II. Sous le signe du « nouvel esprit yougoslave » et du prix Nobel :
1945-1975

Durant les trois premières décennies qui suivirent la guerre, la littérature serbe évolue dans un contexte historico-politique et socio-culturel marqué par l’omniprésence du pouvoir communiste et de l’idéologie titiste. Sa réception en France sera, elle aussi marquée par ce contexte et, en particulier, par l’image que Tito et la Yougoslavie socialiste se sont faite en Occident en général. 

Les années 1945-1955 n’ont pas été très fructueuses : les traductions de textes courts dans les périodiques, poèmes et nouvelles de préférence, se font au compte-gouttes ; quant à celles des livres, n’en parlons pas ! Au cours de cette première décennie d’après-guerre, une seule œuvre a été publiée… Un bilan des plus modestes pour une littérature en plein essor créatif qui était, de surcroît, en train de régler ses comptes avec le jdanovisme imposé.

Les années 60 commencent, en revanche, sous un signe heureux : l’attribution du Prix Nobel en 1961 à Ivo Andrić qui a eu un écho positif en France où l’on commence alors à regarder d’un autre œil non seulement l’écrivain récompensé mais aussi d’autres prosateurs contemporains yougoslaves. Ainsi, à côté des nouvelles traductions d’Ivo Andrić, plusieurs romans d’auteurs serbes (ceux de Grozdana Olujić, Branko V. Radičević, Mladen Oljača et Mihailo Lalić) ont été publiés en français durant cette période. A cette liste il faut ajouter surtout les cinq livres de Miodrag Bulatović que la critique française traitait tantôt d’imposteur tantôt de génie. […] Texte intégral <

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III. Les années d’ouverture :
1975-1991

Après l’accueil prometteur réservé d’abord aux œuvres d’Andrić et, un peu plus tard, à celles de Bulatović, la critique a presque complètement détourné son regard des rares écrivains serbes traduits en français. Heureusement, ce mur d’indifférence, ne persistera pas trop longtemps. Surprise et enthousiasmée par les qualités esthétiques des quelques livres traduits du « serbo-croate », la critique commence, dans la deuxième moitié des années 70, à porter un nouveau regard sur les auteurs venant de Yougoslavie. En même temps, plusieurs critiques, emportés par un nouvel élan, tentent d’encourager les éditeurs et les traducteurs à s’intéresser davantage à cette littérature jusqu’alors mal connue en France. Quatre écrivains sont « découverts » ou « redécouverts » à cette époque : les romanciers Branimir Šćepanović et Meša Selimović, le nouvelliste Ivo Andrić et le poète Dušan Matić. Mais, malgré l’important regain d’intérêt qu’elle a suscité, la littérature serbe reste toujours en l’arrière-plan sur la scène littéraire française.

Durant les années quatre-vingt, ce sont les éditeurs qui se réveillent à leur tour en accordant plus de confiance aux écrivains déjà découverts et, surtout, en ouvrant la porte à de nouveaux talents. Quant à la critique, elle reste ouverte pour accueillir les meilleurs livres des meilleurs auteurs, mais sans faire un effort supplémentaire pour prêter l’oreille à toutes les voix qui méritaient d’être entendues. Plus précisément, elle concentre son attention sur les livres maîtres du « grand quatuor » : sur les chefs-d’œuvre de Danilo Kiš, Aleksandar Tišma, Miloš Crnjanski et Milorad Pavić. Et si l’on admet qu’elle a su distinguer et mettre en valeur les œuvres les plus importantes traduites durant cette période, force est de constater qu’elle a opéré une sélection par trop rigoureuse, et qu’elle n’a pas pleinement profité de ce nouvel élan touchant les éditeurs. […] Texte intégral <

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IV. Les années de contestation et d’affirmation :
1991-2000

Le déclenchement de la guerre civile en ex-Yougoslavie marque un changement sans précédent dans la perception de la littérature serbe en France, en imposant de nouveaux critères de lecture. Les premiers à réagir à une nouvelle demande du public ont été les éditeurs et les traducteurs qui redoublèrent alors d’activité. La critique a réagi, elle aussi, immédiatement et à sa manière. Bouleversés par la violence et les aspects irrationnels d’un drame fratricide, les critiques ont naturellement donné la priorité aux écrivains qui, à leurs yeux, auraient pu aider le public à comprendre « l’incompréhensible », tels que Dobrica Ćosić, Mirko Kovač, Vuk Drašković, Vidosav Stevanović, ou encore Ivo Andrić, Ljubomir Simović et Bora Ćosić. Mais ce faisant, ils ont abandonné, d’une part, la position de neutralité relative et, d’autre part, les critères esthétiques tout en privilégiant les livres qui étaient liés, d’une façon ou d’une autre, à l’actualité yougoslave. Faut-il souligner que cette attitude, ignorant souvent les qualités esthétiques d’une œuvre, a conduit inexorablement à une image quelque peu déformée de la littérature serbe, et poussé parfois certains commentateurs à une lecture réductrice et même à une interprétation abusive.

