L’HOMME QUI MANGEAIT LA MORT SOUS LES REGARDS CROISÉS DE LA CRITIQUE FRANÇAISE
Dossier de presse : extraits
Borislav Pekic, L’homme qui mangeait la mort, traduit du serbo-croate par Mireille Robin, Editions Agone, 2005
Publiée d’abord en 1988 chez un petit éditeur – Éditions du Titre – la traduction de Mireille Robin de L’homme qui mangeait la mort est passée inaperçue en France. Sa réédition en 2005 chez Agone a en revanche reçu un accueil favorable, voire enthousiaste de la critique française comme le démontrent des extraits sélectionnés présentés ci-dessous.
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« Une œuvre de virtuose »
Jean-Louis Popier est un obscur gratte-papier qui, en 1792, occupe le bureau jouxtant le tribunal révolutionnaire. Son travail de greffier est simple : il enregistre les sentences et les transmet à un fonctionnaire chargé de dresser la liste des personnes à exécuter. Mais un jour, Popier a faim. Au moment de croquer son pain, il entend des pas. Il cache son méfait dans le premier papier venu et le range dans sa poche. Le soir, lorsqu’il déplie son quignon, l’homme s’aperçoit avec stupeur que l’emballage n’est rien de moins qu’une condamnation à mort. Pour effacer toute trace, il n’a qu’une solution : l’avaler en petits morceaux. C’est ainsi qu’il mange sa première mort. Car, de ce jour, il décide d’épargner d’autres vies. Il devient Dieu. Cette fable est signée Borislav Pekic, né dans les Balkans et mort à Londres en 1992. En moins de cent pages, cet écrivain décrypte la bêtise avec une jouissance peu commune. Une œuvre de virtuose.
Christine Ferniot, « L’avaleur », Lire, 1er novembre 2005.
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« Une fable extraordinaire »
L’Homme qui mangeait la mort est une fable extraordinaire. Une leçon d’histoire, et de littérature. Ce texte effronté, ô combien jouissif, est sorti de l’imaginaire d’un de nos voisins européens, Borislav Pekic. Serbe d’origine aroumaine, l’écrivain – et aussi dramaturge, nouvelliste, essayiste… – est né en 1930 au Monténégro. Il meurt en 1992 à Londres. Dans un préambule à son grand œuvre, La Toison d’or, saga familiale et fantasmagorique qui s’étire sur cinq siècles de l’histoire des Balkans, il résume ainsi son travail : « Je ne souhaitais plus interpréter ma propre destinée. Ce qui comptait désormais à mes yeux, c’était de percevoir les événements passés du dedans, dans leur processus, de les filmer de l’intérieur, de revivre, autant que possible, ces temps révolus grâce à mon imagination. » Des Balkans à Paris, Borislav Pekic décape la cruauté, la bêtise, tranche dans les désastres. Le tout avec un humour féroce. Ce qui est peut-être bien une forme de tendresse.
Martine Laval, « Sapeur Popier », Télérama, 14/09/2005.
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« Un récit d’une inquiétante étrangeté »
Le gratte-papier du Tribunal révolutionnaire mange ses condamnations comme on mange la consigne. Un récit d’une inquiétante étrangeté pour découvrir Borislav Pekic. […]
Rigoureusement fantaisiste, gravement drôle, Borislav Pekic fait du rond-de-cuir Popier un personnage mémorable. Cet art de la fantasmagorie brillante rappelle les doubles sens et les doubles jeux d’un Leo Perutz. Voilà qui permettra sûrement de passer ensuite à La Toison d’or.
J-M. M., « Un saint greffier », Livres Hebdo, 16-23/09/2005.
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« Un livre habile, dans le sens noble du terme »
L’époque : la Révolution française ; le régime : la Terreur ; le lieu : le greffe du Tribunal révolutionnaire ; le protagoniste : Jean-Louis Popier, greffier de ce tribunal dont Fouquier-Tinville est l’Accusateur public ; les personnages : des condamnés à être guillotinés. Voici l’exposition de ce drame qui se situe entre l’historique et l’imaginaire. Quant au développement : par accident d’abord, puis par volonté, Jean-Louis Popier mange certaines condamnations qu’il devrait enregistrer, sauvant ainsi la vie d’hommes et femmes aux prises avec l’aberration de la mécanique implacable de la Terreur. […] Borislav Pekic réussit, avec une adresse digne des meilleurs bretteurs, à toucher aux points les plus sensibles nos préjugés et autres certitudes sur une époque que les manuels scolaires ont longtemps glorifiée. Sans y paraître, l’écrivain monténégrin aborde par le flanc un sujet ô combien épineux : non seulement il traite de la Révolution française, mais, par-delà l’époque et le lieu, de toute révolution…
Si l’écriture de Borislav Pekic n’a rien de révolutionnaire, elle n’en est pas moins adroite à dégauchir un style classique parfois gondolé par le temps. C’est un livre habile, dans le sens noble du terme. Quelque écrit qui, tout en distrayant, donne à penser, et voilà bien la littérature qui s’avance. Littéralement « littérature » ne veut-il pas dire écriture, et l’écriture n’est-elle pas le lieu où les neurones opèrent leur propre révolution ? > Texte intégral
Daniel Leduc, « Borislav Pekic, L’homme qui mangeait la mort », Le Littéraire.com, 01/10/2005.
