Zoran D. Miladinović


CORFOU, LE CENTRE LITTERAIRE SERBE EN EXIL



Srpske-novine-br.-75-Krf-1918
Le Journal serbe, n° 75, 1918
 

Durant la Première Guerre mondiale, l’ensemble des périodiques serbes est composé de plus de 100 journaux et revues[1]. Selon le lieu de parution, les périodiques serbes pendant la Guerre (1914-1918) peuvent être divisés, dans les grandes lignes, en trois groupes : les éditions imprimées en Serbie, les périodiques de Corfou (y compris les journaux imprimés à Salonique et Bizerte) et les revues imprimées dans les villes du monde entier. Il est curieux de constater que chacun de ces groupes avait au moins une revue littéraire, ce qui prouve que le lieu géographique n'était pas sans importance concernant l'idée de créer des magazines littéraires. Du point de vue chronologique, les revues imprimées en Serbie apparaissent dès le début et jusqu’à la retraite de l’armée serbe (à la fin de l'année 1915), alors que les périodiques du deuxième et du troisième groupe apparaissent de 1916 à 1918.

Les piliers des périodiques de guerre sont des revues, parmi lesquelles se distinguent Дело / L'Oeuvre, Забавник / Magazine et Књижевн југ / Le Sud littéraire, sans oublier de mentionner les revues telles Српскe новинe / Le Journal serbe, Ратни дневник / Le journal de la guerre, Словенскi југ / Le Sud slave et bien d'autres. Ces revues, malgré leur nombre de pages limité, donnent toujours de l'espace aux écrits littéraires. À un moment donné, il semblait hors de question de relancer une quelconque activité littéraire dans le tourbillon de la guerre ou le domaine des périodiques.

Nos recherches montrent qu'il s'agissait, heureusement, d'une apparence, et qu'il y avait des chemins épineux et sinueux pour exprimer la parole écrite en serbe. Par exemple, aujourd'hui, il semble incroyable que les commandants et les militaires de la Deuxième armée aient réussi à créer, à Kajmakčalan en pleine bataille, la revue humoristique de guerre Zolja qui contient en plus une annexe illustrée. En 1916, ils ont écrit dans l’en-tête de la revue Zolja, avec humour, qu'il s'agissait d'une revue destinée à „raccourcir“ la guerre européenne. Leur objectif n'a pas été atteint, car la guerre dura deux ans encore, mais l'essor des périodiques serbes et de la littérature serbe depuis l'année 1916 ne s'arrêta plus.

Les termes de périodiques serbes de guerre et de littérature serbe pendant la Première Guerre mondiale représentent la même chose. Pendant quatre années de guerre, il ne paraît que quelques livres avec des ouvrages littéraires originaux, qui ont été déjà publiés dans des revues et journaux avant la parution des livres. C'est la raison pour laquelle, sans doute, on peut dire que pendant la période de la guerre, tout effort pour entretenir des activités littéraires peut être attribué à l'ensemble des périodiques littéraires qui a laissé apparaître des ouvrages littéraires nouveaux et importants.

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La littérature serbe pendant la Grande Guerre ne peut être étudiée sans mentionner la littérature de Corfou. Cette littérature est faite par des écrivains qui se sont exilés sur cette petite île de la mer Ionienne. À partir de 1916, non seulement Corfou devient le symbole de l'abri pour le peuple serbe en exil, mais aussi le lieu où s'abritera le Gouvernement, le haut commandement et un grand nombre de personnes appartenant à l'intelligentsia serbe. Cela fut également le lieu de la littérature et de l'émergence des revues officielles de certains établissements et services d'Etat.

Les activités littéraires renaissent à Corfou à partir du 7 avril 1916. C'est le moment où, après une pause due à l'occupation serbe, Le Journal serbe a été renouvelé et dont le rédacteur en chef fut Branko Lazarević. Le Journal serbe apparaît en ancien format et permet aux hommes d'Etat serbes d'exprimer leur point de vue. Ce journal représente la source la plus importante d’information pour d'autres revues en Europe. Pourtant, dès la parution du premier numéro, il est clair que Le Journal serbe a considérablement changé sa conception d'avant-guerre en ouvrant largement la porte aux poètes et aux prosateurs.

Branko Lazarevic 1883-1968

Branko Lazarević
1883-1968

D'après les données disponibles, le bureau de la rédaction du Journal serbe est également devenu un véritable siège culturel réunissant des écrivains, des peintres, des musiciens et bien d'autres artistes. Dès la parution du Journal, Branko Lazarević et ses collaborateurs se consacrent au recueil, à la création et à la promotion des ouvrages littéraires. Dragoljub Filipović affirme que Le Journal fournissait des efforts pour « réanimer » la littérature serbe dispersée et que le rédacteur en chef, Branko Lararević, accueillait volontairement de jeunes écrivains comme des écrivains plus affirmés. Il les encourageait, leur donnait des conseils et les aidait[2]. C’est donc grâce à ces efforts que Le Journal serbe devint „la maison d'accueil“ pour un grand nombre d'hommes de lettres qui se trouvaient à Corfou, mais également la revue de ceux qui créaient dans d'autres lieux de l'émigration serbe.

D'après les propos de Branko Lazarević, la grande histoire tragique du Journal serbe reflète dans le même temps toute la vie bouleversée du peuple serbe, qui, situé au carrefour entre l’Est et l’Ouest, luttait désespéramment pour survivre. Au moment de la parution de la revue à Corfou, Branko Lazarević parle avec beaucoup d'optimisme de l'avenir du Journal serbe qui « notait notre histoire difficile pendant les cent dernières années ainsi que tous les changements que le peuple serbe traversait. Le Journal serbe a le potentiel pour commencer à écrire la renaissance à venir. Après avoir émigré du Nord au Sud, Le Journal serbe continuera son chemin du Sud vers le Nord, et viendra dans la Ville Blanche (Belgrade) pour écrire, en Yougoslavie libérée, la chronique d'une nouvelle et véritable vie des peuples qui ont tellement souffert pour obtenir leur liberté »[3]. Les rédacteurs en chef  des éditions de Corfou, Slavoljub Panić et Branko Lazarević, considérèrent, avec raison, qu'il était nécessaire d'inclure des contenus littéraires dans le programme éditorial de la revue, ce qui augmentera sa valeur contribuera à la lutte du peuple serbe.

Les contributions littéraires dans Le Journal serbe ont une place précise dans la rubrique « Podlistak [Feuilleton] dans la seconde moitié de la deuxième et de la troisième pages. Pourtant, très souvent, sur la première de couverture, parallèlement aux informations actuelles de la guerre, il y a des poèmes publiés dans des cases particulières, ce qui témoigne de l'importance que l'on attribuait aux contenus littéraires dans la revue. L'analyse des textes littéraires publiés à la une du Journal serbe démontre leur rôle particulier par rapport aux textes présentés dans Podlistak. Dans cette rubrique, les traductions des poètes étrangers sont plus particulièrement présentes. En 1916, il y avait 13 traductions de poèmes d'auteurs étrangers publiées, dont  9 imprimées sur la première de couverture, ce qui n'est pas un hasard. Les titres des poèmes évoquent la Serbie, le Kosovo, ou encore le roi Pierre, et ils montrent clairement que les poètes de France, d'Angleterre, de Russie et d'autres pays ont écrit des vers afin de rendre hommage aux Serbes et de les encourager à tenir dans leur lutte. Le comité de rédaction du Journal serbe accorde un espace particulier aux auteurs étrangers afin de montrer que les Serbes ne sont pas seuls pendant la Première Guerre mondiale et qu'ils ont, outre le soutien des gouvernements des pays européens, le soutien du public dans ces pays. La meilleure preuve en sont les vers consacrés à la Serbie et composés par des hommes de lettres célèbres tels Edmond Rostand, Gabriele D'Anunnzio, Jean Richepin et bien d'autres[4]. Les poèmes ont été fidèlement traduits par Milutin Bojić, Vladimir Stanimirović et d'autres collaborateurs du Journal serbe.

