LA LITTÉRATURE SERBE DANS LE CONTEXTE EUROPÉEN
TEXTE, CONTEXTE ET INTERTEXTUALITÉ

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Sava Andjelković
Université Paris IV-Sorbonne, France
 

JOVAN STERIJA POPOVIĆ ET L'HÉRITAGE DRAMATIQUE 
EN FRANÇAIS ET EN ALLEMAND


Résumé

L’article traite des rapports d’intertextualité entre les comédies de Jovan Sterija Popović et l’héritage littéraire français et allemand. Sterija lui-même cite de nombreux auteurs dans ses préfaces et ses articles, tandis que ses personnages débattent des écrivains et aussi de leurs œuvres. La présente étude s’intéresse aux transferts de sujets d’une littérature à une autre et de la transformation du matériau d’un genre littéraire à un autre, l’intertexte étant un point d’appui sur lequel vient s’articuler le thème.

 

Mots-clés

Intertextualité, comédie, genre littéraire, personnage dramatique, Boileau, Molière, Zschokke.

 

L’œuvre de Sterija, pas plus que celle d’autres auteurs serbes, ne peut être entièrement comprise sans le cadre des courants littéraires euro­péens. Toute son œuvre constitue un système unique qui ne peut se com­prendre en dehors de systèmes littéraires plus vastes, tant européens que serbe. Sterija lui-même a nommé les auteurs qui peuvent être pertinents pour son théâtre : Carlo Goldoni, Lope de Vega, Shakespeare, Corneille, Iffland[1] et Lichtenberg[2]. En tant que ministre de l’Enseignement, il en a introduit d’autres dans les programmes scolaires, les considérant appropriés à l’éducation de la jeunesse serbe : Wieland[3], Jean-Paul Richter[4], Gottsched, Lessing, Schlegel, Herder. Il a lui-même traduit plusieurs auteurs : aphorismes de Voltaire, quelques extraits de Rousseau, ainsi que des poèmes et des satires d’Horace.

Dans sa dernière création romanesque Roman bez romana [Roman sans roman, 1838], où les liens intertextuels sont particulièrement prononcés, il rend hommage à Cervantes et reproche aux Serbes de ne pas avoir traduit les romans du Français Lesage, de l’Anglais Sterne et de l’Allemand Wieland. Les similarités entre les tragédies de Sterija et celles de Shakespeare, les couches intertextuelles manifestes[5], sont l’un des thèmes incontournables des spécialistes de Sterija. Lorsqu’on étudie ses comédies (genre littéraire qui n’est pas encore fixé chez les Serbes à son époque), une approche intertextuelle est plus que légitime.

Sterija comptait sur un troisième maillon dans la chaîne du pro­cessus intertextuel, à savoir le lecteur. Il avait toujours présent à l’esprit le public pour lequel il écrivait, qu’il ne cherchait pas à flatter, mais auquel il ne voulait pas non plus imposer ce à quoi ce public n’était pas prêt. Il savait pertinemment combien les connaissances littéraires préalables jouent un rôle déterminant dans la perception d’un texte, et à quel point l’attention du lecteur est un élément important de cette perception (« le lecteur perspicace remarquera aisément, sans mes éclaircissements… »). Soulignons que Sterija était un bon connaisseur de la littérature de l’Antiquité et de la littérature européenne [Flašar, 1988], et que l’examen des livres de sa bibliothèque qui ont été conservés montre qu’il a abondamment souligné, ce qui prouve « une lecture plus qu’attentive ». [Tokin, 1956, 447.]

La pratique littéraire et l’influence des théoriciens
allemands et français

La tradition littéraire, et celle de la comédie en français et en al­lemand, ont un rôle initial dans l’œuvre dramatique de Sterija, eu égard à la situation de discontinuité dans la littérature serbe au moment où appa­raît Sterija. La comédie de Sterija a des points de contact avec des œuvres solidement ancrées dans l’héritage littéraire européen, ainsi qu’avec d’autres qui sont tombées dans l’oubli ; ces dernières sont surtout des œuvres en allemand qui, tout comme leurs auteurs, n’ont pas surmonté l’épreuve du temps. Sterija reconnaissait trouver ses idées chez d’autres écrivains, mais soulignait également que son œuvre était originale, préci­sant que l’auteur dont il s’inspirait et lui-même avaient certes la même idée de départ, mais que leurs approches étaient différentes.

Il est certain que Sterija connaissait les points de vue théoriques de Gottsched[6], Lessing et Schlegel[7] qu’il lisait dans l’original. Dans son article "Nešto o kritiki" [À propos de la critique ], Sterija proclame que, pour juger d’un livre, il faut avoir une bonne connaissance d’Aristote et d’Horace, connaître la Dramaturgie de Lessing par cœur, lire les conseils de Boileau aux écrivains et Vorlesungen über dramatische Kunst de Schlegel [Popović 2001, 35]. Un spécialiste du XXe siècle de la littéra­ture française note :

Sterija, qui connaissait beaucoup mieux la littérature allemande que la littérature française, a certainement accédé à Boileau par l’intermédiaire des Allemands, peut-être par Gottsched. Il est toutefois intéressant qu’en cette occasion il laisse de côté Gottsched, qu’il évoque par ailleurs sou­vent et connaît certainement de plus près ; on dirait qu’il ne le range pas parmi l’élite des théoriciens et des critiques. Cela peut amener à la con­clusion indirecte que Sterija se rendait compte que Boileau était le maître, tandis que Gottsched n’était quand même que son élève. [Vitanović, 1971, 220.]

