LE LIVRE DU MOIS : juin 2012 |
Éditions Venus d'ailleurs
Collection Pallas Hôtel Nîmes, mai 2012
A lire : Dossier spécial :
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Milorad Pavić LES MIROIRS EMPOISONNÉS Traduit du serbe par Maria Bejanovska Présentation de l'éditeur : Venus d'alleurs Les miroirs empoisonnés présente un choix de cinq nouvelles de Milorad Pavić opéré à partir d’un ensemble publié en 1979 puis traduit du serbe en langue française en 1991 par Maria Bejanovska pour les éditions Belfond, sous le titre Le lévrier russe (le livre reprend également la postface intégrée à cette édition française, où l’auteur apportait un bref éclairage sur la composition de ses récits et sa conception de l’écriture). Les textes contenus dans Le lévrier russe, outre leur indéniable qualité, exercent un charme particulier sur le lecteur qui n’est pas aisément explicable – à quoi bon d’ailleurs l’expliquer, puisque cette relation au lecteur aura toujours été un sujet de réflexion essentiel de l’auteur, par l’utilisation de formes narratives dont il s’explique lui-même ? Fût-elle partielle, une réédition s’imposa rapidement, destinée à remettre en lumière les éléments d’une œuvre littéraire qui, depuis deux décennies, a été rejetée dans l’ombre. En effet, malgré l’attention dont ils avaient bénéficié en France* et l’intérêt qu’ils continuent de susciter, les livres de Pavić sont devenus pour la plupart indisponibles, alors même que nous sommes encore loin d’en connaître l’intégralité. Offrir un nouvel accès à ces œuvres, contribuer à leur imprimer un nouvel élan, voilà qui recouvre donc une mission estimée d’importance, bien que modeste, celle-ci restant conditionnée à la faible mesure de nos moyens. Si, comme on le dit, les livres une fois écrits n’appartiennent plus à leur auteur, il arrive que celui-ci soit néanmoins soumis aux événements de l’histoire. Pavić avoue avoir payé pour cela une chère redevance. Certes, toute œuvre – ne serait-ce que par sa propre langue – porte l’empreinte d’un temps, d’un espace géographique précis, mais ce qui nous intéresse ici, bien au-delà des querelles obscures qui agitèrent différents peuples et opposèrent différentes communautés, c’est d’offrir au public la possibilité de redécouvrir un auteur qui a fait de cette mosaïque, de ce croisement des civilisations dont il connaissait toute la richesse, une vraie valeur d’échange. Les éditions Venus d’ailleurs, petite structure éditoriale indépendante, en inscrivant ce livre à son catalogue de publications, entendent marquer leur attachement à une littérature qui se joue librement des frontières tracées entre le temps et l’espace, qu’elle soit le fait d’une pensée perçue comme « magique », celle d’un état révélateur de « correspondances », ou le lieu de « jongleries », qui mettent le jeu en l’être et l’être en jeu, comme pour fonder une néo-logistique qui bifferait du vocabulaire l’étranger au plus curieux bénéfice de l’« étrangeux ». La collection Pallas Hôtel, créée en 2010, offre trois « portes », qui sont en fait trois voies fonctionnant en accord avec les couleurs primaires : M pour Magenta, C pour Cyan et J pour Jaune. Par la nature des échos qu’il fait résonner en nous, et comme son prénom y prédisposait, Milorad emprunte la porte M, qui est donc celle de la Magie, de l’illusion. En souhaitant que ce point de passage permette d’ouvrir d’autres issues… Ici même et ailleurs, au croisement de mondes encore inconnus, tels que Milorad Pavić se serait plu de les imaginer.
Rémy Leboissetier
* Félicitons au passage l’éditeur Pierre Belfond qui, en son temps, à la suite de l’immense succès du Dictionnaire khazar de Milorad Pavić, a permis de publier au total six livres de l’auteur en langue française, de 1988 à 1995. |
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