SERBICA
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СЕРБИКА |
Revue électronique |
ISSN 2268-3445 |
N° 24 / novembre 2018 |
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Dossier spécial
LES LIVRES QUI CHERCHENT
UN EDITEUR (III)
Livres de : Dušan Kovačević, Aleksandar Gatalica, Mileta Prodanović, Ivana Stefanović, Saša Ilić, Borivoje Adašević
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Les deux numéros précédents de Serbica ayant présenté une douzaine d’œuvres inédites en français, ce nouveau numéro propose six autres ouvrages et clôtura le dossier Les livres qui cherchent un éditeur. De façon temporaire, naturellement, car Serbica continuera à l'avenir de jouer le rôle d'intermédiaire entre les traducteurs, les éditeurs et les lecteurs français afin de faciliter leur rencontre ainsi que la découverte des meilleurs livres serbes, ces « bijoux » cachés dans la forêt de l’hyperproduction éditoriale.
Milivoj Srebro et l’Equipe de Serbica
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AUTEURS – LIVRES – TRADUCTEUR
1.
DUŠAN KOVAČEVIĆ
Saint Georges tuant le dragon / Sveti Georgije ubiva aždahu pièce dramatique, 1984 traduction collective
2.
ALEKSANDAR GATALICA
Le Siècle / Vek nouvelles, 2000 traductrice : Harita Wybrands
3.
MILETA PRODANOVIĆ
Ultramarine / Ultramarin roman, 2010 traductrice : Harita Wybrands
4.
IVANA STEFANOVIĆ
Chemin de Damas / Put za Damask récit de voyage, 2002 traducteur : Alain Cappon
5.
SAŠA ILIĆ
La Pêche aux oursins / Lov na ježeve nouvelles, 2015 traducteur : Alain Cappon
6.
BORIVOJE ADAŠEVIĆ
Du Troisième royaume / Iz Trećeg kraljevstva nouvelles, 2006 traducteur : Alain Cappon
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1. ♦ DUŠAN KOVAČEVIĆ ♦ Saint Georges tuant le dragon / Sveti Georgije ubiva aždahu Traduction collective sous la direction de Philippe Gelez |
Un héritier des grands maîtres du théâtre serbe : Dušan Kovačević (1948) par Milivoj Srebro
Héritier des figures classiques du théâtre serbe que sont Jovan Sterija Popović et Branislav Nušić, Dušan Kovačević est entré par la grande porte sur la scène littéraire et théâtrale belgradoise : sa première pièce, Les Marathoniens font leur tour d’honneur (1972), fut aussitôt perçue par la critique comme la révélation d’un talent très prometteur. Ses œuvres dramatiques ultérieures – Le Centre de Regroupement (1982), L’Espion des Balkans (1983), Saint Georges tuant le dragon (1984), Le Professionnel (1990) ou, encore, Répétition générale d’un suicide (2010) – ont confirmé les pronostics et démontré que Kovačević a non seulement élaboré sa propre vision du monde dans laquelle le comique côtoie le tragique et l’absurde, mais aussi bâti un univers théâtral authentique où "s'entrechoquent le traditionnel et le moderne, le collectif et l'individuel, l'idéologique et l'éthique, le pathologique et le naturel" (V. Stamenković). Ces œuvres ont également prouvé que leur auteur maîtrise à la perfection tous les procédés de l’art dramatique, tant classique que moderne, et qu’il privilégie, selon ses propres dires, les pièces "bien ficelées" qui s’appuient sur une "structure classique", basée sur "l'ordre" et "les règles strictes". > Texte intégral <
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Un "drame testamentaire" de Dušan Kovačević Saint Georges tuant le dragon / Sveti Djordje ubiva aždahu pièce dramatique, 1984 Présentation de l’auteur traduit par Vladimir André Čejović et Anne Renoue
Serbica : [Depuis le 2014] l’Europe commémore le centenaire de la Grande Guerre. Votre drame Saint Georges tuant le dragon évoque ce terrible "temps de la mort" d'une manière très originale et spécifique. En ce qui concerne cette pièce, le critique Jovan Hristić a noté : "Ce féroce mélodrame se déroule dans un monde grotesque qui semble tout droit sorti des tableaux de Breughel et Bosch sur la scène théâtrale. Le drame de Kovačević est terrible et cruel – jamais encore la guerre n'avait été observée à partir d'une perspective si déformée", et il continue sous forme de questionnement : "Qu'a voulu dire l'auteur ? Que la guerre est quelque chose d'horrible ? Que les Serbes ne savent que mourir, alors qu'ils se gâchent la vie dans d'incessantes querelles et chicanes ?" Est-ce vraiment ainsi que l'on peut interpréter votre regard sur le rôle des Serbes dans la Première Guerre mondiale ?
