Boško I. Bojović

Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris
European Center for Peace and Development of the University for Peace established by the United Nations, Belgrade
 
 

LES  BALKANS,  LES  GRANDES  PUISSANCES
 ET  LA GRANDE  GUERRE

DE CAUSE À EFFET

 

 

Telegram objave rata Austro Ugarske Srbiji

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Le télégramme où l'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie, le 28 jullet 1914

 

« L’histoire va devoir passer aux aveux »,
Victor Hugo


Comparé aux fronts de l'Ouest et de l'Est qui impliquaient des forces et des opérations infiniment plus importantes, lors de la Grande Guerre le front d'Orient était un théâtre d'opérations secondaire, voire un champ d'action auxiliaire, notamment dans les années 1916-1917.

Le théâtre balkanique eut néanmoins une importance disproportionnée dans le déclenchement et même dans l'achèvement victorieux de la Grande Guerre, puisque c'est la percée inattendue de l'Armée d'Orient (précédée par l'armée serbe) en automne 1918, qui précipita la réaction en chaîne de la capitulation de la Bulgarie, puis de l'Autriche et enfin de l'Allemagne.

Avec l'attentat de Sarajevo, l'ultimatum et l'attaque de l'Autriche-Hongrie contre la Serbie en juillet 1914, le déclenchement de la Grande Guerre est l'aboutissement d'une suite d'événements impliquant la succession de l'Empire ottoman, la rivalité des grandes puissances et l'aspiration des peuples (balkaniques, mais aussi ceux du Proche et Moyen Orient) issus de cet empire tentaculaire, à une émancipation politique et culturelle.

La Question d'Orient, euphémisme désignant la succession de « l'homme malade du Bosphore », fut à l'origine du Congrès de Berlin en 1878. Le concert des grandes puissances avait à cette occasion la ferme intention de juguler cette redoutable crise chronique sur le flanc sensible du Sud-Est européen.

Entre 1878 et les guerres balkaniques, la Turquie s'avéra incapable de remplir les obligations qui lui étaient imposées par les clauses du Traité de Berlin[1]. La patience excessive des grandes puissances, autant que leur laxisme dans la mise en application de leurs propres décisions, allait être un facteur déterminant dans l'éclatement de la Première guerre balkanique de 1912.

La défaite fulgurante de la Turquie, suivie de celle de la Bulgarie lors de la Deuxième guerre balkanique de 1913, allait bouleverser l'équilibre factice issu du Congrès de Berlin et ouvrir la voie à l'éclatement du conflit mondial auquel les grandes puissances se préparaient depuis des années – tout à fait indépendamment de la Question d'Orient.

Un conflit mondial qui ne fut pas simplement l'expression d'un réajustement de rapport de forces à grande échelle, mais aussi et surtout un bras de fer entre le passé et l'avenir, l'immobilisme levantin et la modernité, le féodalisme et la démocratie, les empires d'un autre âge (privés des institutions démocratiques comme le suffrage universel) et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

Lors de ce conflit entre anachronisme et modernité, les petits pays balkaniques aspiraient à une européanisation démocratique et libérale, alors que les grands empires, ottoman, austro-hongrois, russe et allemand, réfractaires aux réformes structurelles et aux changements en général, luttaient pour leur suprématie, afin de préserver leurs systèmes de privilèges, érodés par le temps et les abus à toute échelle.

La croissance démographique et la capacité de mobilisation lors de l'éclatement de la Première guerre balkanique, ne sont pas seulement des phénomènes contigus, ce sont surtout des paramètres de mobilité et de modernité, par opposition à l'anachronisme des empires, faisant partie des éléments délimitant deux types de société en ce début du XXe siècle. Ainsi, en 1912 les pays balkaniques ont fait preuve d'une remarquable capacité de mobilisation (de plus de 90%) dans des délais fort performants à l'échelle européenne, alors que l'armée turque eut toutes les peines à mettre sur pied (de l'ordre de 50%) de ses potentialités de conscription.

Contrairement à la plupart des pays européens, y compris et surtout des pays balkaniques, la Turquie du début du XXe siècle était en pleine déflation démographique.

En 1913 la population de la Turquie (dans ses frontières actuelles) est estimée à quelque 15,8 millions[2]. Organisé par la République de Turquie en 1927, ce premier recensement indique environ 13 millions d'habitants[3].

Ce recul de près de trois millions d'habitants en 14 ans ne s'explique que par le départ forcé, la déportation et l'extermination de la plus grande partie des populations chrétiennes entre 1915 et 1919-1922/23, perpétré par l'Empire ottoman et la jeune République de Turquie. Alors que l'immigration des populations musulmanes en Turquie est recensée de manière aléatoire, encore bien moins de données officielles existent pour les populations chrétiennes expurgéesde la Turquie moderne.

L'extermination de populations entières en Turquie trouve son sinistre écho en Autriche-Hongrie dès le début de la Grande Guerre, alors que des populations civiles sont également exposées aux exécutions sommaires et aux déportations selon des critères ethniques et confessionnels, bien qu'à une échelle moins systématique. S'ensuivent des exactions et exécutions sommaires perpétrées par l'armée et la gendarmerie austro-hongroise à l'encontre des populations civiles lors de l'occupation des pays balkaniques. N'ayant trouvé qu'un écho très limité dans les médias, sans aucune sanction juridique, y compris dans le Royaume de Yougoslavie (afin de ne pas envenimer les relations interethniques), l'impunité de ces crimes à grande échelle et à caractère ethnocide a certainement contribué au déchaînement de la folie génocidaire à l'échelle industrielle lors de la Deuxième Guerre mondiale.

Publié à la veille de la Grande Guerre, c'est à bon escient que le volumineux rapport de la fondation Carnegie fait état des atrocités commises notamment lors de la Deuxième guerre balkanique en 1913. Cela est d'autant plus singulièrement incompréhensible que les atrocités de la Grande Guerre n'ont pratiquement fait l’objet d'aucune commission d'enquête internationale comparable à celle organisée par la Fondation Carnegie en 1913.

Une attitude sélective issue des stéréotypes de pacotille a largement contribué à une interprétation erronée et de courte vue des réalités au sein d'une partie éminemment sensible de l'Europe. Le rôle disproportionné du Sud-Est européen dans le déclenchement de la Grande Guerre est largement imputable à cette attitude d'irresponsabilité et d'incohérence face à un baril de poudre singulièrement révélateur et déclencheur aux dépens de la sécurité de l'espace européen.

