Šćepanović, Branimir (1937-2020)

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SOUS LA LOUPE


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L'Été de la honte
Le Rachat

 

 

 

Jeune prodige du Monténégro débutant sa carrière d’écrivain à l’âge de dix-sept ans, Branimir Šćepanović s’est imposé d’emblée – après la parution de son premier recueil de nouvelles Avant la vérité (Pre istine,1961) – comme l’une des figures singulières de la littérature serbe contemporaine. Passionné par l’écriture mais peu prolixe, ce nouvelliste et romancier confirmera par la suite, d’un livre à l’autre, sa singularité créatrice, marque indubitable d’un talent hors du commun. Cette singularité de l’écrivain, autant louée par la critique serbe que par la critique française, se manifeste aussi bien dans sa vision particulière du monde présenté souvent comme grotesque ou absurde que dans l’authenticité de son style d’écriture ou encore, et peut-être avant tout, dans « l’étrangeté » de ses récits : tout en mettant en scène des histoires insolites où s’entremêlent les images de la réalité la plus tangible à des visions fantastiques et poétiques, les récits de Šćepanović se transforment souvent en une allégorie ou en une parabole, ce qui leur donne effectivement un aspect énigmatique, voire étrange.

L’univers que dépeint cet écrivain se présente presque toujours comme le théâtre d’une impitoyable confrontation, le plus souvent entre un groupe tenant des valeurs collectives et un individu dont le comportement, expression de son libre-arbitre, est considéré comme un outrage à ces mêmes valeurs. Ce face-à-face violent permet à l’écrivain, d’une part, de jeter une nouvelle lumière sur les phénomènes qui touchent à l’essence même de l’existence humaine et, d’autre part, de donner à ses récits un rythme particulier qui tient sans cesse le lecteur en haleine.

Ce thème de la confrontation qui tourne vite à un face-à-face sans merci apparaît dès son premier roman intitulé L’Été de la honte (Sramno leto,1965). Brutalisé, chassé de son pays natal, le héros y revient plusieurs années plus tard pour tenter de s’y intégrer. Prêt à pardonner malgré la haine qu’il nourrit à l’encontre de ses compatriotes, habitants d’un village monténégrin, il se laisse envahir par un fort sentiment de pitié qui le replace dans une situation d’infériorité : humilié une nouvelle fois par les villageois, le héros se verra finalement contraint de quitter à jamais son pays natal.

Ce thème de la confrontation constitue également l’un des sujets principaux du livre maître de  Šćepanović, La Bouche pleine de terre (Usta puna zemlje, 1974) où le talent singulier de l’écrivain trouve sa meilleure expression. Dans ce roman-allégorie qui met en scène un face-à-face dramatique entre un individu apparemment innocent et une foule enragée, le conflit qui surgit sans raison apparente se transforme soudainement en une véritable chasse à l'homme ! Apprenant dans un hôpital qu'il est atteint d’une maladie incurable, le héros décide de rentrer dans son pays natal où, songe-t-il, il pourra, en tant que maître de son destin, choisir librement la manière dont il va mourir. Cependant, une fois arrivé, il devient la cible, sans savoir pourquoi, d'une poursuite effrénée qui, au fur et à mesure, prend une allure fantasmagorique : fuyant une meute déchaînée, le héros est amené à faire face à des situations extrêmes aux confins de la vie et de la mort qui, finalement, font tomber tous les masques. Car cette descente aux enfers du héros principal est vécue dans le même temps comme l’ultime heure de vérité, l’heure des révélations de soi-même et des autres.

Enfin, le thème de chasse à l'homme se trouve aussi au centre de l’intrigue du Rachat (Iskupljenje, 1980), dernier roman de Šćepanović. Comme les protagonistes des livres précédents, Grégoire Zidar, un chauffeur de camion, n'a pas non plus la possibilité de choisir : il devient victime sans en connaître la raison précise. Par ailleurs, son histoire est tout aussi étrange : revenu fortuitement sur le lieu où, pendant la guerre, il a accompli un acte héroïque pour lequel on lui a érigé une statue de bronze, le héros se trouve brusquement dans une situation presque surnaturelle, régie par le pur hasard : il se voit confronté d’abord à sa propre allégorie, à son double personnifié par cette statue de bronze, et ensuite à toute la société. Menacé par la foule acharnée qui fera tout pour le réduire à son statut anonyme afin de préserver l’image de l'Histoire pétrifiée, il ne se sauvera qu'en renonçant à sa véritable identité.

Traduits en plusieurs langues, les livres de Šćepanović ont également trouvé un accueil favorable en France, en particulier La Bouche pleine de terre, roman qui fait partie de la Bibliothèque idéale de Bernard Pivot. Quant à ses nouvelles, elles figurent dans plusieurs anthologies publiées à l’étranger : citons en particulier l’Anthologie mondiale de la nouvelle, parue aux Etats-Unis en 1969 et l’Anthologie de la nouvelle européenne contemporaine publiée au Danemark en 1976. D’après la nouvelle « La Mort de Monsieur Golouja », le cinéaste américain Alan Wade a réalisé le film Julian Po sorti en 1997.

Branimir Šćepanović est aussi l’auteur de pièces dramatiques et de scénarios de film. Il vivait à Belgrade où il avait exercé pendant un certain temps la fonction de directeur artistique d’Avala Film.

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