SERBICA |
СЕРБИКА |
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SOMMAIRE |
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1 ♦ SOUS LA LOUPE ♦ VASKO POPA |
Apparu sur la scène littéraire au début des années 1950, Vasko Popa – né en 1922 à Grebenac, dans le Banat serbe et mort à Belgrade en 1991 – annonce d’emblée une rupture radicale avec les modèles poétiques alors dominants, rupture déjà perceptible dans la poésie d’un autre poète de sa génération – Miodrag Pavlović. Plus exactement, son entrée en littérature se fait sous le double signe du rejet du dogme réaliste socialiste et de la polémique que provoque son premier recueil poétique Kora [Ecorce, 1953], suivi de Nepočin polje [Champ de l'inquiétude, 1956]... [...] La poésie de Vasko Popa dévoile, à travers un langage accessible et par l’usage d’images aussi pertinentes que singulières, déroutantes à dessein, le fantastique du quotidien, les facettes multiples d’une réalité riche en visions soudaines, enchanteresses. Il s’agit, dans un même élan, de revalorisation de l’héritage littéraire, de la tradition, de diverses couches sémantiques qui, mises en rapport les unes avec les autres au sein de cycles poétiques à l’architecture complexe, ouvrent la voie à de nouvelles synthèses poétiques. [...] >Texte integral< La petite boîte de Vasko Popa [...] La petite boîte est, comme on pourrait dire en musique, une suite avec sa mélodie fondamentale et ses harmoniques. Les cinq premières notes, répétées de proche en proche, tout au long des onze poèmes, lui donnent, d’emblée, un accent allègre, de futilité presque, et ce rappel constant de la vacuité, de la joie naïve, est une mise en garde permanente contre la boursouflure. Vasko Popa nous invite à nous considérer avec sérieux sans nous prendre au sérieux.[...] >Texte integral<
Un extrait de La petite boîte Les maîtres de la petite boîte N’ouvrez pas la petite boîte Ne la fermez pas Ne la jetez pas à terre Ne la lancez pas en l’air Ne la gardez pas dans la main Mais pour l’amour de Dieu que faites-vous |
2 ♦ UN ECRIVAIN - UNE OEUVRE ♦ |
Radoje Domanović, fondateur de la nouvelle allégorico-satirique serbe Esprit à la fois idéaliste et rebelle, prosateur à la verve satirique frôlant souvent le grotesque et l’absurde, Radoje Domanović occupe une place importante dans l’histoire de la littérature serbe moderne : celle du fondateur de la nouvelle allégorico-satirique.[...] Les satires de Domanović poussent sur le même sol que son engagement politique : le refus de rester muet face à l’inadmissible. Elles se nourrissent, chez cette nature rebelle et peu encline aux compromissions, de la fidélité à un idéal de courage intransigeant, qui lui a été transmis à travers la lecture des chansons de geste. Apparenté aux réalistes, ce père de la nouvelle satirique serbe reste au fond un romantique incapable de pardonner à ses compatriotes d’avoir trahi les idéaux qui les ont, un siècle plus tôt, aidés à se libérer du joug ottoman. [...] >Texte intégral<
Même si sa courte vie ne lui a pas permis de faire fructifier davantage son extraordinaire talent de satiriste, Radoje Domanović a légué à la postérité plusieurs récits anthologiques. Parmi ces récits, pour la plupart allégorico-satiriques, il convient d’évoquer en particulier les suivants : Stradija, Mrtvo more (Mer morte), Ukidanje strasti (Abolition des passions), Vođa (Le Guide), Danga (Au feu rouge) et Kraljević Marko po drugi put među Srbima (Kraljević Marko de retour parmi les Serbes). Dans tous ces récits, l’écrivain brosse, tout en recourant aux procédés narratifs typiques de la satire, une image à la fois allégorique, fantastique et grotesque de la Serbie de son époque. En fait, ces procédés ont pour fonction de mieux accentuer l’absurdité et la laideur d’une réalité sociale où se profilent la dégradation morale, l’immobilisme, la corruption et la dépravation des mœurs.[...] >Texte intégral< |
3. ♦ UN LIVRE QUI CHERCHE UN EDITEUR ♦ |