Alors que les nations et les États de l'Europe semblent avoir appris la mise en pratique du bon sens à l'issue de la Deuxième Guerre mondiale, la gestion de la succession yougoslave, voir actuellement leur  attitude face à la crise ukrainienne, révèle un singulier déficit de sens commun dès lors qu'il s'agit de s'élever au-dessus d'un manichéisme partisan et simpliste devant la complexité des conflits limitrophes qui impliquent pourtant au plus haut degré leur propre sécurité.

Au cas où l'expérience d'un passé si peu révolu et susceptible d'avoir un rôle ultime à la cour des grandes (puissances) pourrait être sérieusement prise en compte, ce passé jalonné de marques tragiques aurait pu avoir un sens, une signification, une valeur. À défaut, nous serions condamnés à la recopie de la leçon, cette fois-ci avec des conséquences indubitablement irréversibles.

Les guerres balkaniques, les grandes puissances et la Grande Guerre

À l’issue de pratiquement un siècle de luttes pour l’émancipation des peuples et des pays balkaniques par rapport à la domination ottomane, les deux Guerres balkaniques (1912 et 1913), représentent le dénouement de la Crise d’Orient. Impliquant tous les pays des Balkans, ces deux guerres sont l’aboutissement de la phase culminante de cette Question d’Orient sensiblement fastueuse de la sécurité de l’Europe dans une des périodes les plus stables de son histoire, celle qui s’étale entre la fin des guerres napoléoniennes avec le Congrès de Vienne (1815) et le Congrès de Berlin (1878), un dénouement qui était censé mettre un terme à la dite « poudrière balkanique ».

Alors que le délabrement de « l’homme malade du Bosphore » créait un vide singulièrement inquiétant pour le maintien du rapport de forces établi entre les grandes puissances européennes, l’affirmation progressive des petites nations balkaniques se déroulait dans un imbroglio d’interférences entre les intérêts croisés et contradictoires des plus grandes puissances du XIXe siècle. L’Autriche-Hongrie et la Russie avaient départagé leurs zones d’intérêt entre parties orientale et occidentale des Balkans avec, dans un premier temps, une ligne de démarcation théorique qui allait de Belgrade à Thessalonique. La principauté, puis le royaume de Serbie, ayant été largement dominés jusqu’en 1903 par une sorte de tutelle autrichienne, cette ligne de partage en puissance entre les deux empires s’établissait en pratique le long de la frontière orientale de la Serbie.

À ce rapport de forces se superposait depuis le milieu du XIXe siècle un jeu d’influences des puissances libérales et modernisantes, l’Angleterre et la France qui, par leurs agents comme le prince Czartorisky, favorisaient la création de ces jeunes états nationaux dans le but de supplanter les anachronismes des voisinages septentrionaux et orientaux du Sud-Est européen. Il est révélateur à cet effet que les programmes nationaux des pays balkaniques furent formulés de manière quasiment synchronisée à cette époque[4]. Aussi lointaine que légitime héritière de la première civilisation maritime de l’histoire de l’Humanité, la Grèce était tout naturellement dévolue à la protection de la plus grande puissance maritime de ce XIXe siècle – l’Angleterre. Enrayer un effondrement subit ou trop rapide de l’Empire ottoman était le souci majeur de l’Empire britannique – de peur qu’un tel dénouement puisse ouvrir la voie des mers chaudes par les détroits qui rallient la Mer Noire à la Méditerranée au redoutable Empire de Russie dont les potentialités et autres ressources naturelles et humaines étaient un sujet de préoccupation majeure pour l'hégémonie britannique.

Encore plus redoutable était la puissance montante de l’Empire allemand dont l’Autriche-Hongrie allait devenir l’instrument de sa politique d’expansion depuis la partie centrale du Continent européen en direction de sa partie Sud-Est. C’est au Congrès de Berlin que le chancelier Bismarck put faire sa démonstration d’arbitrage et de coordination entre les intérêts entrecroisés des puissances rivales. Ce fut en fonction des intérêts germaniques que Bismarck procéda à un réajustement des rapports de forces sur le Continent, alors que la Conférence de Berlin en 1884 imposait un partage de l’Afrique et de l’Asie entre les empires coloniaux d’une quinzaine des pays euro-américains, dont la Russie, la Turquie et les États-Unis. Après le consensus de la Sainte Alliance au début du siècle, une sorte de G5, élargi à un G-15 avant-coureur, devait régir le sort de l’Europe et du reste du Monde à l’aune d’un nouveau siècle, avec des événements autrement plus tragiques.

Quelle pouvait être la marge de manœuvre des petits pays et des jeunes nations balkaniques face aux enjeux autrement plus déterminants que leurs ambitions aussi improbables qu’unilatéralement légitimes. Ce fut néanmoins le surcroît des rivalités des grands qui ménageait une sorte d'hiatus qui rendit possible la création de l’Alliance balkanique qui devait sonner le glas de la Turquie européenne, tout en servant de prélude à la Première Guerre mondiale[5]. Démonstration, s’il en est, du côté précurseur et révélateur des Balkans dans l’histoire des recompositions des rapports de forces et des plus grandes guerres européennes[6].

Rapports de la diplomatie ottomane
(une hypocrisie consensuelle à l'échelle européenne)

Pressé mollement par les puissances européennes afin de remplir les obligations stipulées par le paragraphe 23 du Traité du Congrès de Berlin, la Turquie ne s’empressait pas d’honorer ses obligations imposées par ses protecteurs européens. La Porte misait sur la rivalité entre les « petits pays balkaniques »[7] et surtout sur les rivalités entre puissances européennes. Une politique qui allait trouver ses limites à l’issue d’un enlisement qui ne pouvait rester sans dénouement dramatique. Plus de trente années s’étaient écoulées depuis que la Porte ottomane avait mis sur pied un projet de loi en 1880 qui devait permettre la mise en œuvre des réformes exigées depuis le Congrès de Berlin et qui était la condition première du soutien des Européens à l’intégrité territoriale et à la souveraineté de la Turquie dans les Balkans. Des réformes qui devaient notamment alléger les conditions déplorables des populations chrétiennes dans la Turquie européenne[8]. Alors que la remarquable diplomatie ottomane s’employait face aux puissances européennes à remettre toujours à plus tard les réformes que la Porte s’était engagée à réaliser, les opinions publiques dans les Balkans, les tensions sur le terrain des opérations des factions rivales en Macédoine et ailleurs, l’anarchie et l’insécurité, ainsi que les exactions des musulmans albanais contre les populations chrétiennes de ce que l’on appelait alors la Vieille Serbie, favorisaient des regains de tensions. L’incapacité du concert des cinq grandes puissances à pousser la Sublime Porte à engager des réformes substantielles dans ses trois provinces balkaniques ne pouvait qu’inciter les pays balkaniques à imposer une solution concertée par voie militaire.