Les écrivains serbes publient une vingtaine de poèmes à la une du Journal serbe en 1916. La présence de Jovan Dučić est visible avec ses poèmes Ave Serbia et Les Bulgares, publiés au cœur de la revue. La salutation romaine à la Serbie dans le titre du poème Ave Serbia prélude les vers regorgeant de rage due à la vengeance, à la torture, mais  également à l'héroïsme et à l'expression du sacrifice des fils de la Serbie pour leur patrie : « Tu nous as empoisonnés avec du lait de tes tétons, que nous soyons les premiers dans la douleur ainsi que dans la gloire »[5]. Le poème Les Bulgares est encore plus représentatif et renvoie à la fourberie, à la lâcheté et à la nature „criminelle“ des Bulgares. L'invité permanent figurant sur la première de couverture est le poète Milutin Bojić, qui y apparaît avec quatre poèmes (Les visions de Petrovdan, Les Rois, Les Semeurs et Sans Patrie).

Les critères essentiels pour la publication de poèmes à la une du Journal serbe ne renvoient pas seulement aux qualités d'un poète ou à celles des ouvrages eux-mêmes, mais aussi au rôle moteur que les vers devaient obligatoirement jouer. C'est seulement ainsi que s'explique le fait que l'auteur, signé avec le pseudonyme « J », a publié six fois ses poèmes à la une sans qu'ils possèdent de qualités singulières[6]. À cette catégorie peuvent s'ajouter les poèmes de major Brana, de D. I. Jejo et les compositions d'autres poètes dont les ouvrages regorgent d’appellations et de cris, si bien que chaque vers fut accompagné par le signe d'exclamation : « Hourra ! Sortons à Vardar froid ! À la Drina ! La colline de notre Avala est saignante ! Allons-y les héros de l'armée sacrée… !»[7] A la une du Journal serbe ont vu le jour trois poèmes de Dragoljub J. Filipović (Kraljević Marko, Kaica Radonja et Kosovka devojka) ainsi que le poème de Vladimir Stanmirović Au seuil de la patrie, écrit à l'occasion de la bataille de Kajmakčalan qui fut le premier pas de retour de l'armée serbe dans sa patrie vaincue.

Il y a de grandes différences entre les écrivains et les poèmes publiés à la une du Journal serbe et ceux publiés dans la rubrique « Podlistak ». Cependant, Milutin Bojić est l’un des rares poètes à ces deux endroits. Il publie cinq poèmes dans « Podlistak » qui se distinguent par leur qualité, par leur contenu, et par les messages des vers figurant à la une. Les vers dans L’Anniversaire, Le baptême de l'éternité, L'Unité, La Sainteté sont moins bruyants et souvent peu clairs en raison de l'emploi exagéré de symboles, de motifs bibliques et de comparaisons avec des civilisations anciennes. Or, dans le poème Juillet est arrivé nous retrouvons le style et la sensualité propres à la période précoce de la création de Bojić : « La voici, les pieds nus, / L'ombre des branches danse sur ses joues, / Ses seins chauds et ses bras jeunes / Attendent avec impatience tes caresses »[8]. Dans  beaucoup de détails, les vers de « Podlistak » contrastent avec la production écrite de Bojić pendant la guerre. Le fait que le poète n'inclut aucun de ces poèmes dans son recueil Песме бола и поноса / Les Poèmes de douleur et d’orgueil montre son attitude vis-à-vis de ces poèmes. Bien évidemment, les quatre poèmes de la une ont trouvé leur place dans ce recueil. Milutin Bojić publie également dans Le Journal serbe trois fragments de son épopée inachevée La garde éternelle qui, dans sa conception, devait comprendre environ quinze mille vers. À l'instar de grands écrivains de cette époque, Bojić considère que la Grande Guerre engendrera une grande épopée serbe à l'égal de L’Iliade et de  L’Odyssée. Malheureusement, La garde éternelle restera une simple tentative visant à créer une épopée sur la lutte du peuple serbe pendant la Première Guerre mondiale : hormis le volume „épique“, il n'y a pas d'autres caractéristiques épiques tels les événements historiques connus, les héros et le quotidien de la guerre. Tout au contraire, l'ouvrage abonde en images allégoriques, en réflexions philosophiques et en représentations symboliques tandis que des bourreaux, des magiciennes et des spectres, apparaissent en tant que personnages principaux.

Vladislav Petković Dis, Stanislav Vinaver, Svetislav Stefanović i Teodor Manojlović n’apparaissent pas à la une du Journal serbe bien que la qualité de leurs contributions poétiques dans « Podlistak » soit souvent supérieure à la qualité des vers des poètes auxquels les rédacteurs accordent une place centrale. C'est sans doute une erreur de la part du comité de rédaction du Journal serbe, d'autant plus que la poésie douce de Vinaver, celle discursive de Stefanović et Manojlović, et les vers doux et suggestifs de Dis auraient pu avoir un effet beaucoup plus important pour le peuple et pour les combattants que les vers sonores de certains auteurs, écrits intentionnellement. Le patriotisme n'a jamais été remis en cause chez les poètes en question, mais ils l'exprimaient autrement, de façon plus complexe, moins visible au premier coup d’œil : par l'adaptation des motifs et des idées inhabituelles. Par exemple, Svetislav Stefanović montre que le poète, dans les grandes catastrophes collectives, ne peut avoir seulement ses propres souffrances, ses peurs, ses espoirs et ses amours et qu'il perçoit lui-même, pendant la période de la guerre, non pas comme un individu, mais comme une partie intégrante du peuple qui se trouve dépossédé de son espace vital[9]. Durant le séjour sur l'île de l'exil également, Todor Manojlović écrit le poème La prière aux Dioscures dans lequel invite les Dieux des héros à conduire les Serbes dans une offensive libératrice alors que, dans son poème Le temple oublié, il peint un monastère abandonné. Les motifs dominants chez Stefanović et Manojlović relèvent de l'antiquité et des mythes et, mêlés à de nombreuses pensées philosophiques, produisent le sentiment de manque de douceur dans leur poésie.

La douceur représente, en revanche, la caractéristique essentielle des poèmes de Vladislav Petković Dis publiés dans Le Journal serbe en 1916. Après « le Golgotha albanais », Dis part pour la France où il se sent malheureux non seulement à cause de la perte de sa patrie, mais aussi à cause de la séparation d’avec sa famille. Il envoie au Journal serbe, depuis la France, ses Недовршене песме / Poèmes inachevés qui témoignent de l'importance de sa tragédie personnelle. À Nice, lors de la fête de la Saint-Georges, il écrit le poème Parmi les siens où dominent les vers doux et tristes.[10] Derrière le ton élégiaque et calme se dessine le cri du poète blessé qui ne peut vivre à l'étranger sans son peuple : c'est la raison pour laquelle Dis revient en Serbie par un vol imaginaire où il peut voir les images douloureuses et terrifiantes. Le discours des poètes qui écrivent lors de la Première Guerre mondiale déborde de sentiments patriotiques de combattants, mais l'esprit poétique de Dis crée, même dans le tourbillon de la guerre, des vers reflétant un patriotisme différent : des vers qui peignent l'angoisse personnelle et les troubles psychiques. Pour peu qu'ils soient personnels et intimes, les vers de Dis écrits pendant la guerre reflètent la conscience collective. En effet, il n'y a pas un seul soldat serbe qui ne puisse s'identifier à ses poèmes de l’époque. Les combattants serbes, comme d'ailleurs Dis lui-même, se trouvent loin de leur lieu d'origine et rêvent de la Serbie et de leurs proches. Ainsi, chacun d'entre eux, à part les objectifs patriotiques, poursuit son propre objectif : revenir en Serbie et retrouver ceux qu'il aime le plus.