Le bouc qui ne se laisse pas monter de Tiodor Rosić Ce recueil de nouvelles occupe une place particulière dans l’œuvre de Tiodor Rosić car, cette fois encore, l’auteur a délaissé les sphères qui lui étaient familières pour s’aventurer dans un genre nouveau pour lui, le fantastique. Publié en 1987, cet ouvrage n’entraîne pas le lecteur sur les chemins alors en vogue de la science-fiction mais lui propose des situations où le quotidien se révèle inexplicable, côtoie le mystérieux, voire ouvre sur le surnaturel. [...] >Texte intégral < Un extrait du livre La maison où on fabrique du savon [...] Il sursauta quand, dans la chambre de la vieille femme, l’horloge piqua deux heures. Il était en nage. Avec, dans les reins, une sensation de douce chaleur. Il entendit alors une respiration régulière qui troublait le silence dont bourdonnaient ses oreilles. Il rejeta la couverture, d’un bond fut debout, tremblant de tous ses membres et à tâtons, il chercha l’interrupteur. Sur le lit, blottis l’un contre l’autre, les deux chats dormaient paisiblement. Il vit la porte entrouverte. Sans maîtriser ses tremblements, il revint à son lit, empoigna le drap du dessous. Les chats dégringolèrent, lancèrent à la ronde un regard effaré, filèrent par la porte entrebâillée. Ses esprits retrouvés, il voulut refermer mais, voyant à quel point la porte était gauchie, il comprit de quelle façon les chats avaient pu entrer dans la chambre. Il attrapa sa valise, la posa sur le lit, sortit un pull, un pantalon, une chemise, et laissa les vêtements qu’il avait quittés. Puis il referma la valise et la posa à côté de son lit. « Ça ne ferme pas , se dit-il en se dirigeant vers l’interrupteur, et ils seront revenus. » Mais alors qu’il tendait le bras pour éteindre et esquissait un demi-tour pour aller se recoucher, il avisa la carpette. Et frémit. Elle était en boule. Surmontant de vagues soupçons, une sensation de malaise doublée d’inquiétude, et un obscur pressentiment, il étendit le tapis de lit. Et, en se baissant, il découvrit une trappe. Courbé au-dessus de l’abattant, il demeura longtemps sans oser reculer ni faire le moindre geste. Le pourtour des yeux lui brûlait, sa gorge était nouée. En tentant de se persuader qu’il n’avait rien à craindre, partagé entre l’angoisse et le désir de vaincre sa peur, il tendit résolument le bras. L’abattement se releva dans un grincement. Par l’ouverture qui se devinait s’échappa une bouffée d’air humide. La main tremblante, il craqua une allumette ; elle s’enflamma, découvrit un escalier qui plongeait en profondeur... [...] >Texte intégral< |
4 ♦ La Bibiotèque de Serbica : L'ATELIER DE TRADUCTION ♦ |
"Langueur et colère" - un choix de poèmes de Radivoj Stanivuk [...] Radivoj Stanivuk est poète de la langueur, de la colère, mais aussi de la culture, de la connaissance ; érudit, il est aussi religieux au sens gnostique et mystique. Sa poésie représente un vaste dialogue avec la tradition littéraire moderne qui privilégie, sur le plan de la forme, le souffle long et sur le plan du contenu, l’évocation de l’espace urbain des mégapoles tentaculaires contemporaines. Elle suggère à la fois une forte idée d’engagement social et une apologie de la vie intérieure. Les instants de grâce, d’épiphanie poétique, rédemptrice, sont les résultats soit des rencontres avec les œuvres d’art, soit de l’abandon à la nature. [...] >Texte intégral< Un extrait de "Langueur et colère" Du poète Tout ce qu'on peut dire de l'homme, du poète : plus humble que l'herbe, plus humble que la tombe. Même les abricots, confinés dans des camps de nylon pour un long usage, dans les grandes surfaces, jouissent de plus de droits que lui : le droit de se corrompre, le droit d'être lavés, le droit de pourrir entièrement ou, en fin de compte, d'être consommé. Le jambon est du moins conservé, c'est à dire – transparent. Le poète est-il transparent, affiche-t-il parfois, à l'instar des autres, les banderoles de sa corporation ? Y attache-t-il la moindre importance ou est-il simplement non-homme, non-être, fluidité, langage ? Indéterminé, incompréhensible, incompris. Est-il fruit de notre monde ou vampire, cosmonaute venant d'une autre planète, quelque chose de beaucoup plus inhabituel, dont les mots nous manquent pour le définir ? Est-ce la parole même, du début du monde, jetée dans le vide des matières corporelles, dont l'âme minérale scintille parfois ici même ? Solitaire et recluse, telle la mer, éloignée du rivage. Tout ce qu'on peut dire de la mer, du poète : plus humble que l'herbe, dépressif, plus humble que le poème, plus humble que la tombe. |
5 ♦ ÉTUDES DE RÉCEPTION ♦ |