Après avoir conclu un système d’alliances secrètes et autres accords militaires[9], la Bulgarie, la Serbie, la Grèce et le Monténégro accomplissaient en bonne et due forme leurs mobilisations au début de l’automne 1912. Tant et si bien que les alliés ont réussi à à mobiliser près d’un million d’hommes appelés sous les drapeaux. La Bulgarie avec 296 000 hommes et la Serbie plus de 284 000 (en plus de 56 000 hommes des troupes auxiliaires et 1 500 comitadjis), avec les 45 000 militaires de réserve cantonnées en Serbie, le total représentait plus de 402 000 mobilisés.  La Grèce mobilisa plus de 108 000 appelés, sans compter ceux de sa marine qui était de force égale, sinon supérieure à celle de la Turquie et qui devait remplir une tâche essentielle – empêcher l’acheminement des renforts ottomans depuis l’Asie Mineure. Le plus petit des alliés, le Monténégro, aligna plus de 35 000 hommes, ce qui représentait le taux impressionnant de plus de 16% de sa population. La Serbie et la Bulgarie atteignaient aussi des taux de mobilisation impressionnants, respectivement 14% et 12% de leurs populations. Les taux de mobilisation côté ottoman furent en revanche particulièrement faibles, au point que les unités de ses armées n’étaient pourvues qu’à 50% environ des effectifs prévus selon leurs formations. Avec quelque 300 000 soldats mobilisés, l’infériorité numérique qui s’ensuivit, ainsi que, et vraisemblablement surtout, le moral des troupes des pays balkaniques, pèseront lourd quant à l’issue des opérations de guerre. À ce chiffre, il faudrait adjoindre un nombre inquantifiable d’irréguliers albanais, plus aptes au pillage qu’aux opérations de guerre et qui joueront un rôle mineur lors des opérations militaires [10].                                                      

                                                  Population                Armée en campagne[11]

Bulgarie                                    4 300 000                                 370 000
Serbie                                      2 900 000                                  255 000
Grèce                                       2 700 000                                 120 000
Monténégro                                 220 000                                   44 000
Empire ottoman                       26 000 000                                 340 000

À l’approche et lors du déclenchement des hostilités, la correspondance diplomatique entre les représentants de l’Empire ottoman dans les capitales européennes est particulièrement révélatrice quant à l’état des esprits en Turquie à la veille des bouleversements majeurs du début du XXe siècle. La diplomatie ottomane déploie ainsi de considérables efforts afin de susciter une action énergique des Européens contre les agissements des « petits pays balkaniques » dont la Bulgarie est perçue comme chef de file incontestable. Face à une attitude bien plus réservée de l’Angleterre par rapport à ce qu’elle fut lors de la guerre italo-turque (1911), elle évoque même la solidarité des populations musulmanes dans l’Empire britannique avec celles de la Turquie[12] (p. 106).

De même que dans la dépêche chiffrée n° 661, en date du 2 octobre, Rifaat Pacha rapportait depuis Paris :

« Le ministre de Bulgarie a fait à M. Poincaré une communication de la part de son Gouvernement demandant des réformes en Macédoine[13]. Le président lui a répondu que ce n’est pas au moment où la Sublime Porte avait décrété des réformes qu’il convenait de les lui imposer. À cela le Bulgare dit que le gouvernement impérial avait fait plus d’une fois pareille promesse sans les tenir. J’ai dit au Président que nous ne consentirons pas à une telle ingérence dans nos affaires intérieures et que nous ferons nous-mêmes les réformes.

De tout ce que j’entends, j’ai l’impression que la guerre me paraît de plus en plus inévitable ; les représentations des Puissances ne produisent pas un effet voulu. Une seule intervention aurait pu empêcher les États balkaniques de se lancer dans l’aventure, c’est celle de l’Autriche avec la Russie réunies sans arrière-pensée. Malheureusement, rien ne fait prévoir cela. Dans ce cas, comptons sur nous et préparons-nous en conséquence »[14] (p. 109).

Le 3 octobre, depuis Berlin, dans la dépêche n° 564, Osman Nizami rapporte que son interlocuteur allemand : « …croit que la Russie ne voudra pas aller jusqu’à une pression matérielle sur la Bulgarie. La Russie, dit-il, tout en voulant éviter absolument la guerre, ne voudra pas abandonner les Bulgares et les Serbes au sort qui les attend s’ils démobilisent sans avoir rien obtenu ou sans se battre » (Ottoman diplomatic documents..., cit. p. 113).

Le 4 octobre, depuis Londres, Tevfik Pacha, rapporte (doc. n° 1114), les termes de la note soumise par les pays balkaniques aux Puissances et dans laquelle elles exigent : « au moins une autonomie pour la Macédoine, la Vieille Serbie et l’Albanie, égale à celle de la Crète et du Liban, sous la protection des Puissances » (ODD..., p. 121).

Le 5 octobre, Tevfik Pacha relate néanmoins que : « Déjà peu avant la guerre turco-hellénique, quand une conférence des ambassadeurs s’était réunie à Constantinople pour examiner et étudier l’application des réformes en Macédoine malgré l’unanimité des autres Puissances, l’ambassadeur d’Autriche-Hongrie s’était seul opposé au projet de gouvernement autonome pour les provinces de Roumélie. C’était d’ailleurs là une conséquence des ambitions politiques de l’Autriche-Hongrie » (ODD, p. 127).