Nous pouvons mettre en rapport le rationalisme de Sterija avec l’exigence pour Lessing que toute pièce ait une morale précise, en raison des comédies de Sterija comportant une note morale à la fin. De même, la conception de Lessing, pour qui l’œuvre comique agit en copiant fidèle­ment la nature au moyen de portraits caractéristiques, rejoint la peinture par Sterija de caractères et de défauts typés. Nous considérons que Sterija s’est éloigné de Lessing sur le plan des idées, car l’œuvre de Sterija ne comporte pas d’idées de protestation politique ni de revendications libé­rales pour des changements sociaux, bien qu’on y trouve certains signes d’idées subversives. Pour l’humour et le rire, Sterija s’en tient aux procé­dés satiriques et parodiques tels que ceux de Wieland et de Jean-Paul.

L’héritage allemand

Les écrivains allemands étaient connus des Serbes de Voïvodine (qui faisaient alors partie de l’Empire d’Autriche), grâce aux réformes scolaires menées par l’État habsbourgeois pour rompre ou du moins atté­nuer les liens entre les Serbes et la Russie. Tout comme ses lecteurs, Ste­rija connaissait bien l’allemand, ce que confirment les premières éditions de ses comédies Laža i paralaža [À menteur, menteur et demi, 1830] et Tvrdica [L’Avare, 1837] qui ont, à côté de leurs titres serbes, des titres en allemand : Der Lünger und Zulünger et Der Geitzhals. Le nouvelliste Heinrich Zschokke[8] et l’auteur dramatique August von Kotzebue[9] étaient très populaires. On lisait plus volontiers Schiller que Goethe, trop sérieux, froid et rationnel pour les lecteurs de Voïvodine. Tous ces écrivains ont leur place dans l’œuvre comique de Sterija.

Jelica, l’héroïne d'À menteur, menteur et demi s’enthousiasme pour Schiller et Goethe, qui sont ses auteurs préférés. Les personnages littéraires deviennent exemplaires pour Jelica, lorsqu’elle trouve en eux des modèles pour sa propre vie. En confrontant ses sentiments aux émo­tions des personnages de papier de ses livres de chevet, elle se vit comme l’héroïne de plusieurs fictions littéraires.

On trouve l’opinion que, en plaçant deux écrivains éminents parmi les lectures favorites de Jelica, Sterija

[…] s’est rapproché des conceptions de l’époque des romantiques et postromantiques, qui considéraient que le ton moralisateur, sentimental et larmoyant de la littérature allemande, sensible surtout dans les drames d’Iffland et de Kotzebue, n’était qu’un écho des œuvres de jeunesse de Goethe, et surtout de Schiller. [Živković, 1994b, 12.]

Goethe et Schiller ne sont pas des sujets de moquerie pour Sterija, bien qu’à cause de Jelica ils se retrouvent sur un pied d’égalité avec des auteurs de littérature triviale, ce qui irritait certains critiques de Sterija. Ils ne servent en fait à Sterija que pour un débat sur les lecteurs, car l’identification de Jelica lectrice avec tel ou tel héros d’une autre fiction n’implique nullement qu’elle soit une lectrice cultivée. À ce titre, le choix du drame de Schiller Les Brigands[10] est indicatif : Jelica le lit avec autant d’enthousiasme qu’elle peut en avoir pour la littérature populaire sans intérêt, mais elle le lit à sa façon. Elle ne voit pas en Karl Moor un idéa­liste qui ne trouve pas sa place dans la société, qui déclare la guerre à un monde où règnent le despotisme et la tyrannie, le mensonge et l’immoralité, pas plus qu’elle ne s’intéresse au brigand qui se livre aux autorités pour accomplir une bonne action envers le pauvre qui touchera la récompense pour sa tête. Sa lecture, superficielle, ne vise que ce qu’elle souhaite lire chez Schiller :

Ne savez-vous donc pas que Karl Moor aimait Amalia contre la volonté de son père ? [II, 4 : 60.]
Ah, mon Dieu, comme Amalia a répondu, quand Moor était à ses ge­noux ! [I, 8 : 43.]