Dušan Kovačević : […] Je mentionne[rais d’abord] cela en souvenir des hommes qui ont péri durant les nombreuses guerres du vingtième siècle. Sur le territoire de la Serbie, il y a eu cinq guerres : trois guerres balkaniques, en 1912, 1913 et de 1991 à 1995, ainsi que deux guerres mondiales, et comme "guerre expérimentale très spéciale", le bombardement par l'OTAN de la Serbie au printemps 1999. J'ignore quel peuple aurait fait face et survécu à tant d'horreurs, si l'on peut considérer que nous, Serbes, sommes encore vivants.
Mon drame, Saint Georges tuant le dragon, est inspiré par un fait réel qui a eu lieu dans un village, au pied de la montagne de Cer où ont eu lieu la première bataille de la Première Guerre mondiale et la première victoire de l'armée serbe sur la puissante armée austro-hongroise. Dans l'ombre de cette victoire, s'est produit ce sinistre événement de la mobilisation des invalides, semblable aux tableaux déjà cités des peintres de la Renaissance. J'ai écrit cette histoire en hommage aux combattants tués, aux jeunes gens qui ont défendu leurs villages et leurs maisons ; en un peu moins d'une semaine de combats sur la montagne de Cer, 16 000 soldats serbes trouvèrent la mort, en majorité des jeunes conscrits. Ladite Grande Guerre, malgré la gloire des importantes victoires que nous y avons remportées, est certainement notre plus grande tragédie nationale car, on le sait, dans la population serbe vue dans son ensemble un homme sur trois – des jeunes pour la plupart –, mourut au combat ou des suites d'une maladie.
Ce qui m'intéressait dans ce drame, c'était avant tout le destin des morts ; les vivants, eux, arrivent tant bien que mal à se débrouiller. Saint Georges tuant le dragon est mon "drame testamentaire", et certainement mon histoire la plus complexe sur le destin des hommes et du peuple, dans mon pays la Serbie. Il va de soi que cela ne s'applique qu'à ce que j'ai écrit moi-même et non à ce qui a été filmé et ajouté dans le film éponyme d'un metteur en scène dont je ne veux pas mentionner le nom. (Srdjan Dragojević) > Extrait de l’interview avec l’auteur, accordée à Serbica <
A lire : > Saint Georges tuant le dragon < texte intégral
Voir aussi :
> L'Espion des Balkans < > Le Centre de Regroupement < > La Comédie claustrophobe < > La Poubelle cinq étoiles < > Répétition générale d'un suicide < > Les Compères <
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2. ♦ ALEKSANDAR GATALICA ♦ Le Siècle / Vek Traduction : Harita Wybrands ; Alain Cappon
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Un écrivain polyvalent : Aleksandar Gatalica (1964)
L’esprit curieux, éclectique et polyvalent, Aleksandar Gatalica est présent sur la scène littéraire et artistique serbe depuis un quart de siècle, et s’est affirmé à la fois en tant que romancier, nouvelliste, critique musical et traducteur du grec ancien. Depuis son premier ouvrage, Les lignes de vie, paru en 1993, il a publié une dizaine de livres, romans et recueil de nouvelles, parmi lesquels il convient de citer en particulier : Le Siècle (prix Ivo Andrić pour le meilleur recueil de nouvelles en 1999 et prix Umberto Saba en 2010 pour l’édition italienne de l’ouvrage), La mort d’Euripide (2003), Les Invisibles (2008) et, surtout, A la guerre comme à la guerre (2012), roman inspiré par la Grande Guerre. Ce dernier livre, récompensé par le célèbre prix NIN et traduit en plusieurs langues, y compris le français, est sans doute l’œuvre la plus accomplie d’Aleksandar Gatalica. Dans ce « roman à mille visages », pour reprendre l’expression d’un critique serbe, « l'érudition de l'historien et le formidable talent du romancier tiennent en haleine au fil d'un récit envoûtant qui bouscule les frontières de la réalité et de la fiction » (quatrième de couverture, Belfond, 2015).