Un exemple des divergences au sein du concert des grandes puissances, signe avant-coureur, s’il en est, des difficultés qui seront à l’origine de la Première guerre mondiale. D’autant que, le 6 octobre, Mavroyéni Bey signale depuis Vienne une divergence similaire entre l’Allemagne et l’Angleterre (ODD, p. 133). Le 9 octobre, Fuad Hikmet Bey signale depuis Belgrade (doc. n° 399), que : « M. Daneff aurait déclaré que la guerre était inévitable si la Turquie n’exécutait pas un moment plutôt les prescriptions de l’article 23 du traité de Berlin » (ODD, p. 140). Dans le n° 406, il indique que le : « Monténégro aurait déclaré la guerre (à la Turquie) sans consentement préalable de la Serbie, mais sur l’incitation de la Bulgarie » (ODD, p. 141).

Le 10 octobre, Moukhtar Bey rapporte depuis Athènes les propos bien pesés de Venizélos : « si nous sommes déçus dans nos espoirs, le peuple hellénique sait qu’il peut avoir confiance en son armée et en sa flotte ». Paroles jugées beaucoup trop modérées par la population d’Athènes qui allait manifester son soutien devant les ambassades de Serbie et de Bulgarie, alors que : « les journaux de l’opposition commentaient défavorablement le discours du Roi qu’ils trouvaient trop pacifique en comparaison de ceux tenus par les chefs d’État des autres pays balkaniques » (ODD, p. 146). Le même jour, depuis Pétersbourg (doc. n° 732), Turkhan Pacha, reprend les mots de M. Neratow, disant que : « les Puissances étant tombées d’accord sur la formule des réformes à introduire dans les provinces de Roumélie sur la base de l’article 23 du Traité de Berlin, ont chargé leurs ambassadeurs à Constantinople d’arrêter d’un commun accord l’ensemble de ces réformes et la manière de les notifier collectivement au gouvernement impérial » (ODD, p. 147).

Ces démarches ultimes avaient pour effet d’afficher un consensus de façade alors que les rivalités entre les puissances européennes auguraient des implications autrement plus graves. Ainsi dans la dépêche émise le 13 octobre depuis Vienne, par Mavroyéni Bey (doc. n° 37 428/1192), ce dernier signale : « ce qui est certain, c’est que l’Autriche-Hongrie tâchera de déloger, même par les armes, toute puissance qui réussira à s’accaparer du sandjak de Novi Pazar. Le danger d’une guerre non seulement balkanique, mais encore européenne, réside donc là, car la Russie ne manquera pas – dans le cas de la réalisation de ladite éventualité – d’entrer elle aussi dans la mêlée » (ODD, p. 155). Des divergences entre les Puissances que Mavroyéni Bey signale encore plus explicitement le 17 octobre (doc. n° 1231) depuis son observatoire de Vienne : « La grande difficulté d’un accord entre les Grandes Puissances réside principalement dans l’opposition des intérêts austro-germaniques et slaves » (p. 165)[15].

Ce qu’il faut resituer aussi dans le contexte de tensions intérieures de plus en plus vives en Autriche-Hongrie peuplée en grande partie de nationalités slaves (46% contre 44% d'Autrichiens et d’Hongrois). Ainsi, en Dalmatie, en Croatie et en Slavonie l’opinion publique croate suivait avec le plus grand intérêt les opérations de guerre dans les Balkans, tout en manifestant un soutien ascendant à la Serbie[16].

La duplicité des dirigeants des puissances européennes à l'égard de la Turquie, qui se dégage des rapports de la diplomatie ottomane, reflète une sorte de consensus tacite quant à l'abandon de l'Empire irréformable à son sort jugé irrémédiable. Alors que le démantèlement de la Turquie européenne s'avère imparable, l'issue de la deuxième guerre balkanique ne pouvait qu'attiser encore plus les rivalités et les tensions entre les grandes puissances européennes.

Juin 1913 – Deuxième guerre balkanique

Après la fin précipitée de la Turquie européenne avec la défaite de l’armée turque et le triomphe des « petits pays balkaniques » (ainsi désignés dans la correspondance de la diplomatie ottomane), une ligne de front s’était établie entre l’armée bulgare et les armées serbe et grecque. Cette ligne suivait le partage des opérations entre les alliés en Macédoine orientale durant la guerre contre la Turquie en 1912. Le gros des forces bulgares ayant été engagé du côté de leur front oriental, la Deuxième armée serbe dut leur venir à la rescousse pour la prise d’Andrinople ; toute la Macédoine septentrionale fut libérée par les armées serbes, avec le concours quasiment symbolique d’une division bulgare.

Les hostilités entre les Bulgares d’un côté et les alliés serbes et grecs de l’autre furent déclenchées les 15 et 16 juin 1913 le long de cette ligne de partage devenant une ligne de front. Suite à la victoire de l’armée serbe lors de la bataille de Bregalnica et après que la Roumanie s’engagea contre la Bulgarie, la Grèce faisant barrage à toute ouverture bulgare sur la mer Egée, la défaite de cette dernière dans la Deuxième guerre balkanique était consommée.

Alors que la Turquie ne pouvait qu’observer de loin cette nouvelle guerre, les relations étoffées et pertinentes de sa diplomatie sont particulièrement révélatrices des jeux de rivalité entre anciens alliés balkaniques, ainsi que et surtout de l’évolution du positionnement des « Grandes Puissances » européennes. Ainsi, Séfa Bey relate le 9 juillet depuis Bucarest, que le Gouvernement de Russie ne consentirait pas à intervenir en faveur de la Bulgarie tant « que la Bulgarie n’aurait pas mis bas les armes ;  sans cette condition elle ne devait attendre aucun appui de la Russie » (ODD, II, p. 198)[17].

Comprenant un système d’alliance et en fonction des implications des grandes puissances, avec des mobilisations efficientes et des mouvements de troupes coordonnées et rapides, les guerres balkaniques ont été les premières guerres modernes à l’échelle régionale et européenne. Elles ont été le prélude à la Première Guerre mondiale à bien des égards, ainsi que de la modernité du XXe siècle, y compris en ce qui concerne l’implication des considérations humanitaires.