Dans la première version d'À menteur, menteur et demi, c’est pour des vers allemands tout à fait banals de Clauren[11] que s’enthousiasme Jelica, alors que dans la seconde c’est pour des vers de Goethe. Dans quelle mesure l’auteur souhaite-t-il changer son personnage et en quoi sa position envers les poètes a-t-elle évolué ? En fait, les passages que cite Jelica représentent son choix personnel parmi la multitude de vers de Goethe. Dans cette seconde version de la pièce, elle se montre toujours comme une lectrice de mauvais goût, car elle se représente Goethe seule­ment comme un écrivain sentimental. Les affinités de l’auteur n’ont pas changé d’une version à l’autre, c’est d’une autre transformation qu’il s’agit. Sterija, qui était toujours à l’écoute de son entourage et qui suivait les changements de goût et de conduite de ses concitoyens, a, semble-t-il, adapté les lectures préférées de son personnage féminin au profil du pu­blic. Lorsqu’Aleksa confirme que Clauren (dans la première version) ou Goethe (dans la seconde) écrit magnifiquement, Jelica a, chaque fois, une réplique comportant le même point essentiel : « Tous le louent d’être un écrivain à la mode ». Ainsi Sterija a-t-il consigné le changement d’« écrivain à la mode », Clauren sortant de la sphère d’intérêt des lec­teurs de Voïvodine pour être remplacé par le jeune Goethe, de plus en plus populaire.

Les écrivains à la mode chez les lectrices de Voïvodine sont alors Zschokke pour la prose, et Kotzebue pour le théâtre. À en juger par les périodiques en serbe, Zschokke a longtemps occupé la première place parmi les œuvres traduites, jusqu’après 1848. [Skerlić, 1925, 61.] C’est lui qu’utilise Jelica pour adresser des reproches à son père : « Oh, petit papa, si Zschokke et les autres romanciers vous entendaient, ils vous in­tenteraient un procès. » [II, 7 : 73], tandis que Kotzebue lui sert à décrire l’élu de son cœur : « […] plus beau qu’Apollon, comme écrit Kotzebue. » [II, 1 : 53.]

Une comédie de Sterija écrite lors de sa période belgradoise, Džandrljiv muž [Le Mari acariâtre, 1909], est particulièrement intéressante pour son intertextualité : nous y trouvons un commentaire sur une pièce du répertoire théâtral de l’époque, le drame Griseldis de Friedrich Halm :

Le parrain : […] Toi, par exemple, si tu avais vu Griseldis, tu aurais une toute autre opinion des femmes. […] Comment une femme s’est sa­crifiée pour son époux.
Maksim : Quoi, quoi ? Au théâtre peut-être, mais dans la vie il n’y a pas de tel miracle. […]
Le parrain : Tout d’abord elle a sacrifié son propre enfant par amour pour son mari ; puis, comme celui-ci l’exigeait, elle s’est séparé de lui et a souffert comme personne ; enfin elle s’est elle-même sacrifiée pour lui. [II, 4 : 421-422.]

L’idée d’une mise à l’épreuve d’un personnage « fictionnel de théâtre », Griseldis, et celui d’un personnage « réel », la femme de Mak­sim, est développé par Sterija dans deux scènes de cette comédie. L’épisode de Griseldis avec son action intertextuelle n’a pas porté ses fruits, mais la tentative de Sterija n’en est pas moins intéressante : il cherche à se servir pour l’intrigue de sa pièce, non pas seulement d’un détail, mais de tout le récit dramatique d’une œuvre théâtrale, ou plus précisément il veut se servir de la représentation, et non pas seulement d’un texte de théâtre. Un tel débat entraîne un conflit entre l’illusion scé­nique et la réalité de la société, qui doit à son tour apparaître comme une illusion scénique sur les planches du même théâtre.

L’héritage français

D’après Tokin, qui eut en mains une partie de la bibliothèque de Sterija, celui-ci avait lu dans sa jeunesse Wieland, grand connaisseur de la littérature française, qui allait être fructueuse pour la création de Sterija. [Tokin, 1957.] Tokin considère que Wieland fut non pas le seul mais le principal « médiateur » dans la découverte par Sterija de la culture fran­çaise.

Voyons à quels écrivains français il se réfère dans la comédie À menteur, menteur et demi, par l’intermédiaire de son principal personnage féminin, Jelica, lorsqu’il la montre à sa première apparition sur scène, lisant un roman traduit du français en allemand :

Jelica : […] Ainsi cette princesse : elle souffrait et se languissait, sans même savoir qu’elle était une princesse. […] Et combien de princesses malheureuses et de héros je verrais tomber amoureux, souffrir, se tuer, ah, qu’est-ce que je ne lirais pas, si seulement je savais le français ! [I, 2, 21-22.]

Bien que cette réplique ne permette pas de conclure quel roman français peut bien lire Jelica, un auteur [Rotar, 1982, 281] a avancé de façon erronée qu’il pourrait s’agir de Paul et Virginie (1788) de Bernardin de Saint-Pierre, dont la traduction allemande était parue en 1795. Il ne peut s’agir de ce roman, puisque Virginie, si elle est noble, n’est toutefois pas princesse, et que de plus elle ne se tue pas par amour. De toute façon, Sterija, par le truchement de Jelica, ne débat pas ici de ce roman, mais d’un genre littéraire, celui des romans d’aventures et d’amour, et aussi de leurs lecteurs.