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Un manège de cirque tragi-comique Le Siècle / Vek nouvelles, 2000 par Petar Pijanović traduit du serbe par Alain Cappon
Emblématique par son titre, à l’instar des autres livres d’Aleksandar Gatalica (1964), le recueil Le Siècle est également unique du point de vue de sa thématique. L’histoire enchaînée d’un siècle en voie de disparition et dans laquelle s’expriment les voix de 101 narrateurs est moins une réplique moderne des Mille et Une Nuits et davantage le récit cruel ou l’herbier narratif de ce que fut le siècle passé. […]
En deux, trois pages pour chacune des nouvelles, la vie est présentée avec davantage de densité que dans les grandes toiles épiques. Les thèmes principaux sont ici tirés de la marge de la vie. Les deux grandes guerres du XXe siècle ne sont vues que de manière détournée et, de ce fait, évoquées de manière plus substantielle que si leur étaient consacrées des centaines de pages alignant les clichés de la fiction historiographique ou guerrière.
En conséquence, la marge sublime, délicate, rayonne ici d’une authentique plénitude littéraire. Par sa totalité, le recueil Le Siècle est un manège de cirque tragi-comique sur lequel tourne le temps, un manège composé d’images marquantes, compactes et stratifiées, à la fois sentimentales et ironiques. […] > Texte intégral <
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L’art de la concision par Harita Wybrands
Après ses prouesses d'orchestration d'un complexe tissu romanesque dans A la guerre comme à la guerre, paru en 2015 chez Belfond, Gatalica peut surprendre encore par son talent de conteur qui se révèle magistralement dans la nouvelle. Il y est décidément dans son élément. Pour l'essentiel, on retrouve la passion bien connue de l'auteur de lire l'époque en inscrivant la petite histoire individuelle dans la grande, l'Histoire proprement dite. […]
Il s'agit ici d'un autre exploit que celui d'un "chef d'orchestre" où il s'était montré maître dans A la guerre comme à la guerre. Cette fois, c'est la concision, le regard décapant, l'art de trouver le détail juste, révélateur de toute une destinée que nous avons comprise en quelques pages. On aurait pu en faire un roman, on n'en a esquissé que quelques traits, mais la vie dans sa concrétude la plus palpable s'est inscrite dans ces pages. […] > Texte intégral <
A lire : > des extraits du Siècle <
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3. ♦ MILETA PRODANOVIĆ ♦ Ultramarine / Ultramarin Traduction et présentation : Harita Wybrands |
Un auteur qui réunit poétique et politique : Mileta Prodanović (1959)
Peintre et écrivain, romancier et nouvelliste, Mileta Prodanović est un auteur serbe d'une qualité rare, dont l'engagement éthique et esthétique a la valeur d'un témoignage grave et ironique qui dénonce toutes les révolutions sauvages et les échecs successifs des gouvernements, un auteur qui réunit poétique et politique d'une façon efficace.
Voir aussi : > Note sur l’écrivain <
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L'art comme antidote Ultramarine / Ultramarin roman, 2010
Ultramarine est un roman original, érudit, d'un genre nouveau où se partagent les deux vocations de l'auteur : peintre et écrivain. Dans ce mélange des genres peu habituel, réside la richesse de ce texte au style tout à la fois poétique et âpre parfois jusqu'au sarcasme. Le talent de l'essayiste quelque peu nostalgique des grandes œuvres du passé rejoint le critique impitoyable d'une société en décomposition où toutes les valeurs sont piétinées par des idéologies corruptrices.
