♦ Archives 


 

ELEMENTS  VETEROTESTAMENTAIRES  DANS  LA  POESIE  SERBE CONTEMPORAINE

par

BORIS LAZIĆ

 

Les quatre canons, 1996, d’Ivan V. Lalić ; La semaine, 1999, de Milosav Tešić et A l’ombre de l’ange, 2000, de Zvonimir Kostić Palanski.

 

Postmodernisme et Société de la frontière

L’expression Société de la frontière s’applique aujourd’hui, hélas, à l’ensemble de l’espace culturel des Slaves du Sud (Cioran, débonnaire, y inclus l’ensemble des Etats balkaniques). Ce dénominateur commun des cultures signifierait que le centre, en tant que tel, représente par essence une culture étrangère. L’écrivain croate Miroslav Krleža soutenait que le centre des chrétientés catholiques, Rome, où orthodoxes, Constantinople, étaient au cœur de ces identités disparates, souvent opposées. On pourrait ajouter à cela Istanbul, pour les communautés de culture mahométane. En ce sens, Krleža, dans son essai « Illyricum sacrum »[1] opposait aux modèles culturels étrangers (modèles de civilisations) les valeurs autochtones, qu’elles fussent expressions des traditions bogomiles ou populaires, païennes, en vue de l’établissement (projet certes utopique) de racines yougoslaves communes. Danilo Kiš estimait qu’il aurait fallu s’identifier et se présenter, dans nos relations à l’étranger, en tant que Yougoslaves, tout autre représentation de soi renvoyant l’interlocuteur aux dissensions internes qui, selon lui, nous rendaient incompréhensibles aux yeux des étrangers. Ces racines communes, pensait-on, permettraient d’établir des vecteurs communs au sein même des cultures yougoslaves et de marginaliser cette tension entre centre et périphérie, cultures slaves, Rome ou Byzance, Europe ou Russie.

La position de l’écrivain postmoderne est, dans cette Société de la frontière, doublement paradoxale : il œuvre dans un monde fragmenté, il construit à même les ruines, et compose, sur la base de fragments épars, non sans ironie, les siens propres. L’écrivain postmoderne est témoin de la périphérie alors même que son esthétique est une esthétique dominante. Son œuvre, toutefois, n’est pas une œuvre engagée ; son seul engagement est le refus lucide de toute idéologie, avec un accent sur la réflexion et le dialogue à propos du réel. Montage, citation, intertextualité et transtextualité sont ses moyens formels (moyens formels d’investigation). Le critique contemporain Mihajlo Pantić a dit, à propos de l’œuvre de Danilo Kiš :

« …Kiš a déplacé la littérature serbe de la sphère du haut modernisme (absence de transcendance, mutisme et désespoir face aux horreurs de l’histoire, la question de l’éthique) vers l’horizon postmoderne qui proclame la mort de l’homme et la fin de la civilisation historique, là où débute l’immoralisme idéologique et technique, l'arbitraire d'un quotidien où le pouvoir forme l’intérêt et où l’intérêt donne forme à la vérité. Il n’y a pas de consolation dans les livres de Kiš ».[2]


Entre chaos et création, de la poésie du sentiment religieux en période de guerre

Mais s’il n’y a pas, pour l’esprit postmoderne, de consolation, et que l’absence de transcendance conduit à la mort de l’homme (ce dont témoigne la littérature contemporaine), alors même que, dans les relations politiques prévaudrait l’immoralisme, sur quoi reposerait toute quête de sens, à plus forte raison une quête spirituelle ?

Quête de spiritualité, quête de sens, certes ; mais ironie de l’esprit avisé est signature de cette quête. Dans un monde en déliquescence l’ordre du jour est : tradition. Tradition au sens où la comprend T. S. Eliot. Cette tradition, dans la culture serbe, est slavo-byzantine. Pour tout ce qui touche à la réflexion religieuse (en tant que quête de sens), elle est principalement orthodoxe. L’éclatement du bloc socialiste, les guerres civiles, le marasme économique et social, la décomposition idéologique poussent au renouvellement possible de ces jalons traditionnels. L’esthétique postmoderne constate le relativisme éthique : c’est pourtant à partir de là que l’écrivain postmoderne travaille son œuvre ; si l’époque est cynique, lui ne l’est peut-être pas. Là encore, le poète questionne, il témoigne de la souffrance ; il n’apporte pas de réponse et tel n’est pas son propos.