Jean Marmontel était très populaire grâce à son roman Bélisaire (traduit en 1776), mais c’est avec sa nouvelle « Lausus et Lydie » (des Contes moraux traduits en serbe par Dositej Obradović) que Sterija établit des liens intertextuels, car il y trouve une héroïne amoureuse avec qui Jelica peut se comparer à un moment décisif : « C’est seulement par son silence que Lydie a confirmé à Lausus qu’elle l’aimait. Il en est de même pour moi. » Une autre réplique de Jelica en révèle encore plus sur elle, toujours par l’intermédiaire d’un texte français : « Ah, Sue lui-même ne pouvait être ainsi, quand il écrivait Rodin. » Jelica exprime l’idée qu’Eugène Sue, auteur du Juif errant, devait avoir les mêmes sentiments alors qu’il créait son personnage impassible.

Sterija fera entrer également un personnage d’un roman de Florian (personnage devenu aussi un personnage d’un roman de Sterija lui-même !) dans le catalogue des héroïnes livresques sentimentales et lar­moyantes de Jelica, à l’aune desquelles elle mesure ses propres émotions. Ainsi tournera-t-il en dérision son œuvre littéraire de jeunesse, tout en parlant d’intertextualité : il reconnaît avoir utilisé Florian non seulement pour son roman Svetislav et Mileva, mais encore pour un autre roman Boj na Kosovu ili Milan Toplica i Zoraida [La Bataille de Kosovo ou Milan Toplica et Zoraida, 1828], où il recourut largement (en restant dans le modèle de la tradition romanesque serbe de l’époque) aux motifs espa­gnols et maures de Gonzalve de Cordoue ou Grenade reconquise (1791) de Florian.

D’autres comédies font aussi la place à des références littéraires. Dans Volšebni magarac [LÂne magique] un personnage évoque le « Ma­gasin de Mrazović », qui est en fait la traduction par Mrazović (publiée à Vienne en 1793) du Magasin des enfants de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont (1711–1780), où se trouve le célèbre conte La Belle et la bête.

La comédie Beograd nekad i sad [Belgrade autrefois et mainte­nant, 1853] est l’occasion d’un débat sur les femmes écrivains, envers qui Sterija, pourtant considéré par certains critiques comme étant conservateur, fait preuve d’ouverture et de bienveillance. Du reste, les prises de position des personnages de cette comédie tardive de Sterija s’intègrent parfaitement au portrait de groupe de citadins aux conceptions nouvelles :

Velimir : Elle va devenir une George Sand.
Milan : Mais c’est une honte pour nous que les dames n’écrivent pas de livres. Elles ont une sensibilité, une tendresse, et une imagination parti­culière, dont les hommes ne peuvent absolument pas faire preuve. [II, 1 : 43-44.]

Sterija confirma son penchant pour la littérature française et les bons textes dramatiques par ses choix de traducteur. Il traduisit, pour les besoins du répertoire des théâtres où il exerçait, Hernani de Victor Hugo (représenté le 19 juillet 1842) et Les Fourberies de Scapin de Molière (joué le 22 février 1848). Ces pièces ne devaient toutefois laisser aucune trace sur l’œuvre dramatique ultérieure de Sterija. L’affirmation selon laquelle Sterija aurait écrit son Ernani en prose « vraisemblablement à partir d’une traduction allemande », et traduit Les Fourberies de Scapin du français [Stojković, 1979,76,81] n'est qu'une hypothèse non confirmée. La traduction des Fourberies de Scapin semble perdue, tandis que pour Ernani, qui n'a été publié que récemment[12], il est autant difficile d'avancer que Sterija l'a traduit directement du français, que de soutenir qu'il n'avait sous les yeux qu'une traduction allemande.

Transferts de sujets

Le recours à des œuvres et des écrivains existants, quelle que soit la forme que l'auteur reprend, peut être envisagé du point de vue de l'auteur et de son rapport à l'acte d'écrir ; pour une œuvre dramatique, destinée à être jouée, l’angle sous lequel le récepteur perçoit l’intertexte est essentiel. Le transfert de sujets d’une littérature à une autre, la trans­formation du matériau en passant d’un genre littéraire à un autre, se fon­dent sur un intertexte comme point d’appui sur lequel vient s’articuler le thème. L’altération de la forme d’une œuvre peut amener un renouvelle­ment de son sens, mais dans les comédies de Sterija on a plutôt affaire à une transformation de la fonction de l’hypotexte dans le nouveau texte.