Au moins trois strates balisent cet ouvrage complexe et captivant : un récit quasi autobiographique (figure omniprésente du père) ; une plongée dans l'histoire tragique du délitement de ce qu’aura été la Yougoslavie ; des récits de voyages à travers l'Italie, à la découverte de la peinture renaissante italienne.
Le procédé narratif se déroule à la manière d'un retour rétrospectif vers le passé. Le narrateur se donne pour tâche de vider l'atelier de son père décédé afin de libérer l'espace pour le nouvel occupant. A mesure qu'il classe les papiers accumulés émergent des croquis, des photos, des cartes postales, des lettres... – tout le trésor d'un passé enseveli qui, pour le fils, devenu adulte, ressurgit avec la vivacité poignante d'un "temps retrouvé" et que le roman cherche à reconstruire. Le voyage sera le noyau autour duquel s'organisent ces fragments du passé qui s'enchaînent dans une sorte de biographie tout à la fois du père et du fils. A partir du premier voyage "initiatique" où, enfant – dans la Yougoslavie de Tito – il part avec sa famille pour la première fois dans un pays étranger, l'Italie, jusqu'aux voyages ultérieurs où les mêmes lieux seront explorés par le jeune homme équipé d'un simple sac à dos, puis de l'homme adulte dont le regard enrichi par sa propre expérience ne quittera jamais les premières impressions. […]
Mais il faut revenir sur l'objet principal de ce livre : l'art comme antidote, l'art, avec son pouvoir magique de cicatriser les blessures de la réalité. C'est le message principal de ce texte. […] > Texte intégral <
A lire : > un extrait de l'Ultramarine <
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4 ♦ IVANA STEFANOVIĆ ♦ Le Chemin de Damas / Put za Damask Traduction : Alain Cappon |
Note sur Ivana Stefanović
Compositrice et directrice artistique du festival de musique BEMUS, Ivana Stefanović a étudié le violon et la composition à l'académie de Musique de Belgrade et s'est perfectionnée à l'IRCAM (Institut de recherche et de coordination acoustique/Musique) de Paris après qu'une bourse lui fut accordée par le gouvernement français.
Ses œuvres ont été jouées en Serbie et à l'étranger aux festivals suivants: Gaudeamus, Biennale de Zagreb, Biennale d'Helsinki, BEMUS, BITEF, Prix Italia, Prix Monaco...
Ivana Stefanović écrit par ailleurs des articles sur la musique et la culture pour des journaux et des magazines. Le livre Le Chemin de Damas [Put za Damask] lui a valu le prix Miloš Crnjanski en 2002.
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Compositrice en voyage Le Chemin de Damas / Put za Damask récit de voyage, 2002 présentation de l’auteure
J’ai séjourné en Syrie de la fin de l’année 1995 à septembre 1999, mon mari diplomate y était en poste. Au cours de cette période, j’ai de temps à autre couché sur le papier des notes que je publie aujourd’hui.
Écrire n’est pas ma profession. Je l’ai fait à l’époque parce qu’il le fallait. De cette manière je préservais par la pensée le contact avec des proches qui, eux, traversaient quantité d’événements pénibles et funestes.
Je transcrivais ce que je voyais et ressentais sur mon chemin. Une partie de ces réflexions est de nature documentaire. Tous les événements touchant à la Yougoslavie sont reconnaissables. Tous les noms cités sont exacts.
J’ai quelquefois noté des réflexions qui, d’assez loin, étaient conditionnés par les événements extérieurs. Des protecteurs invisibles m’accompagnaient sur ce chemin, le professeur Srejović et Ljuba Simović. Je ne leur en jamais fait l’aveu. Le premier n’est plus là pour que je puisse le lui dire, et je remercie le second.
A lire : > des extraits du livre <
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5. ♦ SAŠA ILIĆ ♦ La Pêche aux oursins / Lov na ježeve Traduction : Alain Cappon ; présentation : Chloé Billon |
Un écrivain engagé : Saša Ilić (1972)
[…] Romancier et nouvelliste, Saša Ilić aborde dans ses œuvres les thèmes de l’engagement, de la passivité et de la résistance tant au niveau individuel que sociétal, et questionne l’héritage des années 1990 en Serbie : l’apathie de la société et les diverses et subtiles formes que peut prendre la propagande. Certains de ces thèmes sont également évoqués dans son premier roman Berlinsko okno [La fenêtre de Berlin, 2005]. Son roman suivant, Pad Kolumbije [La chute du Columbia, 2010] est tout aussi engagé : il est considéré comme premier ouvrage à aborder l’atmosphère et le langage ayant mené à l’assassinat, réel comme symbolique, du premier ministre Zoran Djindjić le 12 mars 2003.