La Rome médiévale, chrétienne et universelle, introduit le monde slave à l’écriture, à la pensée antique et la sensibilité chrétienne. Toute pensée chrétienne découlant, nécessairement, de la pensée hébraïque. C’est le cas pour la théologie, c’est aussi celui de la poésie. Notamment du canon liturgique, composé sous forme de parallélisme, dès la tradition syriaque, et sous forte influence des psaumes, qui constitue l’essentiel de la poésie serbe médiévale.

C’est un fait que le canon orthodoxe fut renouvelé sous l’ère communiste, à l’encontre des doctrines littéraires officielles. Apogée de la byzantinologie, anthologie des canons, traductions du slavon au serbe vernaculaire, études comparées et thématiques : on systématise tout un champ de connaissance, on ouvre la voie au renouvellement des formes et contenus, on renoue un dialogue longtemps interrompu. La poétesse Desanka Maksimović, dans son recueil Je demande grâce[3] , composé sous la forme d’un dialogue lyrique avec le code du tsar Dušan (1344) – dialogue d’un poète et d’un législateur qui n’est pas sans rappeler les Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar – renouvelle l’imprécation psalmique, témoigne le besoin de justice dans une œuvre aux forts relents polémiques face aux répressions du pouvoir titiste. Son cas fera école.

Poème liturgique et poésie moderne de tradition chrétienne orthodoxe : renouvellement de la forme et du contenu chez Ivan V. Lalić

Les motifs bibliques récurrents chez les trois poètes – Ivan V. Lalić, Milosav Tešić et Zvonimir Kostić Palanski – sont : la chute, la mort, la (sub)création. La chute, ce huitième jour du monde, jour du dépérissement, de la mort, cette réalité de la souffrance sont abordées de manières diverses chez chacun. La création artistique est, elle, conçue comme un reflet de l’acte créateur divin : reproductrice, elle représente une volonté d’apologie – critique – du réel. Les poèmes, reproductions de l’acte divin, premier, fruits de la (sub)création, sont autant d’interprétations possible du monde, de jaillissement d’images aux vertus esthétiques. Ces images, reprenant la tradition symboliste, exprimeraient la face cachée des choses, l’« harmonie invisible par-delà le visible chaos ».

Les années quatre-vingt dix, en Serbie, sont des années noires, des années de chaos. Lalić, qui chante depuis les ruines, compose ses quatre canons sous la forme du canon byzantin : ils comprennent chacun neuf chants de longueur inégale, écrit en vers libre, dont la structure suit celle des psaumes. Il s’agit de parallélismes au sein de chaque chant, et d’échos des chants précédents dans les canons suivants. Le canon originel reposait sur la louange, d’un apôtre, d’un ange, du Christ, de la Vierge, d’un saint. Les vers accompagnaient le plus souvent un chant à quatre ou huit voix. Ces chants, qu’il ne faut pas confondre avec la liturgie orthodoxe, celle de saint Damascène, par exemple, ont leur place dans des services religieux précis, inscrits dans le calendrier liturgique Julien. Le poème de Lalić repose à la foi sur cette tradition et sur la tradition littéraire moderne : son vers est libre, ample, contaminé de citations inter et transtextuelles. Bien que d’essence religieuse, ses références, formelles, renvoient aux Quatre saisons d’Eliot, dont il a été le traducteur. Dans ces variations sur le même thème (immoralisme idéologique, technique, asservissement des individus et des nations, êtres sans repères ni certitudes, mort de Dieu qui nécessairement renvoie à la mort de l’homme), l’Eternel des armées et la Vierge sont pris à témoins. Le premier figurerait l’idée de Providence et l’idéal de Justice, immanent, la seconde est Figure de consolation. Sa caractérisation repose aussi bien sur la théologie mariale que sur une des figures les plus rarement étudiées en théologie : celle de la « Sagesse » vétérotestamentaire, dans un certain sens personnifiée à l’ère chrétienne par la figure de Marie. Cette Sagesse, qu’évoquent aussi bien les psaumes que les prophètes et dont parle le Qhohélet, liée à la figure d’Adonaï, formera, dans les textes de l’Ancien testament, une sorte de Figure binaire. Il est possible que les valeurs véhiculées par ce terme générique renvoient à des traditions antédeutéronomiques, difficilement identifiables aujourd’hui. Lalić, qui évoque l’épopée de la libération d’Israël, les grandes images de l’Exode, notamment celles de la création[4], met au cœur de son poème le besoin de paix. En ce sens, ce poète, qui lui est croyant, porte cette certitude :