Le thème de la femme méchante est un thème comique fréquent dans le patrimoine dramatique européen. La version la plus fameuse est La M!ùégère apprivoisée de Shakespeare. D’après la préface de Sterija à sa pièce Zla žena [La Femme méchante, 1838], l’idée de départ pour cette histoire du « traitement » d’une comtesse trop gâtée est empruntée, et non originale. Sterija cite l’auteur, l’Allemand Weisse[13] : « […] entre mon œuvre et celle de Weisse il n’y a aucune autre ressemblance que l’idée première, que chacun de nous a utilisée et traitée selon sa vision et son goût, Weisse pour un opéra féérique (Zauber-Oper), et moi pour une co­médie naturelle. » À la différence de Weisse, chez qui la méchante épouse d’un noble se retrouve femme d’un cordonnier par l’intervention d’un magicien, Sterija utilise le procédé du quiproquo entre une comtesse et la femme d’un cordonnier, évitant ainsi tout recours à la magie. L’historien de la littérature Pavle Popović est revenu à plusieurs reprises dans ses articles sur les sources de cette comédie, et a montré que le texte de Weisse est une traduction-adaptation d’une comédie en anglais de l’Irlandais Charles Coffey, The devil to pay or the wives metamorphosed (1731), elle-même imitée d’une pièce d’un auteur dramatique anglais, John Devon, The devil of a wife or a comical transformation (1686). Ce texte de Devon a abouti, par imitation ou transformation, à d’autres hy­pertextes dans plusieurs littératures européennes : en France (Le Diable à quatre, ou la femme acariâtre de Sedaine, que Sterija n’avait pas eu moyen de connaître), Autriche (Weibercur, oder der lüstige Schüster de Matthäus Stegmayer[14]), Italie (Le donne cambiate, de Gasparo Gozzi, en 1841) et Allemagne (Weisse).

Sterija avait pu voir en octobre 1828 à Budapest l’opérette de Paër et Stegmayer [Tokin, 1956, 37]. A-t-il par ailleurs lu le texte de Weisse ou bien l’a-t-il vu représenté sur scène ? Quoi qu’il en soit, il s’agit bien d’une transformation de genre, puisque le thème d’un spectacle musical se retrouve chez Sterija sous forme d’une comédie, Zla žena [La Femme méchante], du reste originale bien qu’il ait emprunté le thème et les personnages princi­paux. On peut remarquer que Sterija a consacré un acte entier à présenter le caractère de la femme méchante, et que les apparitions des personnages sur scène sont plus justifiées dans sa pièce, qui offre, en dépit de ses dé­fauts, une meilleure structure et des caractères mieux campés que chez ses prédécesseurs. [Popović, 1965, 91.]

La seule pièce de Sterija dont les sources n’aient pas été étudiées est Simpatija i antipatija [Sympathie et antipathie, 1909]. Sterija ayant explicitement mentionné l’auteur et le titre du texte dont il s’est servi (Zschokke, Die Verklärungen) et son procédé littéraire (la parodie), les historiens de la littérature se sont con­tentés de ces informations données par l’auteur lui-même dans le manus­crit de sa pièce.

Le roman de Zschokke dont il est question [Zschokke, 1836, 9-118], plutôt oublié aujourd’hui (mais que j’ai eu l’occasion de lire en pré­parant ma thèse de doctorat sur les comédies de Sterija), se compose de 24 chapitres dont chacun porte un titre, le dixième étant celui repris par Ste­rija « Sympathie und Antipathie ». Mené à la première personne, il se déroule dans les années 1770 en Italie. Les personnages sont un comte allemand, von Dormegg, sa fille Hortensie, le docteur Walter, le prince italien Carlo et le narrateur allemand, Faust, qu’Hortensie appelle « Em­manuel ». Voyageant en Italie, Faust fait la connaissance du comte et de sa fille, atteinte d’une étrange maladie qui lui fait pressentir toutes sortes de choses, si bien que son père suit ses conseils. Comme elle le souhaite, le comte propose à Faust de devenir son secrétaire, ce que celui-ci accepte après avoir hésité. Il ne tarde pas à remarquer la conduite étrange d’Hortensie à son égard, alternant entre une vive sympathie quand elle est dans un état de demi-rêve (dont elle affirme à Faust qu’il s’agit pour elle d’un pont entre la vie extérieure et la vie intérieure) et une forte antipathie lorsqu’elle semble davantage consciente. L’état d’Hortensie s’améliore toutefois grâce à la présence de Faust, ce que remarque son soupirant, le prince Carlo, qui la connaît depuis plus longtemps que Faust. L’histoire se poursuit et, après plusieurs péripéties, Faust et Hortensie finissent par se marier.

Dans Sympathie et antipathie de Ste­rija, l’héroïne Agnica n’est pas noble, mais elle lit Zschokke et s’inspire de la maladie du personnage d’Hortensie. Le docteur de Zschokke et celui de Sterijia (Makarijus) n’ont rien en commun sinon leur titre. Chez Ste­rija, le héros Dimitrije, voisin d’Agnica, n’a pas de rival comme l’est Carlo pour Faust ; il n’est pas plus noble qu’Agnica, même si celle-ci voit en lui son « prince ». Sterija n’a donc retenu du roman que l’idée de dé­part, qui apparaît dans le monologue introductif d’Agnica (la « maladie » causant l’ambivalence des sentiments de l’héroïne envers le héros, dont va jouer Agnica pour épouser Dimitirje malgré l’hostilité de ses parents). L’intertextualité s’efface ainsi devant le rôle même de l’intertexte, dans le débat que mène l’écrivain sur la littérature. 