Quant à la création poétique de Stanslav Vinaver, elle a connu un dualisme intéressant pendant la Grande Guerre. Il publie six poèmes dans Le Journal serbe, dont la moitié est écrite dans son style déjà connu qui se distingue par la musicalité des vers, l'expérimentation du langage poétique, et l'usage des symboles. Dans ces poèmes, la guerre est beaucoup plus proche des représentations imaginaires que de la réalité, alors que les pensées philosophiques de l'auteur prennent la forme de vers libres avec une forte tendance rythmique et des images poétiques vagues. Le poète est conscient de la faiblesse de ces vers et dans son poème Les visions devant le Skadar, il s'adresse à la muse afin de lui offrir « de nouveau mots » ![11] Stanislav Vinaver a une approche tout à fait différente dans le cycle de poèmes Les piétons  (Le Commandant du bataillon, Le sergent Velibor et En 1915). Ici, il renonce à sa règle proclamée : « La vision est toujours plus forte que la réalité même, si d'ailleurs la réalité peut exister pour l'artiste »[12]. Dans les poèmes évoqués, le poète recourt à son talent poétique pour montrer les images vivantes de la réalité de la guerre. 

Le chemin de la guerre de Stanislav Vinaver, allant du bataillon où il fut un élève à Skoplje jusqu'à la Révolution d'Octobre, est  à la fois tragique et passionnant[13]. Dans la guerre, ce poète fait appel à une poésie patriotique qui ne parera pas le peuple serbe des ornements d'Annunzio et de faux pathétique en affirmant que la Serbie n'a pas besoin d'exporter « la gloire et la lumière », dans la mesure où elle a « une véritable gloire digne de plusieurs milliers d'années, voire de cent mille ans et cette gloire est comme le radium qui rayonne de lui-même ». Vinaver imagine et attend une poésie mystique qui semblerait « ne pas parler de l'héroïsme et de la gloire serbes, mais qui en serait imprégnée et enivrée, même apeurée. Justement à cause de sa honte de discourir (il s'agit de la sainte ivresse), on pourrait sentir dans cette poésie ce dont elle ne parle pas et ce dont elle abonde infiniment »[14]. Dans les premiers recueils de Stanisalav Vinaver composés après la Grande Guerre, il est difficile de trouver la même poésie patriotique, car ses expériences dramatiques de la guerre, vécues en Albanie et pendant la révolution apparaissent par fragments tels des reflets momentanés dans son lyrisme. Sa poésie échappe aux significations concrètes et aspire à une expression plus libre, à la musicalité, au jeu sonore, à l'humour, à la parodie et à la satire[15].

Dans « Podlistak » apparaissent les poèmes en décasyllabe de Dragoljub Filipović, les poèmes en prose de S. Milenović, les miniatures lyriques de Božidar Stojadinović et les vers d’auteurs relativement inconnus. Le poème de Vladimir Stanimirović Un jour de février 1915 attire l'attention surtout par son intonation calme, que l'on rencontre rarement dans les périodiques de guerre. Stanimirović n'écrit pas sur les batailles et sur les grands héros, mais dépeint un autre côté de la guerre à travers une image sombre de la campagne de la Mačva, où les soldats serbes ont pillé l'école, où les filles ont été vendues aux soldats pour de l'argent et où l'armée ne sait  même pas si ses soldats sont toujours en vie[16]. La nouvelle poétique de Miloš Stefanović Les impression du retrait est aussi intéressante : les changements rapides du rythme poétique ainsi que la longueur des vers et des strophes dévoilent comment l'auteur vit la guerre. Ainsi, par exemple, les vers sur le retrait de l'armée en Albanie sont longs et lourds, alors que les vers qui décrivent le voyage en paquebot « La Lorraine » sont courts et dansants.

Les contributions en prose dans Le Journal serbe sont rares, en général à caractère journalistique et documentaire. Mais cela ne diminue pas la valeur des autres contributions littéraires qui reviendront par la grande porte en 1916 dans le Journal serbe qui introduit un supplément littéraire, Le Magazine, et il est tout à fait logique que la majorité des articles de nature fictionnelle soit orientée vers cette revue. Une différence de plus en plus importante se fait jour quant à la valeur des contributions littéraires publiées dans Le Journal serbe : celles parues en 1916 sont plus nombreuses, ce qui ne veut pas dire que ce journal a négligé la création littéraire en 1917 et en 1918. Il faut plus particulièrement mentionner les poètes-soldats tel Božidar Stojadinović qui, dans les tranchées, écrivent à genoux des vers sincères, sans recourir au pathos typique du patriotisme.   

Parmi les poèmes publiés dans Le Journal Serbe, une véritable nouveauté apparaît avec les vers singuliers de Todor Manojlović qui diffèrent ostensiblement avec ceux d'autres collaborateurs. Ce poète est également emporté par le tourbillon de la guerre. Pourtant, il semble qu'il veuille défier la guerre avec ses vers, en décidant de ne pas en parler explicitement dans sa poésie. Ceci dit, il est possible de découvrir les reflets du quotidien de la guerre à travers l'interprétation de certains symboles cachés de Manojlović. Néanmoins, cette découverte dépend de la capacité du lecteur à deviner les secrets des vers polysémiques de ce poète. Les poèmes de Todor Manojlović Dithyrambe, La Plainte des héritiers et Le poème sur le mois de juillet font écho, par leurs descriptions décoratives, colorées, joyeuses et claires, aux peintures des grandes figures de l'impressionnisme. Grâce aux motifs que sont les oiseaux, les violettes, le muguet, les papillons, les étoiles et du soleil, le poète  rapproche la réalité des rêves et retrouve dans le passé tous ceux « que j’aimais autrefois, et de qui me séparaient la Mer, la distance, le temps ou la mort : ils sont tous là, merveilleusement réunis »[17]. Le vers libre de Todor Manojlović se distingue par la tranquillité, par l'harmonie et par l'éloignement des événements actuels, si bien que dans ses poèmes de 1917, il est difficile de reconnaître le même poète qui dira un peu plus tard que « la poésie est une éruption géniale et lumineuse  des sentiments de la vie ». La poésie de Todor Manojlović est pittoresque et lumineuse, mais pas éruptive. Tout au contraire, elle a toutes les caractéristiques d'un bon style ancien et classique. Ce n'est qu'avec la parution du poème Mim que l'inspiration mythologique, les hauteurs cosmiques et la sonorité fabuleuse l'emportent. Celles-ci seront d’ailleurs les motifs permanents du modernisme serbe d'après-guerre.

Il faut souligner que Le Journal serbe apparait comme une sorte de guide de la création littéraire chez les Serbes en 1916. D’ailleurs, c’est dans cette revue qu’un grand nombre de contributions littéraires importantes furent publiées, ce qui confirme, de façon convaincante, que la littérature serbe n'était pas morte. Les derniers écrits de Milutin Bojić et de Vladislav Petković Dis, décédés tragiquement, ont été également publiés dans Le Journal serbe, tandis que Todor Manojlović, Stanislav Vinaver et d'autres écrivains, donnent une idée, déjà à cette époque-là, de la direction que prendra la littérature serbe d'après-guerre.