« Il est écrit : Tu nous donneras ta paix, car toutes nos œuvres sont œuvres de tes mains. Cela signifie que tu as de nouveau violé un cessé le feu ce matin, par un incident dans la zone de séparation de ces deux haines camouflées par la brume sur ton Danube maladif. Tes morts, toutefois, s’éveilleront, ceux qui habitent la poussière s’éveilleront et te glorifieront ; et mon corps, mort lui aussi, se lèvera… ».[5] 

Ce Dieu, hébraïque, qui comprend tout et dont tout découle, est aussi, selon Lalić, porteur de paix. Sa justice, synonyme de paix, signifie le pardon. La vision apocalyptique du poète appelle à l’« apocatastase », au retour à Dieu, au pardon universel. Lalić dit :

« Il est écrit : c’est par ton esprit, qui est en moi, que je te cherche, dès l’aurore… »[6] ; « Le Seigneur rend pauvre ou riche, humilie et élève, dit le livre ; il faut rendre gloire à ce que  cette oscillation a d’incontestable … »[7] ; « Rendre gloire est notre devoir : rendre gloire au minéral, à l’animal, au végétal… »[8] ; « Au début était le verbe, dit le livre, et tout fut créé par lui : l’absence visible d’harmonie et l’harmonie invisible… »[9].

Il s’agit, par-delà le prophétisme biblique, de l’expression d’une confiance essentielle, d’à même les ruines, il s’agit d’une affirmation et d’une glorification du vivant, de la vie. Достојно јест / Dostojno jest : il est digne. Digne de rendre gloire. C’est en glorifiant que l’homme recouvre sa dignité.

Le poème de la création : « La semaine » de Milosav Tešić et le livre de la Genèse, l’hypertexte

Tešić évoque un autre mysticisme. Poète de la nature et du monde végétal, poète de la culture rurale, excellent connaisseur de la langue, brillant versificateur (il compose sa « Semaine » de la création sous la forme de chants lyriques et d’un psautier ou la versification, à la différence des canons et psautiers traditionnels, répond à un besoin de structure plus élaborée : le vers décasyllabique, la trochée, le ïambe, l’amphibraque et l’hexamètre). « La semaine » et « Semaine avec petites matines » fonctionnent de façon suivante : « La semaine » est une suite de rondeaux de formes ïambiques qui suivent, au jour le jour, la semaine de la création. Les « Matines », aux versifications variées, sont une apologie de l’acte divin créatif ; elles font écho aux premiers chants mais forment aussi une interprétation apocalyptique du « huitième » jour du monde. La richesse formelle de la versification correspondrait à la richesse du monde créé. Comme chez Lalić, on retrouve dans les versets de Tešić nombre d’allusions aux œuvres de ces prédécesseurs, qu’ils soient romantiques ou modernes (Njegoš, Dučić, Rakić, Lalić, etc…). La structure des matines correspond, par contre, à celle des psaumes : leur contenu évoque notamment les psaumes 55, 102, 103, 22, 92, 83. C’est surtout sur le plan des métaphores, des images que ces liens sont effectifs. Tous les poèmes débutent par une invocation de l’Eternel des armées (idée immanente de Justice), pour finir par une prière à la Vierge. Les images poétiques culminent dans la « Rose du dépérissement », présente au cœur même de la semaine de création (Среда / Sreda, Mercredi – en serbe signifiant milieu, centre, et par extension sémantique harmonie – est dans le poème le jour de création du monde végétal). Il est dommage que cette image n’est pas eue de plus amples ramifications. C’est dans le cœur vivant de cette harmonie que se trouve la possibilité de sa désagrégation (Tešić évoque à plusieurs reprises les désastres écologiques hérités de l’industrie socialiste ou provoqué par les bombardements de L’Otan). Mais Tešić est avant tout poète de l’Eros, du principe et de l’élan créatif. C’est un auteur qui, certes, renouvelle les formes, renoue les liens avec la tradition poétique cosmologique (notamment avec La lumière du microcosme de Njegoš), avec les visions apocalyptiques, les parousies salvatrices. Pourtant, une erreur d’importance s’insinue dans son éloge du livre de la Genèse : suivant le calendrier orthodoxe, Tešić situe le septième jour un dimanche, omettant ainsi l’importance du sabbat hébraïque. Cela a pour conséquence une méconnaissance de la théologie du sabbat, jour de commémoration du salut (selon le décalogue de l’« Exode »), jour de commémoration de la création (selon le décalogue du « Deutéronome »). Cette méconnaissance de la théologie constitue, par ailleurs, le plus gros handicap de l’œuvre. Ces inconséquences apparaissent sur le plan des idées et donc, en poésie, sur l’absence d’images pertinentes qui donneraient aux sources bibliques une nouvelle portée, contemporaine. Le paradoxe veut que ce poète, qui attache le plus d’importance à l’architecture, à l’aspect formel de son ouvrage, perde de vue l’exactitude du propos, et devienne inapte à en rendre la pleine mesure, la profondeur. Lalić et Kostić Palanski ne commettent pas cette erreur. Pourtant samedi se dit en serbe subota. On en devinerait aisément l’origine linguistique. Le problème tient du fait que Tešić, poète d’une culture (son élan mystique embrasse la langue et culture serbes et les transfigure dans sa poésie par des images aux vertus esthétiques), est plus rarement poète du dialogue des cultures. Cela tient au fait que sa mystique est une mystique de l’abandon au monde naturel ; sa poésie l’éloge de ce monde. Le peu d’images rares et nouvelles démontrent qu’il n’est pas en mesure d’aborder un autre thème : et le vers « je voix le monde par les yeux des plantes », vers célèbre, tiré du poème « Rosa canina », résume parfaitement notre propos.