Sympathie et antipathie est-elle par ailleurs vraiment une paro­die ? Si l’on part de Schlegel (bien connu de Sterija), selon qui la parodie traite de choses banales avec un style élevé, ou de Bergson pour qui elle traite d’un sujet sérieux dans un style bas, ou de Denise Jardon [1995, 174] qui, reprenant Genette, parle d’un thème transformé et rendu vul­gaire, on constate que la comédie de Sterija s’écarte en fait de toutes ces définitions. Par ailleurs, comme dans la parodie, le lecteur ou le spectateur doit être amené à reconnaître les ressemblances et les différences par rap­port au modèle, on peut douter que la pièce puisse aujourd’hui être lue ou jouée comme une parodie, puisque Zschokke, populaire du temps de Ste­rija, est maintenant bien oublié, y compris en Suisse.

Trois comédies de Sterija peuvent être rapprochées de comédies de Molière par leur thématique : Laža i paralaža [À menteur, menteur et demi], Tvrdica [L’Avare] et Pokondirena tikva [La Courge qui se donne de grands airs]. [Andjelkovic, 2003,127.] Il est certes possible de comparer les personnages des Précieuses ridicules avec ceux d'À menteur, menteur et demi, mais tout comme on pourrait compa­rer des personnages de pièces appartenant à un même genre, ou encore de textes relevant de genres littéraires différents. De telle comparaisons res­tent improductives si l’on n’étudie pas les fonctions des personnages comparés dans chacun des textes : en l’occurrence, les personnages mas­culins des Précieuses ridicules, qui se présentent sous de fausses identités, ont pour but de confondre les deux sottes, tandis que chez Sterija c’est le duo de trompeurs (avec également de fausses identités) qui sera con­fondu ; ainsi c’est le thème du mensonge et de la tromperie qui est mis en avant chez Sterija, celui de la préciosité passant au second plan. Du reste, par les titres mêmes des deux pièces, chacun des auteurs montre bien quel est pour lui le thème dominant. Chez Molière, ridiculiser les précieuses sert surtout de revanche pour les deux jeunes gens, tandis que Sterija place la critique sociale au premier plan, avec le but de montrer la préciosité comme un phénomène négatif chez les commerçants nouveaux riches, incarnés en la personne du père de Jelica.

La critique littéraire, à la recherche des modèles de Sterija, a aussi insisté sur le thème de la préciosité pour La Courge qui se donne de grands airs. Fema, riche veuve d’un cordonnier qui décide soudain que tout autour d’elle doit être « noble », est mise en rapport avec Philaminte, Armande et Bélise des Femmes savantes, et sur­tout avec Monsieur Jourdain du Bourgeois gentilhomme. Dans la pièce de Sterija il n’y a pas de conflit père-fils autour de la même jeune fille (comme dans L’avare de Molière), mais rivalité mère-fille (bien involon­tairement de la part de cette dernière) pour savoir qui épousera le « philo­sophe » Ružičić. Ces recherches pour trouver à tout prix des ressem­blances ne permettent en fait d’établir aucun lien intertextuel entre La Courge qui se donne de grands airs, ni du reste À menteur, menteur et demi et n’importe quel texte de Molière. Si nous reprenons les réflexions de Genette sur l’intertextualité comme phénomène transtextuel et les caté­gories qu’il propose – paratextualité (titre, préface, postface), métatextua­lité (texte en tant que relation critique), architextualité (types de discours et mode d’énonciation) et hypertextualité (lien reliant un hypertexte B à un texte précédent A, pour le transformer et l’imiter) – nous ne trouvons pas d’éléments d’intertextualité dans les deux comédies de Sterija.

Ce n’est qu’avec L’Avare [1937] de Sterija que nous pouvons parler de rapports intertextuels, sans aucun doute au niveau du paratexte, tout d’abord par le titre même de la pièce, qui annonce l’intertextualité avec la comédie de Molière. Sterija fit une déclaration très indicative à ses contemporains : « J’ai écrit L’Avare pour les Serbes comme Molière l’avait fait pour les Français. » C’est bien en cela que réside la différence fondamentale, à laquelle s’ajoutent de nombreuses autres divergences entre les deux pièces. Le développement de l’intrigue est moins poussé, moins complexe chez Sterija que chez Molière. L’avare Kir Janja se distingue par les particularités de son parler, lié à sa psycho­logie de Cincar[15], qui suscite encore un rire moqueur chez le spectateur d’aujourd’hui. Kir Janja, nouveau venu en Voïvodine, est confronté à un milieu qui agit sur lui : son avarice vient de sa peur des temps nouveaux, où les habitudes anciennes sont abandonnées et où l’argent est dépensé pour la mode.