Pour compléter la vision d’ensemble de cette période agitée, il faut dire que l’engouement des éditeurs, suscité par la forte médiatisation des conflits en ex-Yougoslavie, ne s’est pas heureusement estompé avec la fin de la guerre civile. Afin de répondre à la curiosité d’un lectorat fraîchement conquis, les éditeurs ont continué, avec le même dynamisme, à publier des auteurs serbes, ceux déjà présentés au public français mais aussi d’autres, jusqu’alors complètement inconnus. Citons, entre autres, Ivo Andrić, Vidosav Stevanović, Slobodan Selenić, Vladimir Arsenijević, Svetlana Velmar-Janković, David Albahari, Goran Petrović. […] Texte intégral <

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V. Le destin d’une « petite » littérature

La présence de la littérature serbe en France depuis 1945 se présente comme, métaphoriquement parlant, un parcours en dents de scie, parcours où alternent de longues périodes de « sécheresse » avec des périodes, beaucoup plus courtes, de fécondité où l’on découvre avec enthousiasme un livre « étonnant » ou un écrivain « hors du commun » appartenant à cette littérature, pour les oublier complètement jusqu’à une nouvelle « découverte ». Il suffit à ce propos d’observer le comportement volatile de la critique française à l’égard de la littérature serbe. S’il est vrai qu’elle commence à lui accorder de plus en plus d’attention après 1975, il est tout aussi évident que cette attention ne prendra jamais – même durant les années 90 – la forme d’un intérêt permanent. Évidemment, la littérature serbe n’est plus pour les critiques français, comme jadis, une rareté exotique, mais ils la traitent de façon accessoire, en adoptant à son égard l’attitude d’observateurs curieux qui réagissent seulement occasionnellement. C’est le destin d’une « petite littérature » en France comme partout ailleurs dans « le grand monde » : malgré des œuvres authentiques et passionnantes qu’elle produit et qui, aux yeux des critiques étrangers, constituent à chaque fois une surprise, elle reste pour ces derniers toujours « mineure ». Et l’intérêt qu’on lui réserve, malgré de fortes manifestations d’enthousiasme ponctuel, reste plus ou moins aléatoire. […] Texte intégral <

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Voir aussi : Etudes de cas

♦ Ivo Andrć
"Le couronnement" à Stockholm et son écho en France

Milorad Pavić
Le dictionnaire khazar vu par la critique française

 Miodrag Bulatović
Génie ou imposteur ?

Branimir Šćepanović
Les lumières et les ombres d’un chef d’œuvre

6. ♦ IN MEMORIAM
Grozdana Olujić : 1934-2019
La loi des séries…
par Alain Cappon

En toute personne publique coexistent deux êtres : celui, public, connu pour son œuvre, artistique ou autre, et celui, secret, qui s’expose peu ou pas. J’ai eu la chance et le bonheur de connaître les deux Grozdana Olujić en parallèle, la femme qu’elle était, et la femme de lettres. […]

Grozdana Olujić, femme de lettres, est certes beaucoup plus connue, quoique… N’ont paru en France que trois de ses livres, dont deux dans ma traduction, ce dont je m’honore : La Violette africaine, bien sûr, et Des voix dans le vent, roman-saga qui se vit décerner à Belgrade en 2009 le prestigieux prix NIN, le Goncourt serbe. Mais il ne faut surtout pas oublier le premier roman qu’elle fit paraître en 1958, à l’âge de 24 ans, Excursion dans le ciel. Bien que publié en Yougoslavie dans une version expurgée (censurée ?), ce livre qui raconte les interrogations et le mal-être d’une jeune fille connut un énorme succès de librairie avant d’être transposé au théâtre, adapté au cinéma, et, surtout, traduit dans de nombreux pays dont la France où les thèmes développés et leur traitement valurent à leur auteur le qualificatif de « Françoise Sagan yougoslave ». […] Texte intégral <

A lire :
>
La Rivière des cieux et autres contes <
par Grozdana Olujić
traduit par Alain Cappon

7. La littérature serbe dans la revue « Quinzaines »
Quinzaine 1213

La revue « Quinzaines » (l’ex-Quinzaine littéraire) a consacré un dossier spécial à la littérature serbe dont les auteurs sont : Alain Cappon, Velimir Mladenović et Milivoj Srebro (N° 1213, du 16 avril au 15 mai 2019).

Voir :
> la présentation du dossier <

https://www.nouvelle-quinzaine-litteraire.fr/mode-lecture/sommaire-1233
Revue éditée avec le soutien de :

Université Bordeaux Montaigne
MSHA
EA 4593 CLARE
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