Le prophétisme hébraïque, les figures fondatrices et une société, un monde en déliquescence : entre mémoire et témoignages poétiques, lectures croisées des poèmes de Lalić, Palanski et Tešić

Le prophétisme et le spiritualisme hébreux sont au cœur des poèmes de Palanski. Son recueil A l’ombre de l’ange[10] a reçut, en 1999, année terrible, le grand prix du jury de l’Union des communes juives de Serbie. Des personnalités aussi éminentes que l’historien de la littérature Predrag Palavestra, les écrivains Filip David et David Albahari ont reconnu la valeur de ces poèmes, notamment, selon Albahari, cette « recherche des significations et valeurs des écrits bibliques pour notre temps ».[11] Témoignages et prophéties vétérotestamentaires sont matière à analyses, commentaires, applications interprétatives variées dans le monde présent. Le « chaos visible et l’invisible harmonie » de Lalić est aussi le credo poétique de Palanski. Bien que « la frêle mémoire » ne puisse longtemps « résister au déluge du doute »[12] , bien que le monde soit, selon l’image de Tešić, « rose de la désagrégation », persiste l’espoir. L’espoir, grande leçon des écrits bibliques. Espoir conquis à mesure de souffrance surmontée. Les pierres des autels sacrificiels, édifiés par les patriarches, réinterprétés comme « infime sceaux de l’espoir », représentent des sceaux qui, toujours selon Albahari, « ne peuvent êtres brisés sans la mémoire, et cette mémoire n’est vive que là où la Parole biblique est vive, protégée du silence de l’oubli »[13].

La Thora est cette matière essentielle à partir de laquelle Palanski compose son chant. La figure de l’ange est, elle, au cœur des différents cycles du recueil : l’ange est messager et interprète, intercesseur ; il est aussi figure de consolation (les anges : « pétales blancs des astres »). La cohérence sémantique du recueil repose sur cette conscience historique incarnée par la figure du messager divin. L’ange habite l’éternel ; l’homme n’a pour lui que l’heure présente. Pourtant ils communiquent. Mémoire (dont l’ange est dépositaire) et souffrance (expérience de l’unicité humaine) sont les deux pôles auxquels convergent ces poèmes consacrés aux figures tutélaires de Jacob, de Moïse, de Daniel.

À première vue, l’expérience poétique postmoderne témoignerait de l’impossibilité de l’inscription des codes bibliques dans les contenus culturels contemporains. C’est pourtant à partir de ce constat paradoxal que Palanski, comme Lalić avant lui, se risque à raviver certains symboles de cheminement spirituel. Ses images poétiques, qui reposent en partie sur les codes rituels du livre des Nombres, renvoient à leurs significations essentielles : ainsi, les symboles de purification rituelle par l’eau ou le feu représentent, dans ses textes, la purification spirituelle. Le chemin de la souffrance est aussi celui des révélations futures. Le combat avec l’ange toute souffrance surmontée, conquise, transfigurée. Ainsi cette purification spirituelle représenterait les transfigurations permanentes de l’être. Lisons le poème :

La corbeille en tige de papyrus

« Dans cette corbeille en tige de papyrus, tressée
par l’angoisse et les tremblements,
tu planes comme l’esprit au-dessus des eaux.
 
Ce n’est pas une défaite, puisqu’il n’y a pas d’autre issue possible.
C’est le seul espoir, posé sur la rivière,
qui te berce et te mène
vers l’expérience,
lorsque s’ouvrira la mer
comme s’écartent les roseaux
aux souffles du vent et de l’inquiétude.
 