À la différence de Molière, Sterija construit dans sa comédie l’exposition, le nœud de l’intrigue, les péripéties et le dénouement en s’attachant constamment au caractère de l’avarice de son personnage-titre. Il introduit des épisodes nouveaux, jamais superflus, lorsque les précé­dents ont été menés à leur terme ou lorsque leur réalisation est différée. Harpagon est un type général d'avare dans une pièce où dominent des éléments de comédie de caractères, tandis que Kir Janja est un avare dont le caractère s'est formé dans un milieu social plus étroit, déterminé avec précision ; riche des caractéristiques locales, régionales de son époque, il tire toute la pièce vers la comédie de mœurs. À la différence de Molière, tout chez Sterija est subordonné à Kir Janja en tant que porteur du vice et à l’argent lui-même.

Sterija savait fort bien à quel point son Avare était différent de celui de Molière. Dans la comédie de Sterija il n’existe ni « dialogisme » avec Molière (au sens de Bakhtine) ni « présence effective » du matériau (au sens de Gérard Genette). [Andjelkovic, 2008, 157.] Il n’a ni la dyna­mique, ni les intrigues complexes du grand Molière ; mais c’est précisé­ment ce « défaut », cette infériorité dans la complexité d’intrigue de son Avare, qui rend peut-être sa pièce meilleure que celle de Molière. Son personnage d’avare est réalisé de façon plus conséquente, dépassant même, dans ses malheurs qui l’amènent au désespoir, le genre de la co­médie (sans toutefois en sortir) ; de plus, la comédie de Sterija n’est pas encombrée de reprises inutiles de l’héritage des comédies de l’Antiquité et de la Renaissance, à la différence de L’Avare de Molière, avec la recon­naissance finale d’Anselme et le triomphe de la jeunesse pour les deux couples heureux à la fin de la pièce.

Les comédies de Sterija qualifiées de « moliéresques » ont certes une dose de naïveté, ainsi que de petites maladresses dans la construction dramatique. Le « non-dit jusqu’au bout » est l’une des caractéristiques de ses comédies, qui promettent plus qu’elles ne donnent ; elles présentent des écarts par rapport aux conventions du genre, mais ceux-ci favorisent en fait leur réception à notre époque.

Conclusion

Si nous définissons l’intertextualité comme un phénomène par le­quel une œuvre littéraire, de façon motivée et consciente, entre en rapport, dans une plus ou moins grande mesure et de diverses manières, avec un autre texte (ou plusieurs autres textes), sans le(s)quel(s) il ne pourrait naître ni être ce qu’il est, la création de Sterija, tout comme celle de nombre d’auteurs, doit être envisagée à travers le prisme de l’intertextualité. Par son évaluation d’écrivains et d’œuvres littéraires du corpus européen, à travers plusieurs personnages comiques, il établit indubitablement des liens intertextuels avec des textes qui sont plus ou moins des références. Grâce à l’héritage européen, Steriija a créé une litté­rature authentique.

Nous pensons que Sterija s’est servi d’auteurs populaires à son époque parce que ses lecteurs potentiels étaient familiarisés avec leurs œuvres, et qu’il les a choisis de ce fait comme point de départ dans sa création d’auteur comique. Inspiration décisive ou seulement idée initiale, ces points d’appui sur des œuvres littéraires d’auteurs mineurs ou impor­tants se sont toutefois alliés chez Sterija avec un talent personnel pour transformer la réalité, bien plus que l’héritage littéraire, en matériau co­mique ; et c’est ce qui fait l’originalité de l’œuvre comique de Sterija. Sa créativité individuelle s’affirme par sa capacité à traiter dans ses comédies des hommes et des problèmes de son temps et de son espace, d’une ma­nière qui dépasse ces frontières spatio-temporelles. Que ses références aient été Molière ou bien des auteurs comiques allemands alors très po­pulaires, mais maintenant oubliés, ce sont toujours ses propres capacités créatrices qui ressortent au premier plan.
 

Bibliographie

a)

Popović, Jovan Sterija (1886),  Laža i paralaža [prva verzija], Pančevo, Naklada knjižare Braće Jovanovića.

Popović, Jovan Sterija (1927), Celokupna dela 1. Belgrade, Narodna prosveta.

Popović, Jovan Sterija (1930), Celokupna dela 2. Belgrade, Narodna prosveta.

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Popović, Jovan Sterija (2008), Ernani Viktora Igoa, (éd. S. Anđelković), Vršac, KOV.

b)

Andjelkovic, Sava (2003), Les comédies de Jovan Sterija Popović, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion.

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Govedić, Nataša (2008), "Drames du pouvoir et spectres Européens", in S. Andjelkovic, P-L. Thomas (éd.), Jovan Sterija Popović. Un classique parle à notre temps, Paris, L'Harmatan, p. 53-67.