Qui dit Journal serbe dit aussi Le Magazine, son supplément, les mêmes personnes s'occupant de l'édition de ces deux revues. Sans doute, Branko Lazarević, l'éditeur du Journal serbe a très vite compris la nécessité de fonder une revue littéraire, qui aurait pour l'objectif d'unir la création littéraire chez les Serbes, dispersés dans tous les continents, et de permettre la continuité et le lien de la littérature pendant la guerre avec celle d'avant-guerre. Lazarević a  constaté, de façon judicieuse, qu’il est difficile de publier des ouvrages pendant la guerre et que tout ce qui a été publié dans Le Journal serbe comme dans d'autres quotidiens n'était pas suffisant. Pour cette raison, la littérature et la culture serbes devraient avoir leur propre revue. Il est tout à fait certain qu’en réfléchissant à créer une nouvelle revue, Lazarević a eu en tête Le Messager littéraire serbe, pour lequel il écrivait dans les années précédant la guerre. D'ailleurs, il est connu que Le Messager littéraire serbe eut une telle importance pour ses éditeurs, pour ses collaborateurs et pour ses lecteurs, que l'idée de sa renaissance émergea même pendant la guerre, durant l'exil. Branko Lazarević en avait l'idée la plus réussie. Pourtant, il donne à ce supplément du Journal serbe, un nom étrange pour cette période de la guerre –  Zabavnik / Le Magazine. Pendant la guerre, il n'y a pas lieu de s'amuser, mais dans la préface du premier numéro du supplément, Lazarević explique que son nom a été donné en hommage au supplément littéraire, Le Magazine, du Journal serbe de Davidović.

Krfski Zabavnik - prvi broj

 Le Magazine de Corfou, n° 1, 1917

C’est à l'occasion de l'anniversaire de la renaissance du Journal serbe à Corfou (le 2 avril 1917) que le premier numéro du Magazine vit le jour.[18] Dès la parution du premier numéro, la revue a la forme qu'elle gardera jusqu'à la fin de sa parution. Chaque numéro pratiquement commence par un texte de préface un peu plus long et par des poèmes suivis de travaux en prose, d’articles critiques et d'essais. Les dernières pages de la revue sont consacrées aux articles traitant des thèmes qui relèvent de la politique, de l’économie, de l’art et de la littérature, ainsi qu'aux notes littéraires et à la bibliographie. La forme de la revue, le choix des collaborateurs, la tentative visant à réunir les écrivains, l'esprit de l'union des peuples yougoslaves et l'activité de Branko Lazarević confirment de façon évidente, que le Magazine de Corfou représente l'héritier ou, d'après Dragiša Vitošević, l'issue logique du Messager littéraire serbe. Difficile d'avoir des compliments plus convaincants renvoyés à une revue en dehors du pays d'origine et des plus grandes métropoles du monde.

Le plus grand mérite du Magazine pour sa contribution à la littérature serbe revient au rédacteur en chef Branko Lazarević. Ce dernier, avec ses plus proches collaborateurs (Todor Manojlović, Vladimir Stanimirović, Božidar Purić, Dragoljub Filipović, Milosav Jelić...) et d’autres, extérieurs au Magazine, crée une revue littéraire moderne de qualité. Les critères littéraires de Lazarević sont sévères : son but n’est pas d’avoir une revue littéraire quelconque, mais une revue qui puisse être une référence de qualité. Dans  Le Magazine, il écrira « qu'il y a des genres variés, car chacun qui parvient à trouver les moyens techniques veut s'exprimer et dire ce qu'il a vécu. En général, les grands événements tragiques engendrent une multitude de livres. Chaque écrivain tient à dépeindre son propre vécu singulier »[19]. Visiblement, Branko Lazarević ne veut pas de ce genre de revue comportant de tels écrits, mais il tient à satisfaire aux standards littéraires de haut niveau et à s’entourer de collaborateurs compétents. Il aspire à un sentiment plus accentué pour le devoir national. Il ne trouve les raisons pour manquer à ces règles ni dans la guerre ni dans le fait d'être éloigné des centres culturels, ni dans les conditions de vie et de travail réellement difficiles : « Notre art est là où nous sommes. Nous avons perdu nos territoires, mais non pas nos âmes », affirme Branko Lazarević, partant du fait que l'artiste est toujours un créateur, en tout lieu et en toute circonstance[20]. Todor Manojlović partage entièrement cet avis et conclut, avec beaucoup d'optimisme : « Ainsi notre chronique artistique ne disparaît pas même devant cette crise affreuse qui touche notre peuple : au contraire, elle a la possibilité de maintenir la continuité entre un passé important et un avenir beaucoup plus prometteur »[21].

Les 18 numéros du Magazine publiés confirment que Lazarević et Manojlović avaient raison, car d'autres  hommes de lettres serbes ainsi que les auteurs d'autres domaines de la culture et des sciences ont prouvé dans cette revue que le fil créateur du peuple serbe n'avait pas été coupé. Le rôle de l’éditeur de Lazarević dans Le Magazine est bien visible car  « il est toujours là, au centre d’événements, en tant que spiritus movens qui tient et anime tout et qui fait en sorte que la revue se développe et que le cercle de collaborateurs s'élargit »[22]. Dans quatre des cinq premiers numéros du Magazine, Branko Lazarević figure même comme l'auteur des textes de préface qui font apparaître la plume d'un critique littéraire et son point de vue sur la littérature de la Première Guerre mondiale. Bien qu'il tienne à maintenir la continuité de la littérature du peuple serbe, Branko Lazarević, à l'instar de certains autres auteurs, considère pourtant que ce n'est pas le moment le plus propice pour la littérature serbe et que seulement l'avenir fera apparaître un grand ouvrage sur les batailles des Serbes :

« L'histoire n'a pas encore produit pareil cas. Aucun „golgotha“ n'est semblable au nôtre. Les tentatives d'Edmond Rostand et de Gabriele d'Annunzio sont seulement d'excellentes tentatives pour comprendre l'importance et la dimension de notre douleur. Plus tard, il y aura un grand visionnaire qui trouvera dans notre cataclysme l'inspiration pour sa grande œuvre. Celle-ci sera la nouvelle lliade, L’Enéide et Le Râmayana du peuple serbe, une synthèse de tout ce qu'il y a d’important et de créateur dans la douleur, dans le malheur et dans l'amertume ».[23]

De même, Lazarević accepte l’idée généralisée de la grandeur, de l’héroïsme, de la volonté et du caractère du paysan serbe. Il encourage des hommes de lettres à consacrer leurs ouvrages à la classe qui représente la majorité de l’armée serbe.

Le nombre de critiques littéraires dans Le Magazine est proportionnel au nombre réduit de nouveaux ouvrages publiés, mais Branko Lazarević, Todor Manojlović, Jeremija Živanović et Svetislav Stefanović font des efforts pour analyser la production littéraire actuelle et pour éclaircir les éternels problèmes de l’art, de l’histoire littéraire et de l’esthétique. Branko Lazarević écrit au mois d’octobre en 1917 l’étude intitulée « La littérature de la guerre » où il analyse le recueil de nouvelles et de notes d’Ivo Ćipiko Из ратних дана 1912-1917 / Des jours de la guerre 1912-1917. Dans son étude, Lazarević fait découvrir aux lecteurs la littérature de guerre des peuples anciens, mais aussi l’histoire des influences de la guerre sur les grands écrivains mondiaux. Passant par les littératures française, anglaise, italienne, belge et par les littératures d’autres peuples lors de la Première Guerre mondiale, il conclut que tous les écrivains connus se sont engagés pour créer la littérature de guerre et que c’est également le cas de la littérature serbe. Lazarević reconnaît la valeur documentaire du recueil de Ćipiko, mais il juge objectivement qu’il « renferme beaucoup de concessions au goût  du public et à la mode ; et aussi, par instants, de naïveté, d’exagération, et de dysharmonie » [24]. Ces citations confirment que le critique littéraire Branko Lazarević refuse de céder aux attentes du public, même s’il s’agit du temps de la guerre. Lazarević est obsédé par un autre problème : comment concilier ses attitudes connues portant sur la subjectivité du vécu et l’attachement évident aux événements dans les ouvrages de la plupart des écrivains de la littérature serbe de guerre. Il explique que pareils grands événements exercent une influence très importante sur la littérature de tous les peuples et qu’ils ébranlent même les esprits les plus subjectifs.

