LE LIVRE DU MOIS : novembre 2013 |
Sebastian Press - Los Angeles, Vidoslov - Trebinje, Metokhia - Paris, 2013
> Lettre de France <
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Jovan Dučić POÈMES / ПЕСМЕ Édition bilingue Traduit du serbe par Petar D. Bubreško Même s’il était passionnément attaché à la France et à sa culture – et cela au point de leur faire des éloges qui frisent l’idolâtrie – Jovan Dučić (1874-1943), l’élève surdoué des symbolistes français, est resté mal connu dans l’Hexagone. Pour réparer cette « injustice », et à l’occasion de soixante-dixième anniversaire de la mort du poète, trois éditeurs – installés aux Etats-Unis, en République serbe et en France, le fait qui est symboliquement lié à la biographie de l’auteur – ont réuni leurs efforts pour faire mieux connaitre au public français celui que les Serbes appellent affectueusement « le knez (prince) des poètes ». Le présent volume publié en version bilingue (serbe / français), intitulé tout simplement Poèmes / Песме, présente un choix exhaustif des poésies de Dučić, extraites pour la plupart des recueils suivants : Песме сунца [Poèmes solaires], Песме љубави и смрти [Poèmes de l’amour et de la mort] et Царски сонети [Sonnets impériaux]. C'est un choix dans lequel se reflète à la fois l’évolution artistique de l’auteur, son cheminement intérieur, et toute la splendeur de sa riche et abondante œuvre poétique. Enfin, comme le soulignent les éditeurs, il n’est pas sans importance de noter que « l’élégance du style raffiné » de Dučić ainsi que « la puissance expressive de ses évocations lyriques » – marques distinctives de ce poète – sont « parfaitement restituées » dans la traduction de Petar D. Bubreško qui fut également un fin connaisseur de l’œuvre littéraire du « prince des poètes ». Extraits à lire : |
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Biographie de Jovan Dučić Jovan Dučić est né le 5 février 1874 à Trebinje, dans une ancienne et respectable famille d’Herzégovine, dont les racines remontent au Moyen Age. Le père de Dučić, Andrija, était commerçant. Blessé lors d’une insurrection serbe contre les Turcs, il mourut en 1878 à Dubrovnik. La mère de Jovan s’appelait Jovanka Sušić. Devenue veuve encore jeune, elle éleva ses enfants dans des conditions très difficiles. |
Dučić et les Français [...] La même année où il commence ses études en Suisse, Dučić fait connaissance avec Paris, la capitale culturelle de l’Europe, le phare spirituel de la planète. Je suis venu pour la première fois à Paris le 31 décembre 1899, soit le dernier jour du XIXe siècle. La rencontre provoquera un bouleversement aux conséquences durables et profondes. [...] Le XIXe siècle finissant, les dernières lueurs des poétiques parnassienne et symboliste, la joie de vivre et la chaleur domestique de la Belle Époque, semblent avoir fourni une ambiance propice au poète de l’amour et de la nature qui, tout en posant les questions les plus graves, ne se prive pas d’en jouer. L’influence de l’atmosphère de cette fin de siècle et des poétiques régnantes n’agit pas sur le poète mécaniquement, du dehors. Le jeune homme de vingt-huit ans y était prédisposé d’instinct et comme préparé à y adhérer. Ce fut une heureuse rencontre, une compréhension mutuelle pour ainsi dire. On a beaucoup insisté chez nous sur les influences littéraires dont Dučić aurait été tributaire, avec force exagérations et sans véritable connaissance du sujet. J’ai, à l’occasion de ce papier, relu intégralement la poésie de Sully Prudhomme, Albert Samain, Catulle Mendès, Heredia et Henri de Régnier. Notre poète rappelle par certains côtés chacun d’eux et aucun de façon déterminante. Chez l’un, il a peut-être vu comment on fait revivre les événements et les hommes d’époques révolues, comment actualiser les lieux de mémoire, ce qui l’aidera dans la composition de ses poèmes ragusains ; chez l’autre, appris l’art de raisonner les peines de cœur ; un troisième l’aurait encouragé à développer ses propres tendances à l’humour et à la satire ; et tous l’ont confirmé dans le culte d’un orgueil spirituel sans compromission et la préservation de l’autonomie d’un art poétique trouvant en lui-même sa justification et son but ultime. [...] |
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