Camblak, Grégoire [Grigorije] (vers 1360/64-1419/20)

Homme d’une culture remarquable, cosmopolite et érudit, il a enrichi la littérature bulgare par, notamment, le panégyrique du patriarche bulgare Euthyme dont il fut le disciple, la littérature roumaine par le martyrologe de Saint Jean le Nouveau de Belgrade (Cetatea Alba) et russe, par le panégyrique de son oncle Cyprien Camblak, métropolite de Moscou). Ses œuvres majeures, écrites entre 1402 et 1406, font partie de la littérature serbe. Ce sont, en premier lieu, l’hagiographie du roi de Serbie Stefan Uroš III, surnommé Dečanski (1321-1331), l’acolouthie qui lui est consacrée et, en 1404/5, l’épilogue à La Vie de Sainte Parascève, concernant la translation de ses reliques, de Vidin (Bulgarie) en Serbie (1398) ; ainsi que les éloges de St. Démetrius, du patriarche Euthyme de Tărnovo, de St. Stefan le Premier martyre et d’autres textes laudatifs.

L’œuvre principale de Camblak en Serbie est sans conteste La Vie de Stefan Dečanski, hagiographie dynastique la plus lue après La Vie de Saint Sava écrite par Teodosije de Chilandar, ce dont témoignent le grand nombre de copies conservées en Serbie et dans les autres pays. Rédigée en 1403/4, cette vita est une hagio-biographie tardive de ce roi canonisé près de soixante-dix ans plus tôt. Très différente et parfois en contradiction avec la première vie de ce roi écrite par le continuateur anonyme de Danilo II, cette hagiographie a néanmoins une portée idéologique significative. Il s’agit de l’analogie cultuelle établie entre le roi Stefan Dečanski et le prince Lazar, tous les deux canonisés comme martyrs, qui devait aider à rétablir la continuité de la légitimité dynastique singulièrement attachée à la Sainte lignée némanide. Par ailleurs, dans l’image que Camblak donne de la Serbie du début du XIV^e siècle, il faut voir davantage un reflet de la période trouble où vécut l’auteur – celle  de la guerre civile entre le despote Stefan Lazarević et les frères Djuradj et Grgur Branković – que la reconstitution historique d’un temps déjà lointain.

L’œuvre de Camblak, créée au début d’un nouveau siècle, appartient à une nouvelle époque historique qui sera celle de la fin de la civilisation médiévale orthodoxe dans les Balkans. Elle marque en même temps la fin d’une époque littéraire, celle des hagiographies royales classiques en Serbie.

♦ Bibliographie. J. Šafarik (éd.), « Žitije Stefana Uroša III - od Grigorija Mniha » (Vie de Stefan Uroš III de Grégoire le Moine), Glasnik DSS, 11 (1859), p. 35-94 ; V. Jagić, Historija književnosti naroda hrvatskoga i srpskoga (Histoire de la littérature du peuple croate et serbe), Zagreb, 1867, p. 189-190 ; V. S. Kiselkov, Mitropolit Grigorij Camblak, Sofia, 1946 ; E. Kalužniacki, Werke des patriarchen von Bulgarien Euthymius (1375-1393), Vienne, 1901 (Variorum reprints, Londres 1971) ; E. Turdeanu, “Grégoire Camblak : faux arguments d'une biographie”, Revue des études slaves, XXII (1946), p. 46-81; E. Turdeanu, La littérature bulgare du XIVe siècle et sa diffusion dans les pays roumains, Paris, 1947, p. 149-155 ; Dj. Sp. Radojičić, Tvorci i dela stare srpske književnosti (Auteurs et œuvres de la littérature serbe ancienne), Titograd, 1963, p. 175-182; Id., “O Grigoriju Camblaku” (Sur Grégoire Camblak), Glasnik SAN, I (1949), p. 172-175 ; P. Rusev, “Grigorij Camblak - bolgarskij, serbskij, rumynskij i russkij pisatel´” (Grégoire Camblak – écrivain bulgare, serbe, roumain et russe), Actes du Premier Congrès International des Etudes Balkaniques et Sud-Est Européennes VII, Sofia, 1971, p. 323-337 ; P. Nasturel, “Une prétendue œuvre de Grégoire Tzamblak: “Le Martyre de saint Jean le Nouveau»”, in Actes du Premier Congrès International des Etudes Balkaniques et Sud-Est Européennes VII, Sofia, 1971, p. 345-351 ; M. I. Mulić, “Jevtimije Trnovski i uloga njegove škole u stvaranju stila « pletenija sloves » u srpskoj i ruskoj književnosti”, Zbornik za slavistiku, 3 (1972), p. 99-114 ; J. K. Begunov, “Gradja za bibliografiju radova o Grigoriju Camblaku” (Éléments pour la bibliographie des travaux sur Grégoire Camblak), Književna istorija 24 (1974), p. 771-792 ; D. Petrović, “Grigorije Camblak i Dečani” (Grégoire Camblak et Dečani), in Dečani et l'art byzantin au milieu du XIVe siècle, Belgrade, 1989, p. 399-406 ; Radmila Marinković, “O mestu Grigorija Camblaka u srpskoj književnosti” [Sur la place de Grégoire Camblak dans la littérature serbe], in Tărnovska knižovna škola 1371-1971, Sofia, 1974, p. 443-457 ; D. Petrović, Književni rad Gligorija Camblaka u Srbiji (Les travaux de Grégoire Camblak en Serbie), Priština, 1991, p. 13-32 ; J. K. Begunov, « Grigorij Camblak i balkanskaja istorija », in Pametnici, poetika, istoriografija, Veliko Tărnovo, 1994, p. 141-146 ; B. I. Bojović : L’idéologie monarchique dans les hagio-biographies dynastiques du Moyen Age serbe, Pontificio instituto orientale, (Orientalia christiana analecta, 248), Roma, 1995, p ; 192-194 ; F. J. Thomson, Gregoire Tsamblak. The Man and the Myths, in Slav. Gand 25/2 (1998), 5-149 ; G. Podskalsky, Theologichte Literatur des Mittelalters in Bulgarien und Serbien 865-1459, Munich, 2000, p. 198-205, 329-342 ; B. I. Bojović, Histoire et eschatologie / Uсторијаиесхатологија, De l’histoire et de la littérature du Moyen Age sud-slave / Изисторијеикњижевностијужнословенскогсредњегвека, Paris-Vrnjačka Banja, 2008, p. 328-330 ; B. I. Bojović, « Hagiographie et littérature sud-slave (XIIIe-XVIIe siècles) », Crkvene studije, 5 (2008), p. 177-180.

Boško I. Bojović