Lazarević, Laza (1851-1891)

 

Lazarevic Laza


 
 
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Laza Lazarević est le plus grand des conteurs réalistes serbes. Avec les neuf nouvelles, qu’il a pu finaliser durant sa courte vie, il fait partie des prosateurs majeurs de la littérature serbe.

Né dans une famille de commerçants à Šabac où il commença sa scolarisation, Lazarević fut hébergé à Belgrade par son beau-frère, l’écrivain Milorad Šapčanin, et y poursuivit ses études, d’abord au lycée puis à la faculté de droit de la Grande école. Boursier d’Etat, il partit ensuite en Allemagne, à Berlin, pour y étudier la médicine et suivre les cours des plus grands scientifiques de cette époque (Virchow, Helmholtz) avant de soutenir sa thèse de doctorat en 1879. Au temps de ses études à Belgrade, Lazarević était sympathisant du socialiste Svetozar Marković mais, lors de la scission de l’Union de la jeunesse serbe en libéraux traditionnalistes et en socialistes adeptes de Marković, il prit le parti des premiers, ce que la critique progressiste (Jovan Skerlić, Djordje Jovanović) ne lui a jamais pardonné.

Sa première nouvelle « Zvona s crkve u N. » [Les clochers de l’église de N.] (titre ultérieur : « Prvi put s ocem na jutrenje » [La première fois à matines avec mon père]) fut publiée dans la revue viennoise Srpska zora [L’Aube serbe] en 1879. Dans les années qui suivirent, il en publia cinq autres. Après 1882 il y a eu une rupture plus longue dans son travail d’écrivain, au moment où il se consacrait davantage à la médicine qu’à la littérature : Lazarević était l’un des médecins les plus renommés de la Serbie de son époque et l’auteur de nombreux travaux scientifiques dans le domaine de la médecine. Vers la fin de sa vie, il publia encore deux nouvelles : « Vetar » [Le vent] en 1889 et « On zna sve » [Il sait tout] en 1890. Dans ses archives posthumes, on devait trouver également une nouvelle achevée « Švabica » [L’Allemande] et un grand nombre de nouvelles en cours d’écriture qui indiquent une possible évolution de ce conteur disparu prématurément.

Laza Lazarević est un prosateur d’un profil différent de celui de Milovan Glišić, le fondateur de la nouvelle dite rustique. Dans sa prose, il n’y a pas de critique, propre à l’idéologie de Marković, du régime bureaucratique ni de l’enrichissement des usuriers si caractéristique des nouvelles de Glišić. Pourtant, on trouve chez lui une autre composante, non moins importante, de l’idéologie de Marković : l’idéalisation des valeurs de l’ancien monde patriarcal. Ainsi, dans la famille traditionnelle et dans la communauté familiale, ladite zadruga, Lazarević voit une union idéale, harmonieuse, dans laquelle chaque individu peut trouver sa sécurité et sa protection. Toutes les difficultés nées des tentations pécheresses de la nature humaine ou des attitudes individuelles qui ne se conforment pas aux normes de la morale collective, sont résolues facilement au sein de cette cellule familiale. Chaque brebis égarée a son propre berger qui le retrouvera et le ramènera à son troupeau. La morale collective et le sentiment familial de fraternité et de solidarité représentent les valeurs fondamentales qui règnent dans une telle communauté patriarcale.

Lazarević était conscient que la nouvelle époque avait ébranlé ces valeurs fondamentales. Cependant, à la différence de Glišić, il ne montrait pas les aspects sociaux mais plutôt moraux et individuels de la crise qui se dessinait. Le porteur de l’esprit de cette nouvel époque n’est chez lui ni « l’usurier-sangsue » ni le notaire corrompu, mais l’intellectuel. D’ailleurs, ses nouvelles sur les intellectuels (« Verter » [Werther], « Le vent » et « l’Allemande » succèdent aux idylles vécues à la campagne et dans les bourgades : « La première fois à matines avec mon père », « Na bunaru » [Au puits], « U dobri čas hajduci » [A la bonne heure, les haïdouks], « Il sait tout »). Entre ces deux ensembles jette un pont la nouvelle « Školska ikona [L’icône d’école], une histoire à la fois sur le calme idyllique qui règne à la campagne patriarcale et sur les troubles intérieurs de l’époque moderne dont souffrent les gens éduqués.