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Une « implacable réflexion sur le Mal »
L’homme qui mangeait la mort […] se présente comme la biographie d'un certain Jean-Louis Popier, greffier au tribunal institué par la Révolution française, sous la Terreur. Pekić, facétieux, jouant d’une érudition toute borgésienne, réussit à transformer sa petite fable historique en implacable réflexion sur le Mal. Pourfendeur des idolâtres, vraisemblablement réactionnaire, Pekić ne cède cependant jamais aux facilités de la contre-révolution : il s’en tient à une dissection distanciée, mais non moins efficace, d’une machine destructrice érigée en mythe. > Texte intégral
Olivier Noël, « L’homme qui mangeait la mort de Borislav Pekić », Fin de partie, 03/02/2006.
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Une fable sur « l’aspiration à la liberté »
Comment se forge-t-on une conscience en ce monde ? La réponse de Borislav Pekic est pleine d’une richesse métaphorique et anthropologique peu commune : par le hasard. La conscience de soi et du monde peut nous tomber dessus comme le ciel sur la tête ; elle peut tout aussi bien se loger dans la petitesse des choses ordinaires que dans la brutalité des actes sociaux, s’apparenter à une révélation dans le désert autant qu’à un accident de parcours dans la paisible linéarité des jours. Dès lors entrevoyons-nous, fût-ce faiblement, ce qui demeure vivant une fois que la société a érigé ses miradors : l’aspiration à la liberté. > Texte intégral
Marc Villemain, « La mort dans ses petits papiers », Newsletter des Livres n° 68, Fondation Jean-Jaurès, mars 2006.
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« Une fable savoureuse »
Ce récit de l’écrivain Borislav Pekic (1930-1992) s’ouvre sur un silence, celui de l’Histoire qui ne s’intéresse jamais qu’aux grandes figures, celles qu’on trouve à la proue des évènements et dont la stature finit par occulter tous les anonymes alentour. Le héros - malgré lui - de ce texte très court est un greffier, nommé Jean-Louis Popier, à qui l’auteur va offrir de tenir enfin la place qui lui revient dans l’histoire de la Révolution française, et plus spécifiquement durant cette période hautement troublée de la Terreur, alors que la guillotine propose ses services rapides et efficaces à un Comité de Salut Public avide d’éliminer tous les ennemis de la République. […]
Borislav Pekic nous offre un passionnant document, tout à la fois historique et imaginaire, autour d’une période bien sombre de l’Histoire de France, dont l’intensité permet de mettre en relief le questionnement sur la culpabilité et le pardon ainsi que les critères du jugement. Mais c’est aussi une fable savoureuse sur le souffle de l’imagination dans ses rapports à l’histoire. Popier n’aurait-il pas existé et viendrait-il grossir artificiellement la cohorte des anonymes dévorés par la Révolution, que son existence n’en serait pas moins tout aussi légitime que celle de Robespierre, à qui Pekic nous dit qu’il ressemblait tant. Car l’essentiel ici est de donner à entendre la vérité embaumée dans les pages stériles du document historique. Et cette vérité passée sous silence, seule l’imagination est en mesure de la faire sourdre du corps desséché de l’archive. > Texte intégral
Nikola Delescluse, « L’homme qui mangeait la mort de Borislav Pekić », Paludes, 2 février 2007.
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« Un vrai petit bijou »
L’Homme qui mangeait la mort, nouvelle forte, intelligente et sensible, est un vrai petit bijou. D’une plume délicate et sûre, Borislav Pekić y dresse l’extraordinaire portrait d’un héros de l’ombre, discret et presque anonyme, comme l’Histoire en a connu tant, au milieu des ordures, mais qu’elle s’empresse d’oublier. Si le cadre de la Terreur est superbement utilisé (en dépit de quelques petites maladresses, du moins j’en ai l’impression), il va de soi que cette chronique a quelque chose d’intemporel, d’anhistorique, et l’on ne peut que penser, à sa lecture, aux héros inconnus d’autres périodes sanglantes, qui, par un geste, une décision vite destinée à sombrer dans l’oubli, ont sauvé des vies. Sous cet angle, c’est un hommage superbe et vibrant.
Mais c’est aussi une petite merveille d’écriture, astucieusement construite, palpitante de la première à la dernière page, et d’un style tout à fait délicieux, mettant en abîme l’enquête et le roman historiques, dans une synthèse adroite et réjouissante. Texte d’une profonde humanité, L’Homme qui mangeait la mort ne saurait laisser indifférent, et séduit sous tous les angles. > Texte intégral
« L’homme qui mangeait la mort de Borislav Pekic », Nebalestuncon.over-blog.com, 29 septembre 2011.
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