Alors que tu navigues sous un ciel ombrageux
parmi les ombres des feuilles vertes
qui tremblent comme l’air du rivage,
sur l’eau repose une inscription parfaite,
et à l’heure propice,
tu la transmettras sur le parchemin.
 
Tu te rapproches du rivage et des anges
te font place ;
ils te choisissent un sein.
 
Le miracle s’opère. Sauf pour ceux
qui pérégrinent sans cesse
par les écrits occultes. »[14]

Palanski est avant tout effectif sur le plan de la production d’images et de sens. À propos du petit enfant Moïse abandonné aux courants du Nil, il dira : « ce n’est pas une défaite, puisqu’il n’y a pas d’autre issue ». Cette pensée, par ailleurs, plonge dans l’épopée serbe et fait écho au vers classique du grand Njegoš : « que soit ce qui ne peut être »[15].  Dans ce poème, représentatif de l’ensemble, Palanski opère par comparaison : les éléments matériels de l’instant présent renvoient aux évènements futurs. Une preuve de force, de détermination au moment présent préfigure une victoire future. Le prophétisme s’encre dans l’expérience des choses vécues. L’ensemble de son recueil, qui est une réflexion sur l’histoire d’Israël, est une réflexion sur l’histoire en tant que cheminement spirituel. Histoire de l’individu, mais aussi du collectif auquel il appartient. Les souffrances surmontées, conquises, transfigurées ouvrent les voies à d’autres degrés de l’être. À des richesses insoupçonnées.

Conclusion

Le domaine poétique est éminemment esthétique : la poésie est productrice de sens et de beauté. Dans leurs dialogues avec l’Ancien testament, les poètes contemporains, reprenant la forme du parallélisme biblique, posent, dans un contexte contemporain, le problème du mal, de la souffrance et de l’oubli. L’éloge de la création est doublé du besoin de donner un sens à la souffrance (conséquence de la chute qui est, sur un plan psychologique, déchirure de l’être), d’insuffler à la souffrance une dimension eschatologique, salvifique. Les récits bibliques et le jeu intertextuel vétérotestamentaire dont ils forment la source (récits au cœur de l’identité hébraïque), servent aussi de base à la réflexion sur le besoin de mémoire, intimement lié à la réalité de la souffrance. Il s’agit d’une poésie qui traite des transfigurations de l’âme purifiée par la souffrance, par la lutte avec l’ange. De même que dans l’Ancien testament, les poètes y ajoutent une dimension collective, nationale. Mémoire des maux et désastres présents (politiques, économiques, écologiques d’un pays en ruine et exsangue), promesse de salut dans l’Idéal de justice figuré par l’Eternel des armées dont on glorifie les œuvres, puisque glorifier (qui présume aussi la volonté de comprendre, et donc de pardonner) restore la dignité de l’homme.

 

BIBLIOGRAPHIE

Miroslav Krleža, Eseji, Zagreb, 1981.
Ivan V. lalić, Četiri kanona, Belgrade, 1996.
Desanka Maksimović, Tražim pomilovanje, Belgrade, 1964.
Petar Petrović Njegoš, Gorski vijenac, Belgrade, 2005.
Zvonimir Kostić Palanski, U senci anđela,  Niš, 2000.
Mihajlo Pantić, Kiš, Belgrade, 1998.
Milosav Tešić, Sedmica, Belgrade, 1999.
 


NOTES

[1] Miroslav Krleža, Eseji, Zagreb, 1981, p. 23.

[2] Mihajlo Pantić, Kiš, Belgrade, 1998, p. 74.

[3] Desanka Maksimović, Tražim pomilovanje, Belgrade, 1964.

[4] Il dira : « Les choses sont mal ordonnées en cette huitième journée » (Ivan V. lalić, Četiri kanona, Belgrade, 1996, p. 10.).

[5] Ibid., p. 27.

[6] Ibid., p. 55.

[7] Ibid., p. 67.

[8] Ibid ., p. 66.

[9] Ibid ., p. 41.

[10] Zvonimir Kostić Palanski, U senci anđela,  Niš, 2000.

[11] Ibid., p. 75.

[12] Ibid., p. 5.

[13] Ibid., p. 75.

[14] Ibid., p. 6.

[15] Petar Petrović Njegoš, Gorski vijenac, Belgrade, 2005.

 

In : TSAFON, Revue juive du nord, n°51, 2006, p 49-58.

 

 Mentions légales
UMB logo Bx CLARE logo logoMSHA Logo MKS
Designed by JoomShaper