Le personnage de l’intellectuel, d’ordinaire scolarisé à l’étranger (ce qui fut le cas de Lazarević), enclin aux rêveries sentimentales et au coup de foudre, est déchiré entre une aspiration à la liberté individuelle et le respect des règles strictes de la morale patriarcale. Les conflits se résolvent de la même manière que dans les idylles, par le retour du personnage « dévergondé » au sein de sa communauté patriarcale, mais avec des conséquences tout à fait différentes sur son destin : le sacrifice de la liberté personnelle n’apporte ni sérénité ni bonheur, mais plutôt le vide et la désespérance. La glorification de l’ancienne morale se transforme en révolte discrète contre les contraintes que la morale ancienne imposait à l’individu.

La nouvelle « Sve će to narod pozlatiti » [Le peuple t’en récompensera] occupe une place à part dans l’opus de Lazarević. L’action est transposée du passé dans le présent. Les gens sont ici, comme toujours chez lui, des personnes bienveillantes et humaines, et pourtant tout est différent. Les communautés qui s’occupaient autrefois de chaque individu ont disparu. L’homme grièvement blessé dans la guerre cherche en vain sa place dans la société et se voit laissé, abandonné à la merci du monde qui l’entoure.

Qu’il écrive sur des époques anciennes ou modernes, sur des gens simples ou des intellectuels, Lazarević est avant tout un moraliste. L’idéalisation de la société ancienne et la critique de la nouvelle société se manifestent chez lui exclusivement au niveau éthique. Cette attitude est souvent exprimée explicitement et, même, de façon tendancieuse, notamment à la fin de certaines nouvelles qui ressemble parfois aux moralités classiques. D’où l’accusation qu’ont portée certains critiques à Lazarević d’être un moralisateur superficiel. Pourtant, sa capacité de révéler les états psychologiques et les drames intimes de ses personnages, sa force poétique pour dépeindre les différentes atmosphères, et le grand soin qu’il prenait dans l’expression et dans la composition de ses récits prouvent le contraire.

Laza Lazarević est le fondateur de la nouvelle psychologique et l’un des meilleurs stylistes dans l’histoire de la prose serbe.

 Etudes et articles en serbe.Jovan Skerlić, « Laza K. Lazarević », in Istorija nove srpske književnosti [Histoire de la nouvelle littérature serbe] (1914), Belgrade, 1967, p. 371-377 ; Velibor Gligorić, « Laza K. Lazarević », in Srpski realisti [Les Réalistes serbes], Belgrade, 1954, p. 141-179 ; Milan Kašanin, « Svetlost u pripoveci » [La lumière dans le conte], in Sudbine i ljudi [Les Destins et les hommes], Belgrade, 1968, p. 142-171 ; Dragiša Živković, « Nenapisani romani Laze Lazarevića » [Les romans non écrits de Laza Lazarević], in Evropski okviri srpske književnosti II [Les cadres européens de la littérature serbe], Belgrade, 1994, p. 46-67 ; Dimitrije Vučenov, Pripovetke Laze Lazarevića [Les Nouvelles de Laza Lazarević], Belgrade, 1986 ; Dušan Ivanić, « Nezamjenljivo djelo » [Une œuvre irremplaçable], in Svijet i priča [Le Monde et le récit], Belgrade, 2002, p. 243-264 ; Ivana Zečević, Autobiografsko u prozi Laze K. Lazarevića [Les éléments autobiographiques dans la prose de Laza Lazarević], Belgrade, 2010.

Jovan Deretić

Traduit du serbe par Jelena Antić

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