Dans le numéro 5 du Magazine, Branko Lazarević et Božidar Purić rendent hommage au cinquième anniversaire de la première mobilisation (le 17 septembre 1912) en publiant le poème de Purić Cinq ans et une liste d’artistes, d’écrivains, de scientifiques, de journalistes décédés durant la guerre. Les rédacteurs en chef sont entièrement conscients que cette liste n’est pas complète « car il y avait des combattants et des morts partout, et il y avait trop peu de gens qui le notaient. On mourrait sans publicité, on mourait en masse, la mort nous arrachait des milliers d’étudiants, d’instituteurs, d’officiers, de fonctionnaires, d’avocats et plus de trois cent mille de soldats »[25]. Sur la liste figurent en outre 23 hommes de lettres et 4 critiques littéraires[26].

Aussi Le Magazine, possède-t-il, hélas, une caractéristique que nous n’aimerions souhaiter à aucune revue du monde. Il n’y a pas de numéro de cette revue qui ne contienne la nécrologie dédiée à un homme de lettres, à un peintre ou à un scientifique décédé ou tué. Étant donné qu’il s’agit du temps de la guerre, il n’est pas rare qu’un livre publié parvienne à la rédaction, et que l’information de la mort de son auteur suive. Les nécrologies deviennent une rubrique ordinaire qui permet aux rédacteurs en chef et aux collaborateurs de rendre hommage aux grandes figures de la science serbe tels Giga Geršić et Dragoljub Jovičić, le peintre académique Rista Vukanović ou encore les écrivains Vladislav Petković Dis, Milutin Bojić, Nikola Daničić, Miloš Perović, Vlada Gaćinović, Miloš Vidaković, Dragutin Mraz, Rista Milićević, et bien d’autres. Les tragédies de la guerre laissent un grand vide dans les rangs des écrivains, mais ceux qui ont survécu ne laissent pas la littérature serbe se taire.

« Nous sommes jetés dans l’abîme, écrit Branko Lazarević, comme jamais personne encore : et nous revoilà debout avec la célérité de tigres. Éparpillés comme la paille par le vent, en Europe, en Amériques et en Afrique, nous osons exprimer notre pensée artistique. La bibliographie de ces travaux représente déjà un livre à part entière. Ceux-ci sont les excellents documents d’un peuple qui ne sait pas baisser les bras »[27].

En 1917 et 1918, Le Magazine de Corfou publie 322 contributions littéraires, parmi lesquels 265 poèmes, 26 textes en prose, 3 textes de théâtre et 28 contributions de littérature traduite. Les textes en prose de Ivo Ćipiko, de Zarija R. Popović, de Jaša Bešević, de K. Marić, de Milutin Jovanović, de Jeremija Živanović, de Dragoslav Nenadić, de Nikola Trajković, ainsi que ceux d’autres écrivains n’ont pas une valeur très importante du point de vue littéraire, mais ils permettent de mieux comprendre la période de la guerre. À cela s’ajoute le fait que, dans ces écrits, la guerre est représentée de façon partielle et qu’aucun auteur ne donne une image complète des événements ou propose un regard de « l’intérieur de la guerre ». Pourtant, la guerre représente « le tissu » qui relie tous les contributions littéraires du Magazine, qu’elle apparaisse au premier plan ou en arrière-plan. Dans les textes en prose, on évoque, avec plus ou moins de succès, l’humanité et la cruauté du soldat serbe, la nostalgie du combattant pour sa patrie, la campagne serbe à l’arrière, l’amour dans une ambiance de guerre ainsi que des événements drôles. Il est évident que les écrits en prose expriment, le plus souvent, la réflexion sur l’expérience personnelle des auteurs et que, dans leur processus de création, l’imagination joue un rôle modeste. Par ailleurs, il est étonnant que dans ces écrits les questions sur le patriotisme soient souvent traitées de façon inattendue compte tenu du contexte de la guerre. Mais, on ne peut que se réjouir du fait que pour les rédacteurs du Magazine, il n’y ait pas de sujets tabous, même lorsqu’il s’agite de la désertion des soldats. Grâce à l’intégrité du rédacteur, un considérable nombre de textes littéraires est à caractère polémique et dissonant. Ainsi, les écrivains pouvaient s’interroger : « Le patriotisme et la patrie ne sont-ils qu’un grand mensonge conformiste qui endort et détruit l’humanité »[28]

Dans la bibliographie du Magazine, Đorđe J. Janić note trois textes dramatiques, bien que l’ouvrage de Todor Manojlović l’Europe et les Allemands soit le seul à avoir une structure dramatique achevée. Sous la forme de dialogues, Manojlović examine les questions liées à la guerre mondiale,  le statut de la Serbie dans cette guerre ou encore le problème du militarisme allemand. Dès cette époque (fin 1917), il annonce, tel un prophète, que les Allemands accepteront la paix dans la Première Guerre mondiale uniquement pour mieux préparer une autre guerre à venir. Il précise que cette nouvelle guerre arrivera dans 20 ou 30 ans et qu’elle sera menée à cause de la vengeance de « leurs pères, morts dans cette guerre d’aujourd’hui »[29].  Milivoj Nenin suppose, avec raison, que Todor Manojlović apparaît comme le personnage de Dragoš, parce que « c’est Dragoš qui parle le plus : le dialogue est imaginé de sorte qu’après les paroles de Dragoš, il ne reste rien à dire. Finalement, Dragoš dit sur les Allemands peu ou prou la même chose que Nietzsche, ce que d’ailleurs Todor Manojlović approuve »[30]. Ainsi l’affirmation de Dragoš selon laquelle l’homme doit perdre toute son individualité en exerçant des devoirs importants et difficiles et qu’il doit se concentrer sur « la réalité pure »[31] paraît très étonnante. Surtout si l’on compare ce texte dramatique de Todor Manojlović à ses poèmes publiés dans Le Magazine. Il est facile de constater que dans la poésie de Todor Manojlović écrite à Corfou, il n’y a pas un seul reflet de la réalité et qu’elle s’inscrit entièrement dans la sphère des rêveries et de l’imagination, caractéristiques si contestées par son héros dramatique.

La poésie fut le genre le plus important, le genre d’or de la littérature serbe à la veille de la Grande Guerre. Aussi, pouvait-on s’attendre à ce que les textes poétiques prédominent tant en nombre qu’en valeur dans Le Magazine de Corfou. On répondit à cette attente : 36 poètes y publièrent 265 poèmes durant les années 1917 et 1918. Le collaborateur le plus fructueux est un des plus importants et des meilleurs poètes serbes du début du XXe  siècle, Jovan Dučić.[32] Dans Le Magazine, Dučić présente un opus poétique varié qui contient des vers patriotiques, amoureux et descriptifs ainsi que des poèmes en prose. Les Sonnets impériaux, doux et pittoresques, dont la forme et le contenu sont parfaits, décorent la revue et montrent le désir de ce poète de faire connaître aux soldats serbes le passé glorieux de leur  peuple.  Dans les poèmes en prose, Dučić peint en général des contradictions inhabituelles et tragiques : telle la femme dévergondée/reine ou encore la femme noble/mendiante. Dans sa poésie d’amour, il s’adresse à un amour inventé, imaginaire [33]. Les titres mêmes des poèmes tels Le poème de la mort, Le dernier poème, Le poème de la pénombre et Le poème du silence renvoient aux thèmes religieux ou philosophiques, mais les thèmes du manque ou de la disparition de l’amour sont aussi au centre de l’intérêt de Dučić. Ceux qui connaissent bien sa poésie ont dû être surpris de lire Les Poèmes ensoleillés dans le dernier numéro du Magazine. En effet, Dučić se libère du stéréotype de sentimentalité et de la mode tout en créant des images poétiques qui traduisent la fraîcheur et un véritable ressenti de la nature. Les titres mêmes (Champs, Sécheresse, L’Aube, La Chouette, La Forêt, Pluie, Chaleur, Le Chêne et le Vent) dans Les Poèmes ensoleillés font apparaître un nouveau Dučić. Le poème Soleil est la bonne illustration d’une portée artistique élevée, de l’excitation des sens et du conflit des symboles dans les miniatures descriptives de Dučić[34]  Les critiques plus récents voient justement dans Les Poèmes ensoleillés l’apogée artistique de la poésie de Dučić, voire l’apogée de la production poétique serbe. Predrag Palavestra affirme que ce poète « allait sur un chemin plat et fut le créateur et le porteur de la couleur poétique de son temps jusqu’au moment où il publia Les Poèmes ensoleillés dans Le Magazine de Corfou, poèmes qui annoncèrent un changement important à venir »[35].

