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Constantin de Kostenec est le représentant le plus important de la littérature savante en Serbie au XVe siècle. Probablement d’origine bulgare, né vers 1380 dans le village de Kostenec, en Bulgarie, il avait fait ses études auprès d’Andronic, disciple du patriarche bulgare Euthyme, au monastère de Bačkovo. C’est sans doute pour se mettre à l’abri, au cours de la guerre civile pour la succession à la cour ottomane du début du siècle, qu’il vint en Serbie entre 1410 et 1413, pour y être fort bien accueilli par le despote serbe. En homme de lettres d’exception, Constantin fut engagé par son nouveau seigneur, protecteur des arts et des lettres. Il fut envoyé en mission diplomatique auprès de Tamerlan, du prince Mûsâ et du sultan Mehmed, voyagea en Terre Sainte. A Belgrade, il fut le “maître”, responsable de l’enseignement dans ce qui fut sans doute la première école supérieure de cette nouvelle capitale de Serbie du despote Stefan. Polyglotte, connaissant le turc, l’hébreu et surtout le grec (ainsi que le roumain et le russe), Constantin avait traduit un commentaire du Cantique des cantiques de Théodoret de Cyr (Ve siècle) et adapté un écrit géographique de topographie des Lieux Saints. Auteur d’un volumineux traité de philologie en quarante chapitres écrit à Belgrade entre 1423 et 1426 – Traité des lettres [Skazanie o pismeneh] –, Constantin s’employa à faire valoir la nécessité de régulariser et d’épurer l’orthographe et la grammaire dans un esprit conservateur guidé par le retour aux normes orthographiques cyrillo-méthodiennes traditionnelles. Parlant de l’origine de la langue littéraire slave, créée grâce aux efforts de Constantin (Cyrille) et Methode, il fait une nette distinction entre le bulgare, le serbe et le russe, en précisant que ce dernier avait eu leur préférence dans leur entreprise didactique et culturelle. Le traité philologique de Constantin eut finalement peu d’effet sur la réforme normative de l’écriture qui, sous le nom d’école (scriptorium) de Resava, allait produire un grand nombre de rédactions considérées pendant des siècles comme étant de meilleure référence. C’est du point de vue de la littérature et de l’histoire des mentalités que cette œuvre ambitieuse est particulièrement intéressante : on y trouve un témoignage des mentalités et des concepts moraux serbes de l’époque, critique et plein de réalisme, écrit dans le but d’inciter à une large activité de réforme de l’enseignement et de l’écriture. C’est sous le règne du despote Djuradj Branković, que Constantin écrivit, entre 1433 et 1439, à l’instigation du patriarche Nikon et des magnats de la cour, son œuvre principale : La Vie du despote Stefan Lazarević [Житије деспота Стефана Лазаревића]. Cette œuvre – sans doute l’une des créations les plus remarquables dans la longue succession des biographies des souverains serbes – s’apparente, plus qu’aucune autre dans la littérature médiévale serbe, à une approche historiographique. Certes, sa première partie s’inscrit dans la continuité de l’hagiographie royale traditionnelle, mais sa partie majeure, l’histoire de la vie du despote Stefan, s’apparente davantage à une histoire profane de type byzantin, pour s’achever sur une toile de fond d’irrationalité eschatologique et apocalyptique, propre aussi bien à l’Occident qu’à l’Orient chrétiens en ce milieu du XVe siècle. Cet ouvrage a été traduit en serbe moderne par Lazar Mirković en 1936. ♦ Bibliographie. S. Hafner, Studien zur altserbischen Dynastischen Historiographie (Südosteuropäische Arbeiten 3), Munich, 1964 ; K. Kuev et G. Petkov, Събрани съчинения на Константин Костенечки, Изследване и текст (Œuvres réunies de Constantin de Kostenec. Edition et texte), Sofia, 1985, p. 250-253 ; V. Jagić, “Книга Константина Философа и грамматика о письменехь”, Разсуждения южнославянской и русской стариньı о церковно-славянскомъ язьıкѣ (Le livre de Constantin le Philosophe sur la grammaire et les lettres. Etudes des antiquités sud-slaves et russes en vieux-slave), t. I, St. Pétersbourg, 1885-1895 ; Olga Nedeljković, “Правопис ‘ресавске школе’ и Константин Философ” (L’ortographe de « l’Ecole de Morava et Constantin le Philosophe), in Стара књижевност, Belgrade, 1972, p. 484-492 ; P. Ivić, “Суштина и смисао Ресавске школе” (La quintessence et le sens de l’Ecole de Morava), in Ресавска школа и деспот Стефан Лазаревић, Despotovac, 1994, p. 65-67 ; V. Jagić, "Konstantin Filosof i njegov život Stefana Lazarevića despota srpskog" (Constantin le Philosophe et sa Vie de Stefan Lazarević, despote serbe), Glasnik SUD, 42 (1875), p. 223-328 ; G. Svanne, Konstantin Kostenečkii i ego biografija serbskogo despota Stefana Lazareviča (Constantin de Kostenec et sa biographie du despote serbe Stefan Lazarević), Starobulgarska literatura, 4 (1978), p. 21-38 ; I. Dujčev, “Rapports littéraires entre les Byzantins, les Bulgares et les Serbes aux XIVe et XVe siècles”, in L’Ecole de la Morava et son temps, Belgrade, 1972, p. 97 ; voir aussi, Id., “Les rapports hagiographiques entre Byzance et les Slaves”, in Medievo bizantino-slavo, Rome, 1971, vol. 3, p. 267-279 ; B. Bojović, “Une monarchie hagiographique, la Serbie médiévale (XIIe-XVe siècles)”, in L'empereur hagiographe. Hagiographie, iconographie, liturgie et monarchie byzantine ou postbyzantine, éd. B. Flusin et P. Guran, Bucarest 2001, p. 61-72.
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