La réception de la littérature serbe en France jusqu'en 1945 Les premiers contacts notables entre des Français et des Slaves du Sud, des Serbes en particulier, ont été établis – selon Mihailo Pavlović, l’un des chercheurs les plus assidus des relations culturelles entre les deux peuples – au temps des Croisades. La preuve en est l'importance des témoignages – écrits en latin et en ancien français – des chroniqueurs qui ont accompagné les croisés sur leur chemin vers la Terre Sainte. Depuis ce temps lointain, l’intérêt des Français pour les Serbes n’a cessé de s’accroître pendant les siècles suivants, mais sans jamais prendre l’allure d’une exploration systématique et approfondie. Plus précisément, cet intérêt, plutôt aléatoire et souvent motivé par des raisons utilitaires, est longtemps resté le privilège, ou « l’affaire », d’une élite restreinte constituée de divers diplomates qui ont également, à côté d’un certain nombre d’historiens et de voyageurs curieux, écrit sur ce peuple dont l’histoire tourmentée aurait peut-être davantage mérité l’attention des observateurs étrangers. Mais si l’on peut constater que l’intérêt général pour les Serbes, malgré ses motifs et ses aspects aléatoires, a tout de même une tradition séculaire en France, on ne peut pas tirer la même conclusion en ce qui concerne la littérature serbe. L'intérêt pour cette littérature s’est en effet manifesté beaucoup plus tard, au début du XIXe siècle, moment d’un changement considérable, à tous les niveaux, dans les relations entre les deux peuples.[...] >Texte intégral< |
6 ♦ ARCHIVES ♦ |
Belgrade et les Serbes (1868) [...] Nous voici à Semlin (Zemun). C'est un bourg habité par des Serbes auquel le voisinage de Belgrade donne une certaine importance. Le bateau serbe chauffe déjà ; j'y fais transporter en hâte mon bagage et m'élance sur la passerelle. Un gendarme m'arrête. « Votre passeport, monsieur, me demanda-t-il en serbe. - Mon passeport, lui dis-je, dans la même langue, et qu'en veux-tu faire ? Je suis venu de Paris ici sans qu'on me l'ait une fois demandé : je suis Français, tu es Serbe, nous sommes amis. Pourquoi me demandes-tu un passeport ? - Ah ! monsieur, je suis Serbe, répond le gendarme, mais je sers le Schwab (Teuton). Jesam Serbin : ale sloujim kod Schwaba ! » J'eus vraiment pitié de ce pauvre diable ; il était si triste, si humilié en prononçant ces paroles ! Le gouverneur autrichien ou magyare ne voit pas avec plaisir des relations s'établir entre les Serbes soumis à son pouvoir et ceux de la principauté. Au moment de mon voyage, un congrès d’étudiant devait avoir lieu à Belgrade ; les Serbes de Hongrie et les Croates y étaient naturellement invités. Le gouvernement magyare, effrayé, je ne sais trop pourquoi, avait défendu aux étudiants et aux professeurs de se rendre à Belgrade. Grâce à Dieu, je n’étais pas sujet autrichien, et on me laissa partir. Au bout de vingt minutes, j’étais à Belgrade, cordialement accueilli par des amis anciens et nouveaux, connus ou inconnus. [...] >Texte intégral< |
7 ♦ ACTUALITÉS : PARUTIONS ♦ |
L'Atelier du roman n° 72 : un dossier spécial consacré à Ivo Andrić Ivo Andrić Dans son dernier numéro (n° 72, décembre 2012), la revue trimestrielle L’Atelier du roman publie un dossier spécial consacré à Ivo Andrić, unique prix Nobel de l’ex-Yougoslavie. Intitulé « Ivo Andrić / Pour ne pas oublier les Balkans », ce dossier – composé d’une dizaine d’articles rédigés par des universitaires, des critiques littéraires et essayistes français et serbes – jette un nouvel éclairage sur la personnalité et l’œuvre de cet immense romancier et nouvelliste qui, malgré ses dix-huit ouvrages traduits, reste toujours à découvrir en France. >Texte intégral< Alexis-Gilles Troude : Balkans, un éclatement programmé Cet ouvrage se penche sur le destin des nouveaux Etats créés sur le territoire yougoslave et sur leurs chances de stabilisation et de survie dans le contexte actuel. Soulevant autant de questions qu’il apporte de réponses. >Texte intégral< Nina Živančević : L'amour n'est qu'un mot La nonchalance ardente qui se joue par L'amour n'est qu'un mot est si intensément prenante que soudain on s'interroge: de quoi est fait ce surplus qui est un rien ? Comment se rattrape ce bond perpétuel, qui rejoint sa propre contradiction? >Texte intégral< |
8 ♦ CHOIX DE SERBICA : LIVRES ET POÊMES DE L'ANNÉE 2012 ♦ |
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