Dans Le Magazine, la majorité des poètes, tels Milutin Jovanović, Vladimir Stanimirović, Bozidar Purić, Stevan Bešević, Svetislav Stefanović, Stanisalv Vinaver, Rastko Petrović et bien d’autres, écrivent à la fois des vers d’inspiration patriotique et une poésie intimiste, tandis que Dragoljub Filipović et Milosav Jelić ont marqué la scène littéraire et historique de cette époque en imitant la poésie populaire et en évoquant des héros anciens et contemporains.  Svetislav Stefanović déplace le centre d’intérêt de la poésie philosophique et religieuse vers la poésie d’amour (Les Sonnets des Mayas) en traitant également le thème de la tragédie du peuple serbe. Dans Les Sonnets de la mort, la poésie de Stefanović est imprégnée de pessimisme (« Nous sommes vaincus ! Nos montagnes abandonnées le disent et nos âmes perdues ; l’Ibar le dit en charriant de l’eau trouble »)[36]. Ainsi, par le biais des vers libres, le poète s’adresse à Henil le dieu slave de l’aube, pour qu’il donne de la force au peuple serbe afin que ce dernier puisse « réveiller le monde entier de notre nuit, de notre sommeil ».[37]

Vladimir Stanimirović montre également dans Le Magazine une grande liberté de parole et juge sévèrement l’arrogance de l’armée serbe à l’entrée dans les villages : il la présente comme une armée de fainéants et d’alcooliques. Stanimirović mérite d’autant plus d’hommages qu’il critique les caractéristiques négatives chez les Serbes. Justement, c’est grâce à de tels poètes que l’on peut voir que le véritable patriotisme n’a rien à voir avec la poésie élogieuse et le voilement de la vérité négative. Dans plusieurs poèmes, le capitaine de première classe Milutin Jovanović peint le chemin de la gloire et les dévastations de la guerre. Or, Dragiša Vitošević affirme que le sonnet de Jovanović Tes yeux représente une exception dans Le Magazine. En peignant une femme esseulée, malheureuse et fière, il a créé l’un de ses plus parfaits et plus harmonieux poèmes. Ce constat est dû à la modération, à l’élégance de la mélodie et à la légèreté des vers sur les yeux étranges où « il n’y a encore personne à avoir lu la Douleur, la vie et les espoirs ratés »[38].

Une analyse attentive permet de constater que le sujet de la guerre ne prédomine pas ; en tout cas, elle ne représente pas un thème incontournable chez les poètes du Magazine. Même les poètes qui écrivent leurs poèmes sur le front, ne mettent pas au premier plan les horreurs de la guerre, les appels au patriotisme et l’atmosphère du front. Dans leurs vers, la guerre est implicitement évoquée, en arrière-plan et lointaine.

Pendant longtemps, on a ignoré qui était l’auteur de 15 poèmes dans Le Magazine, signés par les initiales R.M.P. Quelle surprise pour le public quand, à la fin des années 1970, Đorđe Janić a découvert que, derrière ces initiales, se cachait Rastko M. Petrović ! Lycéen, âgé de 17 ans, Rastko Petrović vivait « le Golgotha albanais » avant de partir pour la France où il écrira pour Le Magazine ses Sonnets du Kosovo et autres poèmes, qui sont complètement différents de ses œuvres postérieures, écrites quelques années plus tard, et qui le classeront au nombre des fondateurs de l’avant-garde serbe de l’après-guerre. Rastko Petrović passera sous silence les poèmes mentionnés, écrits sous l’influence de Dragoljub Filipović et du mythe de Kosovo,  et les rejettera à jamais. Dans ces vers, Petrović dépeint, par des images et une rhétorique poétiques très peu convaincantes, l’amertume nationale due à la guerre. Il adresse des reproches à Dieu et il fait éloge de trois piliers de la gloire serbe (le combattant, le poète et le maître de la charrue) en accentuant le patriotisme personnel et le sacrifice à travers ces vers : « Oh, notre grande et belle Patrie, si jamais nous nous sommes fourvoyés, c’est à cause de nos cœurs aveugles qu’alors nous suivions. Mais lorsque tu auras demandé nos sacrifices, nous arracherons tous nos cœurs et nous nous précipiterons parmi les morts ; pour toi, notre patrie, nous tomberons en pleine bataille »[39]. Les poèmes de Rastko Petrović, publiés dans le Magazine en 1917 et 1918, sont écrits dans un style traditionnel propre à la poétique d’avant-guerre. Or, « parmi ces vers, il y a ceux qui, quoique écrits dans l’esprit de l’école, s’échappent vers l’air et la luminosité en ressemblant aux vers de Dis »[40].  Dans le poème La Tristesse, Rastko Petrović prouve, par la simplicité, la musicalité, et le rythme, qu’il est le poète de l’extase et de la passion et qu’il y a beaucoup de force dans sa poésie lyrique. Le poème La Tristesse est certainement intéressant pour l’analyse de ses premiers travaux et pour l’évolution de son style poétique dans l’avenir[41].

Petrovic Rastko - portrait

Rastko Petrović
(1898-1949)

Durant la guerre, Stanislav Vinaver fut un des plus fructueux collaborateurs du Journal serbe, mais il ne publia qu’un poème dans Le Magazine, le premier chant de l’épopée médiévale Nemanja[42]. Il semble que Vinaver ait choisi un sujet historique et le mythe afin de répondre aux attentes de l’époque de la guerre. Pourtant, une analyse plus détaillée montre que le personnage du premier seigneur serbe n’est pas forcément un personnage historique dans l’épopée Nemanja. Vinaver n’accepte pas l’écriture des hagiographies médiévales qui glorifiaient le renoncement aux plaisirs terrestres et le départ de Nemanja au monastère. Il observe plutôt le problème de la duplicité du personnage et révèle bien les contradictions intérieures chez le seigneur et ses hésitations. Dans le personnage de Nemanja, existent en parallèle le chrétien, qui renonce à son trône au nom de la paix religieuse à la fin de sa vie, et l’homme, encore assoiffé de vie, de lutte, de femmes et d’autres plaisirs.

Quant à Todor Manojlović, il était lui aussi à la recherche de la nouvelle sensibilité moderne dans la littérature serbe. Dans Le Magazine, ses poèmes se distinguent par le vers libre sans rimes et par la fraîcheur des motifs insolites. Dans le tourbillon de la guerre et les sonneries de trompettes, Manojlović se souvient des nymphes rousses, d’Apollon, des statues des dieux anciens, des temples, des voyages rêvés, des blancheurs mythologiques, des piliers de marbre, des gardénias de soie… Ce poète doué tient à interrompre « le poème triste d’aujourd’hui, et à chanter par les rayons aveuglants du soleil d’un poème ancien et nouveau qui est en train de se faire »[43]. Dans Le Magazine de Corfou, personne plus que lui et à ce point ne passe sous silence la réalité de la guerre. Beaucoup plus tard, il écrira le triptyque Les Souvenirs de Corfou, où il dira : «  Corfou représente maintenant – tant que la Serbie ne ressuscitera pas – notre patrie ! »[44] Mais à l’époque, pendant ces années de guerre où Manojlović séjourne à Corfou, il ne mentionne jamais cette île dans ses vers, pas plus que la guerre. Il cherche l’inspiration dans les civilisations anciennes, dans l’esprit du classicisme et de la renaissance ainsi que dans la sérénité de la nature.