Arbitrages, interprétations et ingérences à l'échelle d'un siècle de conflits

Les deux guerres balkaniques ont suscité une vive attention dans les pays occidentaux, si bien que la Fondation Carnegie (fondée en 1910), constitua une commission chargée de mener une enquête approfondie sur les débordements touchant aux valeurs humanitaires[18] : « Attribuées au roi de Grèce, les accusations ahurissantes des atrocités bulgares nous offrent une grande occurrence pour une action concrète » (Eliot Rothe, président de la fondation)[19]. Composée de 8 membres issus d’Allemagne, d’Angleterre, d’Autriche-Hongrie, de France, de Russie et des USA, sous la présidence du sénateur français d’Estournelles de Constant, la commission d’enquête rendit publics ses travaux en 1914. On peut y trouver des assertions relatives aux conceptions du concert des grandes puissances d’avant l’Europe de Versailles et qui laissent à comprendre le consensus tacite qui avait laissé libre cours à l’Alliance balkanique contre la Turquie :

« …alors qu’elle avait été jugée impossible, cette victoire collective des alliés contre la Turquie, que nous continuons à considérer comme magnifique, devait libérer l’Europe du cauchemar de la Question d’Orient, tout en lui offrant un modèle d’union et de coordination qui lui faisait défaut (…) ; nous savons que cette guerre (balkanique) était le prélude d’une seconde guerre fratricide entre les alliés et que cette deuxième guerre était beaucoup plus cruelle que la première »[20].

Quant aux responsabilités :

« Les véritables responsables de cette longue liste d’exécutions sommaires, d’assassinats, d’incendies, de massacres et de cruautés dont fait état notre rapport d’enquête, ne sont pas, encore une fois, les peuples balkaniques (…) Ne condamnons pas les victimes[21]. Les véritables coupables en sont ceux qui du fait de leurs intérêts et inclinaisons, faisant valoir que la guerre était inévitable, ont agi en conséquence, arguent qu’ils étaient dans l’impossibilité de l’empêcher »[22].

La conclusion de ce Rapport de 1914 est on ne peut plus édifiante :

« Quel est le devoir des pays du monde civilisé dans les Balkans ? Il est clair qu’ils doivent en premier lieu cesser d’exploiter ces peuples pour leurs intérêts particuliers. Ils doivent les encourager à conclure des accords d’arbitrage en insistant là-dessus ».

Le sous-entendu des Balkans à l'antipode du "monde civilisé" s'impose ici en témoignage d'arrogance et d'aveuglement à la veille du déclenchement d'une barbarie dévastatrice sans précédent dans l'histoire du monde et de l'Europe. Ce qui laisse entendre aussi que la prétention aux meilleures intentions peut avoir des  conséquences dévastatrices.

Après un siècle de guerres européennes et mondiales, de guerres civiles et de guerres balkaniques qui inaugurent cette impressionnante suite de tragédies dévastatrices, force est de constater que leur interprétation témoigne de l'évolution d'un monde en pleine mutation. La remarquable discrétion dans la commémoration des guerres balkaniques pourrait et devrait sans doute susciter des études comparées et multidisciplinaires, elle est un signe des temps dont nous avons peine à mesurer encore la portée. Il suffirait de comparer substantiellement les deux rapports de la Fondation Carnegie[23], pour en avoir une première idée. Alors que le parallélisme de ces deux paradigmes de l'implication des grandes puissances et de la perception extérieure qui en résulte ne peut qu'être l'objet d'études et de relectures ultérieures, force est de signaler qu'à moins d'un siècle d'écart, l'impartialité de ce regard extérieur est loin d'avoir évolué en faveur d'un bon sens le plus élémentaire. Une instrumentalisation idéologique et politique avérée de l'arbitrage international, sans même parler de niveau intellectuel et méthodologique, ne peut être un gage probant pour l'avenir de ce point si sensible dans la géopolitique de l'Europe, exposé aux influences et rivalités toujours plus contradictoires.

Déplorant les victimes civiles de toutes les parties, le rapport de la Fondation Carnegie de 1914 apparaît sensiblement plus impartial et bienveillant. Il stigmatise ces crimes tout en signifiant qu'il refuse de juger les victimes (peuples et communautés) qui appartiennent à tous les pays des Balkans. Victimes d'une barbarie issue d'une cruauté anachronique à la manière turque et balkanique et qui avait de quoi heurter les sensibilités académiques des rapporteurs occidentaux. Anachronisme que la modernité allait supplanter et centupler par des atrocités à une échelle industrielle.

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Pendaison des civiles, Kruševac, Serbie, octobre 1915

Force est de constater que de tels rapports sont particulièrement déficitaires à l'issue de la Grande Guerre qui est pourtant à l'origine des exterminations d'une ampleur autrement plus grande touchant des populations civiles, mais aussi des militaires, par des gaz mortels et autres préfigurations des industries exterminatrices qui allaient singulariser les pages les plus tragiques du XXe siècle européen.

Ainsi, les exécutions sommaires de milliers de civils, hommes, femmes, enfants, notamment serbes, en Hongrie méridionale (Srem, Bačka, Zemun) perpétrés dès les premiers jours des hostilités déclenchées le 28 juillet 1919 par la gendarmerie, l'armée et la police austro-hongroise ; les exécutions par milliers de populations notamment rurales en Serbie du Nord-Ouest (Mačva[24], Podrinje) en 1914 et en 1915 par les Austro-Hongrois, encore des milliers de populations civiles en Serbie méridionale (Toplica, Prokuplje) en 1917 par les armées d'occupation austro-hongroise et bulgare[25]; des exécutions sommaires de milliers de civils au Monténégro (1916-1918) et en Bosnie-Herzégovine[26], encore par l'armée et la gendarmerie de l’occupant austro-hongrois[27], ainsi que bien d'autres qui n'ont point trouvé d'écho dans les rapports d'enquête et autres instances de publication occidentales[28]. Alors que ces crimes d'ampleur sans précédent ont été relatés dans les médias[29] et dûment documentés[30], y compris par les experts occidentaux les plus compétents[31]. Une discrimination des victimes, corollaire à l'impunité des exécutants et autres coupables, qui demeure occultée, alors qu'elle ne peut être étrangère à l'ampleur des atrocités envers les populations civiles, des peuples et des populations entières, qui sévissaient dans l'Europe asservie aux nazis lors de la Deuxième Guerre mondiale.

