Dossier spécial
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novembre 2012
               Sterija1_-_portrait 

Le père de la comédie serbe

JOVAN STERIJA POPOVIĆ

(1806-1856) 

Présentation : Sava Andjelković

PORTRAIT DE STERIJA

Surnommé le "père de la comédie serbe", créateur du genre dans son pays, Jovan Sterija Popović – que la critique désigne simplement et affectueusement sous le nom de "Sterija" – apparait sur la scène littéraire à une époque où ni le théâtre ni la langue littéraire en Serbie ne jouissaient de positions stables et solides. Pourtant très cultivé, doué et prolixe, il s'essaya à tous les genres : prose (textes courts humoristiques, romans historiques sentimentaux mais aussi un autre de facture étonnamment moderne), poésie (marquée par le néoclassicisme, mais se distanciant, à l'époque de sa maturité, de celle de ses contemporains par un refus de cultiver les mythes), drames historiques et tragédies (où l'histoire médiévale, des Balkans en général et de la Serbie en particulier, et notamment la bataille de Kosovo, occupent une place importante)... [...]

De nos jours, ce sont avant tout ses poésies (Davorje, 1854), son Roman sans roman (Roman bez romana, 1838), et ses comédies (il en écrira treize, dont trois en un acte) qui représentent son héritage vivant. Dans ses comédies, Sterija s’est fait le peintre de la "bourgeoisie biedermeier" de la Voïvodine de l'époque : elles reposent, en règle générale, sur le conflit qui oppose une société patriarcale, encore liée à la terre, et les nouvelles valeurs d'une génération appartenant à la couche de la société urbaine la plus européanisée. [...]

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L'AVARE  / TVRDICA ILI KIR  JANJA (1837)

Pour un lecteur français contemporain, le titre l'Avare suivi du nom d’un auteurqui n'est pas Molière (et, surtout, un nom à consonance balkanique) est propre à éveiller aussitôt l'intérêt, mais peut-être aussi la suspicion. C'est pourquoi il faut souligner d'emblée que cette comédie, même si on peut la qualifier de "moliéresque", est une pièce originale qui ne cède en rien à la comédie du même nom du grand classique français. Par ailleurs, le titre original Tvrdica n'étant pas suffisamment caractéristique de la pièce serbe, les éditeurs éprouvèrent le besoin de lui ajouter "ou Kir Janja". Depuis, comme "harpagon" en français, "kir-janja" en serbe est devenu un nom commun qui est entré dans le dictionnaire au sens d'avaricieux, de pingre. [...]

La popularité et l'authenticité du personnage de Kir Janja sont attestées par son identification avec l'auteur, au point que Jovan Sterija Popović fut surnommé Kir Janja et plus connu à Belgrade sous ce nom que sous celui de Popović.

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A lire aussi : Un extrait de l’Avare
(Trad. par A. Stefanović et P.-L. Thomas)

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LA COURGE QUI SE DONNE DE GRANDS AIRS / POKONDIRENA TIKVA (1838)

Dans La courge, par le procédé in medias res, le thème principal est aussitôt introduit, à savoir l'exigence de noblesse, autoritaire et impératif, sans mots superflus : "je ne veux plus que tu sois comme tu l'as été." Sterija nous montre, dès l'exposition, son héroïne qui a déjà décidé de se transformer elle-même et de tout transformer autour d'elle : Fema veut "la noblesse" sur-le-champ, renie son passé et sa famille ; ses idées fixes, déterminées dès le début, ne se développent guère, et ce sont seulement les preuves de la conviction de l'héroïne de leur bien-fondé qui se multiplient. [...]

Brillamment conçu, le personnage de Fema –  qui oscille entre celui d'une femme liée à son milieu étroit de province et celui d'une femme qui veut s'en émanciper – est devenu l’un des plus célèbres de la littérature serbe : c’est un personnage qui aujourd’hui encore provoque de grands éclats de rire.

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A lire aussi : Un extrait de La courge
(Trad. par P.-L. Thomas et Y. Janković)

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LES PATRIOTES / RODOLJUPCI (1909)

[...] De tous les auteurs dramatiques européens, Sterija a été le premier à vouloir introduire dans une pièce un héros collectif, le groupe des "patriotes", une tentative d'autant plus remarquable que ce "personnage dramatique" est négatif. Cette comédie, au ton sérieux et satirique, vise avant tout à provoquer l'émotion et, ensuite seulement, le rire. Le comique y naît de la passion et de l'égoïsme, qui sont les moteurs du groupe de personnages, il naît des situations où ceux-ci sont placés et, le plus souvent, se réalise sous la forme du comique de mœurs. Les Patriotes – pièce insolite à bien des égards – sont une comédie satirique insurpassée et l'un des chefs-d'œuvre du théâtre serbe, susceptible d'intéresser un large public européen. [...]

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A lire aussi : Un extrait des Patriotes
(Trad. par P.-L. Thomas)

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J. S. Popović et l'héritage littéraire en français et en allemand
par Sava Andjelković

[...] La tradition littéraire, et celle de la comédie en français et en allemand, ont un rôle initial dans l’œuvre dramatique de Sterija, eu égard à la situation de discontinuité dans la littérature serbe au moment où apparaît Sterija. La comédie de Sterija a des points de contact avec des œuvres solidement ancrées dans l’héritage littéraire européen, ainsi qu’avec d’autres qui sont tombées dans l’oubli ; ces dernières sont surtout des œuvres en allemand qui, tout comme leurs auteurs, n’ont pas surmonté l’épreuve du temps. Sterija reconnaissait trouver ses idées chez d’autres écrivains, mais soulignait également que son œuvre était originale, précisant que l’auteur dont il s’inspirait et lui-même avaient certes la même idée de départ, mais que leurs approches étaient différentes. [...]

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Le Don Quichotte serbe
par Milivoj Srebro

Roman sans roman (Roman bez romana) n’est pas seulement – selon Milorad Pavić, auteur du célèbre Dictionnaire khazar – une "œuvre exceptionnelle de la littérature serbe du XIX e siècle", c’est aussi « l’un des meilleurs ouvrages de la prose serbe en général". L’un des meilleurs, certes, mais également, ajoutons-le de notre part, l’un des plus audacieux et des plus originaux ouvrages serbes ; bref, l’un de ces livres qui, comme aujourd’hui le Dictionnaire khazar, dépassent "l’horizon d’attente" de leur temps et ouvrent à leurs successeurs de nouveaux champs d’investigations, hors de sentiers battus. Ecrit en 1832, à une époque où le roman serbe en était toujours à ses débuts et en proie à toutes les "maladies puériles" propres à un genre en éclosion, cet étonnant livre de Jovan Sterija Popović apparaît, encore aujourd’hui, comme – pour reprendre l’expression de Jovan Deretić – un véritable "petit miracle littéraire". [...]

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