LE LIVRE DU MOIS : juin 2011 |
Les Allusifs, 2010
Oeuvres traduites de Le Siège de l’Église Saint- Sauveur
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Goran Petrović SOUS UN CIEL QUI S'ECAILLE Traduit du serbe par Gojko Lukic Présentation de l'éditeur : Les Allusifs Au sortir de la Grande Guerre, au Royaume de Yougoslavie qui vient de naître, dans une petite ville serbe, un homme ingénieux et entreprenant fait bâtir l’hôtel Yougoslavie, merveille de luxe et de modernité jamais vue dans les parages. L’hôtel possède, entre autres choses, une grande salle de bal avec un plafond en stuc représentant le ciel étoilé. Après la faillite de l’hôtel, la salle devient un cinéma, appelé Uranie, comme la muse. L’histoire poursuit ses folies, la Deuxième Guerre mondiale déferle et se retire, le royaume disparaît, le communisme s’installe, l’Uranie est désormais nationalisé, puis autogéré. On y passe des films soviétiques et yougoslaves, puis, la rupture avec Staline consommée, occidentaux et surtout américains. Un vieil ouvreur y officie, qui se prend pour le portier du paradis. Il est abattu. Son paradis est constellé de chewing-gums et de graffitis. Et le plafond étoilé, avec le temps, s’écaille. On en arrive ainsi à un après-midi de mai 1980. Sous un ciel qui tombe en poussière, une quarantaine de spectateurs assistent à une séance qui sera interrompue par une annonce sidérante : la mort du maréchal Tito. Cette fin brutale de séance marque la fin d’une époque et le premier pas vers la dislocation du pays. Bientôt, l’ancienne salle de bal de l’hôtel Yougoslavie cessera d’être un cinéma, ne servira plus qu’aux usages les plus prosaïques. Le cinéma Uranie — microcosme loufoque, galerie de portraits constituée de tous les spectateurs présents lors de la séance fatidique et de quelques autres personnages ayant joué un rôle important dans l’histoire de l’établissement — est bien entendu une métaphore de la société serbe, et, notamment — le plafond-ciel pulvérulent est là pour le rappeler — du rapport que cette société entretient avec sa transcendance, ses projets, ses rêves. L’ironie, la drôlerie, la truculence, des pointes de férocité sous des saillies charmantes et ingénues, une profondeur et une gravité en demi teinte, mises en berne afin de ne pas claquer au vent, mais d’opérer en douceur, en douce, tels sont les principaux ingrédients qui composent le breuvage, l’œuvre la plus pétillante de Goran Petrović, qui, pour le situer sans fausse modestie, forme avec David Albahari et Svetislav Basara la sainte trinité de la littérature serbe contemporaine. |
Auteur : Goran Petrović Goran Petrović, né en 1961 à Kraljevo, en Serbie, vit à Belgrade et travaille comme éditeur. Il est l’auteur d’une dizaine d’œuvres dont certaines sont traduites ou en cours de traduction en de nombreuses langues. En français, son roman Soixante-neuf tiroirs a été publié aux Éditions du Rocher en 2003 (repris au Serpent à plumes, collection Motifs, en 2006) et Le Siège de l’Église Saint- Sauveur aux Éditions du Seuil en 2006. |
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Extraits de presse Réjouissant ! Cet adjectif surgit à la lecture du dernier livre de Goran Petrovic, qui forme, avec David Albahari et Svetislav Basara, le triangle d'or des lettres serbes. Le personnage principal en est un cinéma, l'Uranie. Ancienne salle de bal du luxueux hôtel Yougoslavie à Kraliévo, l'Uranie sous sa voûte étoilée, "accueillait les spectateurs comme s'ils se présentaient à la porte du paradis", écrit Petrovic. Sous sa plume défile une savoureuse galerie de personnages attachants et hauts en couleur : le propriétaire Rudy Prohaska et son perroquet répondant au dangereux nom de Démocratie, le projectionniste Bonitch qui compose sa propre oeuvre en assemblant des chutes de pellicules, Simonovitch, le gardien des portes du paradis, et toute la foule des spectateurs, la sémillante Picotte, l'artiste raté Erakovitch, le malfrat Tronçonneuse... On suit ces destins de l'entre deux-guerres jusqu'à une séance apocalyptique de mai 1980 où le plafond étoilé part en lambeaux en même temps que la mort de Tito est annoncée, ce qui marque la fin de l'Uranie. D'une plume allègre et inventive, Petrovic redonne vie à ce microcosme loufoque, confirmant au passage son talent de formidable conteur. Stéphanie Dupays | Le Monde des Livres
Sous le masque de la cocasserie, Goran Petrovic, sorte d'Emir Kusturica de la littérature serbe, cache un sérieux mâtiné de ruse. Sous un ciel qui s'écaille, entre les lignes d'une succession de portraits bigarrés, renferme en effet une vision kaléidoscopique cinglante de l'histoire de la Yougoslavie. Occupation du pays par l'allemagne nazie, sa nationalisation, accointances et réticences staliniennes de Tito, bagne de Goli Otok situé au nord de la Dalmatie, conflits violents qui minèrent les territoires de l'ancienne République fédérale socialiste entre 1991 et 2001 ou bombes à fragmentation de l'OTAN lors de la guerre du Kosovo, les références fusent. Comme fuse l'ironie au rebours du récit des tribulations de Rudy Prohaska. Jérôme Goude | Le Matricule des Anges
Nous sommes dans les années 70-80 et la Yougoslavie du maréchal Tito ressemble exactement à cela : une agrégation d'individus hauts en couleurs, voisins de siège, quoique parfois ennemis. Demain ils s'entretueront. Après-demain, Kusturica en fera les héros de ses films. Là, sous la plume d'un Goran Petrovic très inspiré, ils sont réunis dans un roman mélancolique et désenchanté mais souvent comique et surtout prodigieusement construit. À la manière d'un long-métrage évidemment. Jean-Christophe Buisson | Le Figaro Magazine |
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