*zlocini18
Pendaison des paysannes serbes, Mačva, Serbie, 1914

En fonction des enjeux politiques et des rivalités d'influence, comme si aucun enseignement ne pouvait être tiré des expériences tragiques du XXe siècle, l'arbitrage de la "communauté internationale" lors du démantèlement sanglant de la fédération yougoslave et sa part de responsabilité quant à ses conséquences est très loin d'avoir été perçue d'une manière désintéressée et impartiale. Situant les conflits sanglants des années quatre-vingt-dix dans un contexte de barbarie entaché de stéréotypie balkanisatrice, le deuxième rapport de la Fondation Carnegie est un modèle d'instrumentalisation politique d'un arbitrage ultra-sélectif sous couvert de considérations humanitaires. Sous forme d'un consensus civilisateur au sein du concert des grandes puissances, celui de 1914 est empreint d'une certaine inconscience, autant que d'un sentiment de supériorité que la barbarie sans précédent de la modernité n'allait pas tarder à faire déchanter. Le Rapport de 1998 marque le climax d'une domination occidentale, en même temps que l'amorce de son reflux irrémédiable, déclin et régression indissociables de mystifications que seule la responsabilisation de ses acteurs de premier plan est susceptible d'enrayer et de déspassionner le débat.

Paris, octobre 2014



[1]  Dont notamment les clauses relatives aux droits civiques, la représentation de "l'élément indigène" dans les pouvoirs locaux eu égard à la scolarisation des populations chrétiennes, deux fois plus nombreuses que les musulmans dans les Balkans et environ dix fois moins scolarisées que ces derniers.

[2]  "La population de l’Empire Ottoman, dans les limites actuelles de la République, est estimée à 12,5 millions d’individus en 1884 et 15,8 millions en 1913, soit une croissance annuelle moyenne sur trois décennies de 8,1 pour mille", cf. Ceren Inan, "Population de la Turquie. Évolutions démographiques depuis 1927", Démographe, vol. 9, Institut d’études démographiques de l’Université Montesquieu–Bordeaux IV, Bordeaux 2007, p. 5. Comparé au 15-18% pour dix ans, soit deux fois plus en moyenne en Serbie, ou le premier recensement est de fait réalisé en 1834 (Leposava Cvijetić, "Попис становништва и имовине у Србији 1934 године" /Recensement de la population et des biens en Serbie 1834/, suivi de: V. Stojančević, "Копије извештаја руских конзула о стању у Турској 1964" /Copie des rapports des consuls russes sur l'état de la Turquie en 1864/, in Miscellanea 13, Belgrade 1984), p. 9-118 et 121-135 ; en 1858 en Autriche.

[3]  "Estimée en 2005 à 73 millions d’habitants, la population de la Turquie a pratiquement quintuplé entre les recensements de 1927 – premier recensement réalisé par la République – et 2000 (dernier recensement organisé), passant de quelque 13 millions d’habitants à 67 millions (figure 1). En fin de transition démographique, qui pourrait intervenir vers 2025-2030, on s’attend communément à ce que la population de la Turquie dépasse les 90 millions (Division de la Population des Nations unies, Projections de population mondiale. Révision 2006)", cf. Ceren Inan, "Population de la Turquie. Évolutions démographiques depuis 1927", Démographe, vol. 9, Institut d’études démographiques de l’Université Montesquieu–Bordeaux IV, Bordeaux 2007, p. 1.

[4]  D. Mackenzie, Balkan Bismarck (East European Monographs, No. 181). 467 p, Boulder, Col. 1985; Id., Ilija Garašanin — državnik i diplomata, Beograd, 1987, p. 65 ; B. Bojović, « Entre convergences et disparités. Les Balkans entre ingérences et responsabilisation (XIXe-XXe s.) », Историјски записи, LXXXIII/1 (2010), p. 55-72 ; id., Византија-Балкан-Европа (Byzance-Balkans-Europe), Belgrade 2014, p. 275-277 (sous presse).

[5] S. Audoin-Rouzeau, H. Rousso, Anne Duménil, Ch. Ingrau, "Les sociétés, la guerre et la paix, Europe, Russie-URSS, Etats-Unis, Japon, 1911-1946", Historiens et géographes, n° 383, octobre 2003, p. 137-212, publient une bibliographie des guerres de cette époque avec un total de 1 375 titres, dont seulement cinq consacrés aux guerres balkaniques, alors que J.-J. Becker, "La guerre dans les Balkans, 1912-1919", Matériaux pour l'histoire de notre temps (2003), p. 4, reconnaît que l'historiographie française s'était "peu intéressée aux Balkans dont les peuples avaient pourtant subi les effets de la guerre à partir de 1912, et pendant sept ans", cf. F. Guelton, "Les opérations militaires lors des deux guerres balkaniques de 1912 et 1913", in J.-P. Bled et J.-P. Deschodt (dir.), Les guerres balkaniques 1912-1913, Paris 2014, p. 19.

[6] B. Bojović, ”Балканы между евроатлантическими интеграциями, их препятствиями и задержками - Восточный вопрос – от развязки до новых путаниц (1878-2011)”, Зборник радова Међународног научног скупа : Россия и Балканы в течение последних 300 летРусија и Балкан током последња три стољећа, Москва-Подгорица 2012, p. 127-142 ; id., ”The Balkans – an indicator and anticipation of euro-atlantic contradictions”, National Reconciliation, ethnic and Religious Tolerence in the Balkans. Reconciliation and Human Security, Center for Peace and Developement of the University for Peace established by the United Nations, Belgrade 2013, p. 31-49.

[7]  Ainsi, le 10 octobre, Tvfik Pacha rapporte depuis Londres (n° 1155), qu’une désignation de caïmakans bulgares ou grecs dans différentes cazas selon la proportion de nationalité de la population « comme  je l’avais fait remarquer alors au Baron de Calice, n’aurait fait qu'exciter davantage les rivalités et l’antagonisme des deux éléments hostiles bulgare et grec », Ottoman diplomatic documents on the Origins of World War One. The Balkans Wars 1912-1013 (First part), ed. S. Kunarlap, G. Tokay, The Isis press, Istanbul 2012, p. 147.

[8]  Au milieu du XIXe siècle les populations chrétiennes sont plus que deux fois plus nombreuses que les musulmans dans les Balkans (env. 10 millions d'orthodoxes et arméniens, ainsi que 640 000 catholiques, contre 4 550 000 musulmans), cf. H. Bozarslan, Histoire de la Turquie. De l’Empire à nos jours, Paris 2013, p. 160.