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Резиме
             ј. с. поповић и драмско наслеђе на француском и немачком језику

У раду се испитују интертекстуални односи које успостављајају Стеријине комедије са књижевним наслеђем на француском и немачком језику. Он сам помиње многе ауторе у предговорима и чланцима, док његови ликови расправљају о њима, као и њиховим делима. Прати се миграција појединих сижејних целина из једне књижевности у другу и преобликовање материјала из једног књижевног облика у други при чему основи интертекст има тачку ослонца око које се артикулише тема.

Кључне речи

Интертекстуалност, књижевни облици, комедија, драмски лик, Боало, Молијер, Чоке.

Summary
             jovan sterija popović and the dramatic heritage in french and in german

The paper deals with intertextual relations between Jovan Sterija Popo­vić’s comedies and French and German literary inheritance. Sterija himself mentions many authors in his prefaces and studies, whereas his characters have discussions about writers as well as their works. The study focuses on the transfer of subjects from one literature to another, and how literary material undergoes changes when passing from one genre to another, the intertext being a support on which the theme is structured.

 

Key words

Intertextuality, comedy, literary genre, play character, Boileau, Molière, Zschokke.

 

NOTES

[1] August Wilhelm Iffland (1759-1814), auteur dramatique et acteur, a écrit un essai Théorie de l’art théâtral.

[2] Georg Christoph Lichtenberg (1724-1799), auteur d’Aphorismes.

[3] Christoph Martin Wieland (1733-1813), satiriste, est l’auteur de Die Geschichte der Abderiten, Geschishte des Agathon, Sympathien.

[4] Johann Paul Friedrich Richter (pseudonyme Jean-Paul), auteur de plusieurs romans et d’une Esthétique (où il expose sa théorie de l’humour et du comique) ; en le recommandant, Sterija souligne que Richter en savait plus que tous les écrivains serbes réunis.

[5] Voir, par exemple, "Drames du pouvoir et spectres européens" [Govedić, 2008].

[6] Johann Chistoph Gottsched (1700-1766), théoricien et traducteur des classiques français, auteur de Versuch einer kritischen Dichtkunst (1730), important pour sa réforme du théâtre allemand, visant à rapprocher les textes dramatiques et leur représentation. Il s’appuyait essentiellement sur l’enseignement classique de Boileau.

[7] Friedrich Schlegel (1772-1829), écrivain, traducteur, critique littéraire et théoricien. Œuvres principales : le roman Lucinde (1799) et Geschichte der alten und neuen Literatur (1814), où il souligne le droit de chaque peuple à utiliser sa langue.

[8] Heinrich Zschokke (1771-1848), auteur allemand qui vécut surtout en Suisse.

[9] August von Kotzebue (1761-1819), auteur de plus de 200 pièces de théâtre de genres variés. Sterija traduisit l’une de ses pièces en un acte Le Fiancé et la fiancée en une seule personne, et introduisit dans les programmes scolaires de Serbie des extraits de ses textes (à côté de Goethe et de Schiller).

[10] Cette pièce (Die Räuber,1781) n’avait pas encore était traduite en serbe à l’époque, elle ne le sera qu’en 1861.

[11] Carl Heun Clauren (1771-1845), littérateur oublié, qui par ses textes triviaux mais distrayants était l’un des auteurs favoris dans la première moitié du XIXe siècle. Le titre de sa nouvelle « Mimili » (1819) a donné naissance à un néologisme « mimilisme » pour désigner un style banal et un ton pleurard.

[12] V. Popović, 2008.

[13] Chrétien-Felix Weisse (1726-1804), auteur d’opéras comiques et de comédies, chez qui on remarque l’influence de Molière et de Sedaine. L’œuvre dont s’est inspiré Sterija est Die verwandelten Weiber (1752).

[14] Matthäus Stegmayer (1771-1820), acteur viennois, auteur du livret de l’opérette de Ferdinand Paër (1814), avait aussi réalisé sur le même thème une ébauche pour une pantomime et une pièce en un acte (restée en manuscrit) Die verwandelten Weiber.

[15] Cincar (prononciation « Tsintsar », parfois transcrit autrefois en français Zinzare) : membre d’une communauté ethnique d’origine roumaine dispersée à travers les Balkans, notamment en Grèce et en Macédoine ; leur nom vient du chiffre cinq, qu’ils prononcent « tsints » et non « tchintch » comme les Roumains, ce qui est pris comme étant une caractéristique emblématique de leur parler par les Slaves des Balkans : les Cincari hellénisés faisaient souvent du commerce (comme d’ailleurs le père de J. S. Popović) et le mot cincar a pris en serbe un second sens, celui de « commerçant mesquin et âpre au gain », et plus largement d’« homme avare ».

 


Publié sur Serbica.fr le 27 juillet 2012

Pour citer cet article :

Andjelković, Sava, « Jovan Sterija Popović et l’héritage dramatique en français et en allemand », in Srebro, M. (dir.), La Littérature serbe dans le contexte européen : texte, contexte et intertextualité, Pessac, MSHA, 2013, p. 39-52.

Document mis en ligne le 27 juillet 2012 sur le site http://www.serbica.fr

 

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