Tin Ujević, poète maudit, bohème et vagabond, crée des tercets d’une grande force qui, tout en rendant hommage aux affamés et pauvres, deviennent le synonyme des exilés : « Ô Dieu, fasse que s’achève cette errance douloureuse /sous un ciel qui n’entend pas. / Car j’ai besoin d’un mot puissant, / car j’ai besoin de réponse, / et d’amour, ou d’une sainte mort. /Amère est la guirlande d’absinthe, / obscure le calice de poison, / j’implore l’ardente canicule ! / Car il me pèse d’être faible, / Car il me pèse d’être seul –/ (Oh, si je pouvais être fort, / si je pouvais être aimé) –/ le plus pénible pourtant /c’est d’être vieux, si jeune encore ! » [45] [Traduction de Boris Lazić] Tin Ujević est un des nombreux poètes croates et slovènes qui donnent une contribution importante à la diversité du Magazine et à son aspect moderne. L’histoire littéraire montre que Tin publie ses meilleurs poèmes dans la revue de guerre de Corfou. Ces poèmes dépeignent la vision intérieure du monde et de soi ainsi que le lyrisme de la tristesse et de la souffrance dans la guerre. Or, il n’était pas le seul. Selon les critiques littéraires, Les poèmes ensoleillés représentent l’apogée de la poésie de Jovan Dučić, alors que Le poème de la pénombre et Le poème du silence sont classés parmi ses meilleurs poèmes d’amour. De même, c’est dans Le Magazine que Milutin Jovanović, Dragoljub Filipović, Milosav Jelić et quelques autres écrivains moins connus, publient leurs meilleurs œuvres. Sans doute, les compétences du rédacteur Branko Lazarević ainsi que l’école du Messager littéraire serbe ont permis d’établir des critères littéraires de haut niveau, ce qui atteste la publication des poèmes tels que Les poèmes ensoleillés et Complainte quotidienne.

tin ujevic

Tin Ujević
(189-1955)

Le Magazine répond aux attentes d’une survie de la littérature serbe dans les conditions de la guerre. Il n’y a pas d’autres chroniqueurs qui puissent mieux illustrer la vie littéraire et culturelle des Serbes en exil. Aucune autre institution ne s’est tellement appliquée à inciter la création littéraire pendant la Première Guerre mondiale. Sans doute, Le Journal serbe et son supplément littéraire Le Magazine représentent le spiritus movens des périodiques et du développement global de la littérature serbe de 1914 à 1918.

La littérature serbe a été également créée, au cours de la Grande Guerre, en dehors de Corfou, en dehors de la Grèce[46], voire sur d’autres continents, certes dans une mesure moins importante en termes de quantité et de qualité des ouvrages. Néanmoins, nulle part ailleurs une telle qualité n’a été atteinte et un si grand nombre d’écrivains réunis que dans Le Magazine. Corfou, Le journal serbe et Le Magazine sont devenus la maison d’accueil pour des hommes de lettres serbes en se trouvant dans les différents lieux de l’émigration. On peut supposer que le développement de la littérature serbe dans cette île grecque aurait été plus importante encore si un projectile lancé depuis un sous-marin allemand n’avait pas interrompu le voyage de Vladislav Petković Dis à Corfou et si Crnjanski était arrivé sur cette île un peu plus tôt et non pas en 1925 au moment où il y écrivait le poème Serbia… Quoi qu’il en soit, Le Magazine ainsi que Le Journal serbe, prouvent que le fil créateur du peuple serbe n'a pas été coupé dans le tourbillon de la guerre. Non seulement le courant naturel de la littérature serbe a été maintenu, mais il a également évolué en poursuivant le courant moderne de la littérature. Le fait que la revue de Corfou réunisse des noms tels que Rastko Petrović, Stanislav Vinaver, Todor Manojlović, Tin Ujević et Vladimir Čerina renvoie à son importance lors du passage du modernisme serbe de l'époque symboliste à l’époque des mouvements avant-gardistes.[47]


NOTES

[1] Dans l’ouvrage Српска штампа oд 1768. до 1995. године / La presse serbe de 1768 à 1995, on a recensé 95 éditions de périodiques publiées durant la période allant de 1914 à 1918. Or, il manque des informations sur certaines revues serbes dans l’émigration. Ce manque a été compensé, au moins en partie, par Sava Palančanin dans ses Каталози / Catalogues ainsi que par Jeremija D. Mitrović dans son ouvrage Грађа за историју и библиографију српске периодике / Le matériel  pour l’histoire et la bibliographie des périodiques serbes.

[2] D. J. Filipović, « Nikola T. Daničić, le narrateur », Magazine, Corfou, n°6, 15 octobre 1917, p. 16.

[3] Branko Lazarević, « Un anniversaire triste », Magazine, n°1, 2 avril 1917, p. 1.

[4] Dans son poème, Edmond Rostand fait l’éloge du roi Pierre, de sa modeste et de son courage, et il juge sévèrement les seigneurs européens qui se trouvent, quoique dans la guerre, éloignés du front et des événements de la guerre. (Le Journal serbe, n°13, 7 mai 1916, p.1). Gabriele d’Annunzio, poète lyrique, romancier et dramaturge italien, dans son poème L’Ode au peuple serbe témoigne de ses connaissances extraordinaires de l’histoire serbe, de la guerre actuelle, des crimes que l’occupant a commis en Serbie ainsi que de ses connaissances de la poésie serbe populaire. Il conseille le peuple serbe d’y survivre et de se venger. (Le Journal serbe, n°2, 10 avril 1916, p. 2). Dans son poème Le salut à la Serbie, Jean Richepin soutient que la Serbie est un exemple pour les petits comme pour les grands pays. Il donne également une explication pour le retard de l’aide envoyée par la France aux troupes serbes. (Le Journal serbe, n° 22, 28 mai 1916, p. 1).

[5] Jovan Dučić, Ave Serbia, Le journal serbe, n° 30, 16 juin 1916, p. 1.

[6] Le pseudonyme « J » est resté une énigme, bien que Đorde Janjić soutienne dans la bibliographie de Magazine de Corfou que ce pseudonyme peut être attribué à Jeremija Živanović avec beaucoup de certitude, car il a utilisé ce code également dans Венaц  /La Couronne.

[7] D. I. Jejo, L’Hymne des combattants serbes, Le Journal serbe, n°5, 19 avril 1916, p. 1.

[8] Milutin Bojić, Le juillet est arrivé, Le journal serbe, n°47, 26 juillet 1916, p. 2.

[9] Svetislav Stefanović, Le poème d’amour, Le Journal serbe, n°11, 3 mai 1916, p.2.

[10] Vladislav Petković Dis, Parmi les siens, Le Journal serbe, n°27, 9 juin 1916, p.2

[11] Stanislav Vinaver, Les visions devant le Skadar, Le Journal serbe, n°61, 27 août 1916, p.2.

[12] Stanislav Vinaver, « Le Manifeste de l’école expressionniste », in Les courants modernes de la littérature (choix de textes et avant-propos de Radovan Vučković), Belgrade, Prosveta, Nolit, Zavod za udžbenike i nastavna sredstva, 1984, p. 98.