[9] R. Raspopović, ”Velike sile i stvaranje saveza balkanskih država 1912” (Les grandes puissances et la création de l'Alliance balkanique 1912), Istorijski zapisi LXXXV 3/4 (2012), p. 7-28.

[10]  M. J. Milićević, Balkanski ratovi (1912-1913) (Les guerres balkaniques: 1912-1913), Beograd, 2013 (sous presse). Alors que les Albanais musulmans étaient l'instrument principal de la domination ottomane dans les Balkans et en Europe, cf. H. Bozarslan, Histoire de la Turquie. De l’Empire à nos jours, Paris 2013, p. 189.

[11]  Présenté en chiffres arrondis et synthèse issue de différentes sources, ce tableau est tiré de l'article du colonel Frédéric Guelton, "Les opérations militaires lors des deux guerres balkaniques de 1912 et 1913", in J.-P. Bled et J.-P. Deschodt (dir.), Les guerres balkaniques 1912-1913, Paris 2014, p. 20.

[12] Ottoman diplomatic documents on the Origins of World War One. The Balkans Wars 1912-1013 (First part), ed. S. Kunarlap, G. Tokay, The Isis press, Istanbul 2012, p. 106.

[13] Au début du XXe siècle la Turquie compte 3 217 écoles, dont 363 appartenaient aux communautés non musulmanes, alors que les populations non musulmanes constituent environ 40% de la population de l'Empire (H. Bozarslan, Histoire de la Turquie. De l’Empire à nos jours, Paris 2013, p. 178). Cette disproportion de scolarisation aux dépens des non musulmans est encore plus importante dans les Balkans et notamment en Macédoine.

[14] Ottoman diplomatic documents on the Origins of World War One. The Balkans Wars 1912-1013 (First part), ed. S. Kunarlap, G. Tokay, The Isis press, Istanbul 2012, p. 109.

[15] Ottoman diplomatic documents on the Origins of World War One. The Balkans Wars 1912-1013 (First part), ed. S. Kunarlap, G. Tokay, The Isis press, Istanbul 2012, p. 165.

[16] S. Matković, Hrvatska percepcija balkanskih ratova” (La perception croate des Guerres balkaniques), Istorijski zapisi LXXXVI 3/4 (2013), p. 69-83.

[17] Ottoman diplomatic documents on the Origins of World War One. The Balkans Wars 1912-1013 (Second part), ed. S. Kunarlap, G. Tokay, The Isis press, Istanbul 2012, p. 198.

[18] P. Simiić, ”Izveštaji Karnegijeve zadužbine za međunarodni mir o balkanskim ratovima iz 1914. i 1996. godine” (Les rapports de la Fondation Carnegie sur les guerres balkaniques de 1914 et 1996), Istorijski zapisi LXXXVI 1/2 (2013), p. 131-150.

[19] The Other Balkan Wars: A 1913. Carnegie Endowment Inquiry in Retrospect with a New Introduction and Reflections of the Present Conflict by George Kennan, M. Abramowitz, Preface, Carnegie Endowment for International Peace, Washington, D.C. 1993. p. 1.

[20] The Other Balkan Wars: A 1913. Carnegie Endowment Inquiry in Retrospect with a New Introduction and Reflections of the Present Conflict by George Kennan, Carnegie Endowment for International Peace, Washington, D.C. 1993. p. 1.

[21]  Sur le thème sensible de la mémoire et de son instrumentalisation, il est dans les usages près d’un siècle plus tard de porter des jugements bien plus tranchants, moins nuancés et surtout dépourvus d'impartialité. Développant son argumentaire sur l’usage d’une « mémoire exemplaire potentiellement libératrice » et assimilée à la « justice », (p. 31, 32), auquel doit obéir un travail d’historien fait de « sélection et de combinaison nécessairement orienté par la recherche, non de la vérité, mais du bien » (p. 50), ce qui ne peut manquer d’aboutir à un choix « entre deux buts différents ; non entre science et politique, mais entre une bonne et une mauvaise politique » (p. 50), cf. Tz. Todorof, Les abus de la mémoire, Arléa, Paris 2004 ; en s’impliquant dans ce « nouveau culte de la mémoire », cet auteur semble avoir fait ses choix de prédilection en revenant notamment presque plus souvent sur les crimes attribués à un seul parti en Bosnie (p. 48, 26, 52, 55), qu’à ceux des nazis durant la Deuxième guerre mondiale (p. 10-12, 14, 16, 28, 34, 38-40, 43).

[22] The Other Balkan Wars, op. cit., p. 18.

[23]  Dotation Carnegie pour la Paix Internationale. Enquête dans les Balkans, Rapport, présenté aux Directeurs de la Dotation par les Membres de la Commission d'enquête, Centre Européen de la Dotation Carnegie, éditions Georges Crés et Cie, Paris 1914; Report of the International Commision. To Inquire into the Causes and Conduits of the Balkan Wars, Carnegie Endorment for International Peace. Division of Intercourse and Education. Publication n° 4, Endorment, Washington 1914; M. Abramowitz, Preface, The Other Balkan Wars : A 1913. Carnegie Endowment Inquiry in Retrospect with a New Introduction and Reflections of the Present Conflict by George Kennan, Carnegie Endowment for International Peace, Washington, D.C. 2nd edition, June 1, 1993, 418pp.; Nicholas Murray Butler (Carnegie Endowment for International Peace), explains the need for the compilation of the report in the preface : “The conflicting reports as to what actually occurred before and during these wars, together with the persistent rumors often supported by specific and detailed statements as to violations of the laws of war by the several combatants, made it important that an impartial and exhaustive examination should be made of this entire episode in contemporary historie" (http://archive.org/stream/reportofinternat00inteuoft#page/n5/mode/2up), cf. Vivien Magyar, "The Two Carnegie Reports: From the Balkan Expedition of 1913 to the Albanian Trip of 1921", Délkelet Európa – South-East Europe International Relations Quarterly, Vol. 3. No.1. (Spring 2012) 2 p.; Nadine Akhund , « The Two Carnegie Reports: From the Balkan Expedition of 1913 to the Albanian Trip of 1921 », Balkanologie, Vol. XIV, n° 1-2 | décembre 2012, [En ligne], mis en ligne le 06 février 2013. URL : http://balkanologie.revues.org/2365.

[24]  Plus de 3.000 civils, hommes, femmes, enfants et vieillards furent sommairement exécutés en 12 jours seulement rien que dans le district frontalier de la Mačva, dès août 1914. Sans tenir compte des conventions de La Haye, l’armée austro-hongroise avait des consignes écrites pour appliquer en territoire serbe la plus grande rigueur et sévérité envers les populations civiles. Слађана Бојковић, М. Пршић, Страдање српског народа у Србији 1914-1918 (Le calvaire du peuple serbe en Serbie 1914-1918), Историјски музеј Србије / Стручна књига, Belgrade 2000, p. 10-11

[25]  Le chiffre de 8 767 victimes civiles des représailles commises par l’armée austro-hongroise et bulgare dument recensés s’élève jusqu’à une estimation qui porte le chiffre à 20 000 victimes dans les districts de Toplica, Vranje et Kopaonik, Слађана Бојковић, М. Пршић, op.cit. p. 17.

[26]  V. Ćorović, Црна књига. Патње народа Босне и Херцеговине за време светског рата 1914-1918 (Le livre noir. Les souffrances du peuple de Bosnie-Herzégovine lors de la Guerre mondiale 1914-1918), Belgrade 1989.

[27]  Parmi les prisonniers de guerre internés dans les camps de concentration on estime à 2/3 de ceux qui sont morts en Autriche-Hongrie et environ ½ en Bulgarie. La délégation serbe à la Conférence de Versailles avait soumis une liste de 1 247 435 victimes de la guerre en tout, ce qui représente près de 1/3 de sa population et fait de la Serbie le pays avec le plus grand nombre de victimes par rapport au nombre de sa population, В. Стојанчевић, Србија и српски народ за време рата и окупације 1914-1918 (La Serbie et la peuple serbe du temps de la guerre et de l'occupation 1914-1918), Leskovac 1988.

[28] H. Sundhaussen, Geschichte Serbiens 19-21. Jahrhundert, Wien-Koln-Weimar 2007 ; Х. Зундхаусен, Историја Србије од 19 до 21 века, Belgrade 2008, p. 237-241.

[29]  Henri Barby, le correspondant du Journal de Paris, Crawford Price, celui du Times, ainsi que le photographe russe Tchernov, ont été parmi les plus connus de ces reporteurs de guerre (cf. Le Miroir, n° 50, 8 nov. 1914 ; n° 52, 22 nov. 1914 ; The Times History of the War, vol. II, Printed and Published by « The Times », London 1915, p. 394-400), sans que ces reportages, ainsi que les rapports de la commission composée d’universitaires serbes en février 1915 soient sérieusement pris en compte et relayés dans la autres médias occidentaux.

[30] Т. Искруљев, Распеће српског народа у Срему 1914 и Маџари. Са маџарске границе, Бајски трокут, Сент Андрија (La crucifixion du peuple serbe dans le Srem 1914 et les Hongrois. Depuis la frontière hongroise, le Triangle de Baïa, Saint André), Novi Sad 1936, 640 p. + 61 ph.; В. Ћоровић, Црна књига – патње Срба Босне и Херцеговине за време светског рата 1914–1918 (Le livre noir de la persécution des Serbes de Bosnie et Herzégovine au cours de la Première Guerre mondiale 1914-1918), Belgrade 1989 ; Ј. R. Lampe, Yugoslavia as History: Twice there was a Country, Cambridge University Press, First published 1996, Second edition 2000 ; Слађана Бојковић, М. Пршић, Страдање српског народа у Србији 1914-1918 (Le calvaire du peuple serbe en Serbie 1914-1918), Историјски музеј Србије / Стручна књига, Belgrade 2000, 629 p.; M. Portmann, Aspekte des nationalen Konflikts in Bosnien-Herzegowina von 1878 bis 1945, Grin Verlag 2001 ; Ђ. Стоичић, Јиндриховице – маузолеј српских заробљеника и интернираца из Првог светског рата (Jidrihovice - mausolée des prisonniers et internés serbes de la Première guerre mondiale), Belgrade 2006.

[31]  Un premier rapport du criminologue et professeur à l’Université de Lausanne Archibald Reiss, bien qu’incomplet et fait en septembre-novembre 1914, alors qu’une partie de la Serbie était déjà sous l’occupation, fait état de plus de 2 300 victimes dans la Mačva, dont 1 750 hommes, 570 femmes et 87 enfants de moins de 10 ans, alors que 489 hommes et 73 femmes étaient portés disparus. Les 1 500 déportés de la ville de Šabac ne sont pas inclus dans de décompte. Les atrocités commises lors de ces exécutions sommaires et autres barbaries de l’armée austro-hongroise sont dument décrites et scientifiquement classées par le criminologue suisse, avant d’être rendues publiques dans une partie de la presse à Lausanne, Paris et Amsterdam, sans pour autant connaître une plus vaste diffusion, émois ou indignation dans les médias des pays alliées. Report upon the atrocities committed by the Austro-Hungarian army during the first invasion of Serbia Rodolphe Archibald Reiss - Simpkin, Marshall, Hamilton, Kent & Co., Ltd., London en 1916 ; R.-A. Reiss, Les infractions aux règles et lois de la guerre, Ed. Payot 1918; Z. Levental, Rodolphe Archibald Reiss, criminaliste et moraliste de la Grande guerre, Lausanne 1992.


Date de publication : février 2015

> Dossier spécial : La Serbie dans la Grande Guerre

 

Date de publication : juillet 2014

 

> DOSSIER SPÉCIAL : la Grande Guerre
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Le poème titré "Salut à la Serbie", écrit en janvier 1916, fut lu par son auteur Jean Richepin (1849-1926) lors de la manifestation pro-serbe des alliés, organisée le 27 janvier 1916 (jour de la Fête nationale serbe de Saint-Sava), dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. A cette manifestation assistèrent, â côté de 3000 personnes, Raymond Poincaré et des ambassadeurs et/ou représentants des pays alliés.

Grace à l’amabilité de Mme Sigolène Franchet d’Espèrey-Vujić, propriétaire de l’original manuscrit de ce poème faisant partie de sa collection personnelle, Serbica est en mesure de présenter à ses lecteurs également la photographie de la première page du manuscrit du "Salut à la Serbie".

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