[13] Stanislav Vinaver fut l’un des 1300 caporaux dans le fameux Bataillon écolier avec lequel il participa à la Première Guerre mondiale et traversa l’Albanie. À Corfou, Stanislav Vinaver fut engagé en tant qu’adjudant du port, rédacteur en chef du Journal serbe et officier de l’agence de presse de l’État. Slobodan Jovanović enverra Vinaver en mission diplomatique en France et en Angleterre en 1916. Puis, sur ordre de Nikola Pašić, Vinaver partira en Russie, quelques mois avant la Révolution d’Octobre. Il s’attache à recruter des volontaires à Pétersbourg qui voulaient partir sur le front de Salonique, et il s’y applique tellement que de nombreuses compagnies militaires furent appelées Les compagnies de Vinaver. La célèbre écrivaine anglaise, Rebecca West, a évoqué Vinaver à travers le personnage de Konstantin dans son récit de voyage Agneau noir et faucon gris.

[14] Stanislav Vinaver, « Skerlić et Bojić », in Књижевна критика између два рата / La critique littéraire entre les deux guerres (1-2), Belgrade, Prosveta, Nolit, Zavod za udžbenike i nastavna sredstva, 1985, p. 163.

[15] À la veille de la Deuxième Guerre mondiale, Stanislav Vinaver publie le recueil Ратни другови / Les Amis de la guerre (1939), qui se distingue considérablement de ses ouvrages précédents et qui est considéré comme exceptionnel dans la production poétique serbe consacrée à la guerre, à cause de ses nombreuses singularités. Les portraits poétiques des amis de Stanislav Vinaver du bataillon serbe et en général de l'armée serbe, ont été peints comme réels, vifs, dans les situations concrètes de la vie quotidienne et de la guerre ainsi qu'avec beaucoup d'amour pour les paysans, les élèves, les officiers et pour les autres compagnons d’armes.

[16] Vladimir Stanimirović, Une journée de février 1915, Le Journal serbe, n°88, 29 octobre 1916, p. 2

[17] Todor Manojlović, Dithyrambe, Le Journal serbe, n°19, 14 février 1917, p. 2

[18]Le premier numéro du Magazine, numéroté, a paru comme annexe au numéro 39 du Journal serbe. Le second numéro a paru avec deux mois et demi de retard, soit seulement le 15 juin. Puis, le Magazine paraîtra régulièrement une fois par mois, c'est-à-dire le 15 de chaque mois. En 1916, huit numéros de la revue furent publiés, et dix en 1918.

[19] Branko Lazarević, « M. Bojić : Les poèmes de douleur et d'orgueil », Le Magazine, n°4, 15 août 1917, p. 12.

[20] Ibid.

[21] Todor Manojlović, « Notre art ancien et nouveau », Le Magazine, n°5, 15 septembre 1917, p.15.

[22] Dragiša Vitošević, « Le Magazine de Corfou de Branko Lazarević », L'histoire littéraire, Belgrade, n°38, 1978, p. 312.

[23] Branko Lazarević, « Un anniversaire triste », Le Magazine, n°1, 2 avril 1917, p.1.

[24] Branko Lazarević, « La littérature de la guerre », Le Magazine, n°6, 15 octobre 1917, p. 11

[25] Branko Lazarević, Božidar Purić, « Une commémoration des esprits saints », Le Magazine, n°5, 15 septembre 1917, p. 3.

[26] Nikola Antula, Dragoljub Bukvić, Jovan Varagić, Miloš Vidaković, Miodrag Vitković, Vukašin Gagović, Vlado Gaćinović, Nikola Dačić, Jovan Živanović, Borivoje Jeftić, Proka Jovkić, Petar Kočić, Milan Luković, Bora Mladenović, Radoslav Mitić, Lazar Mišković, Dragutin Mraz, Milun Ivković, Viktor Pavlović, Vladislav Petković Dis, Uroš Petrović, Milan Porobić, Sava Radovanović, Velimir Rajić, Vojislav Stanišić, Milutin Uskoković i Vojislav Čolaković.

[27] Branko Lazarević, Les poèmes de douleur et d’orgueil, Magazine, n°4, 15 août 1917, p. 12.

[28] K. Marić, « Condamnés à mort », Le Magazine, n° 2, 15 juin 1917, p.8.

[29] Todor Manojlović, L'Europe et les Allemands, Le Magazine, n°8, 15 décembre 1917, p. 2.

[30] Milivoj Nenin, « Todor Manojlović dans Le Magazine de Corfou », Polja, Novi Sad, n°340, octobre-novembre 2004.

[31] Todor Manojlović, L'Europe et les Allemands, Le Magazine, n°8, 15 décembre 1917, p.1.

[32] Jovan Dučić publie 138 poèmes dans Le Magazine dont 11 Sonnets impériaux, 11 Sonnets ensoleillés, 11 Poèmes en prose et 5 poèmes traitant les grands thèmes.

[33] Jovan Dučić, Le poème d'amour, Le Magazine, n°13, 15 mai 1918, p.7.

[34] Jovan Dučić, Soleil, Le Magazine, n°18, 15 octobre 1918, p.3.

[35] Predrag Palavestra, « L'époque du modernisme dans la littérature serbe (1910-1918) », (2), L'histoire littéraire, Belgrade, n°45, 1979, p. 237.

[36] Svetislav Stefanović, Les vaincus, Le Magazine, n°11, 15 mars 1918, p.3.

[37] Svetislav Stefanović, L'Hymne à Hénil, Le Magazine, n°17, 15 septembre 1918, p.3.

[38] Milutin Jovanović, Tes yeux, Le Magazine, n°13, 15 mai 1918, p. 8.207

[39] R.M.P, Les cœurs arrachés, Le Magazine, n°15, 15 juillet 1918, p.11.

[40] Dragiša Vitošević, Le Magazine de Corfou de Branko Lazarević, L'histoire littéraire, Belgrade, n°38, 1978, p. 295.

[41] R.M.P, La Tristesse, Le Magazine, n°8, 15 décembre 1917, p. 5.

[42] Stanislav Vinaver a fait brûler les autres parties de l'épopée Nemanja en Russie (1917-1919).

[43] Todor Manojlović, Le reflet d'Apollon, Le Magazine, n° 2, 15 juin 1917, p. 5.

[44] Todor Manojlović, Les souvenirs de Corfou, Ulaznica, Zrenjanin, n°1, 1967, p. 7-9

[45] Avgustin Ujević, Complainte quotidienne, Le Magazine, n°8, 15 décembre 1917, p. 7.

[46] En ce sens, il faut souligner plus particulièrement la contribution que des revues comme La Patrie serbe, Le Sud slave ainsi que Le Sud littéraire ont permise pour la survie de la littérature serbe durant la guerre.

[47] Dragiša Vitošević, « Magazine de Corfou de Branko Lazarević », L'histoire littéraire, Belgrade, n°38, 1978, p. 314.=


Traduit du serbe par Jelena Antić

Date de publication : juillet 2014

Date de publication : juillet 2014

 

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> Dossier spécial : la Grande Guerre

Le poème titré "Salut à la Serbie", écrit en janvier 1916, fut lu par son auteur Jean Richepin (1849-1926) lors de la manifestation pro-serbe des alliés, organisée le 27 janvier 1916 (jour de la Fête nationale serbe de Saint-Sava), dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. A cette manifestation assistèrent, â côté de 3000 personnes, Raymond Poincaré et des ambassadeurs et/ou représentants des pays alliés.

Grace à l’amabilité de Mme Sigolène Franchet d’Espèrey-Vujić, propriétaire de l’original manuscrit de ce poème faisant partie de sa collection personnelle, Serbica est en mesure de présenter à ses lecteurs également la photographie de la première page du manuscrit du "Salut à la Serbie".

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