Après ces deux romans, Saša Ilić est revenu à la nouvelle en publiant la même année, en 2015, deux recueils : Dušanovac. Pošta – kalendarske priče [Dušanovac. Poste – histoires calendaires], primé au 60e Salon du livre de Belgrade, et Lov na ježeve [La Pêche aux oursins]. […] > Texte intégral <
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« N’oubliez pas que les véritables amateurs d’oursins mangent tout l’intérieur » La Pêche aux oursins / Lov na ježeve nouvelles, 2015
La Pêche aux oursins est le dernier ouvrage de Saša Ilić, paru en 2015. Dans ces huit nouvelles, toutes rédigées à la première personne, l’auteur aborde, sur un mode intimiste, l’un de ses thèmes de prédilection – le passé qui ne passe pas, mais reste niché au creux de chacun de ses protagonistes, et de la société serbe en général, comme un oursin aux épines desquelles, dès que l’on plonge un peu, il est difficile d’échapper. […]
Sans pathos, sans manichéisme, les nouvelles de Saša Ilić restent dans une zone grise, nous mettent dans la position désagréable « des gens qui se taisent et vont au travail par rapport à quelques individus exceptionnels », comme le disait l’écrivain à propos de son roman La fenêtre berlinoise. Pire, ces gens qui se taisent sont lucides, conscients des épines qui les piquent, sans pour autant parvenir à réagir ou à y faire face. Or, comme le précise l’extrait de livre de cuisine provençale cité en exergue par l’auteur, « régalez-vous du corail, mais n’oubliez pas que les véritables amateurs d’oursins mangent tout l’intérieur ». > Texte intégral <
A lire un extrait du livre : > Excursion à Lacanau <
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6. ♦ BORIVOJE ADAŠEVIĆ ♦ Du Troisieme Royaume / Iz Trećeg Kraljevstva Traduction : Alain Cappon |
Une voix nouvelle et de premier plan : Borivoje Adašević (1974) par Alain Cappon
Borivoje Adašević appartient à la génération d’auteurs qui a fait ses premiers pas dans l’écriture dans la seconde moitié des années 90. Cette génération formée dans l’ombre des guerres écoulées est apparue sur une scène littéraire en ruine et dans un mouvement d’incessante opposition au régime de Milosević.
Dès ses premiers livres – L’Équilibriste (2000) et Du Troisième royaume (2006) – Borivoje Adašević s’est efforcé de rendre à la littérature ce dont elle avait été privée : une qualité de style, une facture littéraire moderne, une palette de thèmes en phase avec leur époque. De la même façon, il a voulu restituer à la prose un peu de la po/éthique de la narration qu’évoquait en son temps Danilo Kiš. Le lyrisme et la manière de Borivoje Adašević, un style de très grande qualité, ses thèmes – l’effondrement, la perte de l’amour et de l’espace intime, la déshumanisation, la persécution des dissidents politiques...– ont fait entendre dans la littérature serbe une voix nouvelle et de premier plan.
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Un ouvrage taillé comme un diamant Du Troisième royaume / Iz trećeg kraljevstva nouvelles, 2006 par Saša Ilić
Ce recueil de nouvelles, de manière narrative, raconte la Yougoslavie, un pays qui s’est inexorablement effondré et a laissé derrière lui des débris que Borivoje Adašević conteur a su élever au niveau de documents littéraires, d’illustration de son propre passé étroitement lié à la disparition de ce pays. La patrie du conteur, dans les huit nouvelles qui composent cet ouvrage taillé comme un diamant, s’est ainsi vu graver une épitaphe. […]
Du Troisième Royaume relate en réalité le destin de l’artiste et de l’écrivain ("La Mouche sous une coupole de miel)" dans les Balkans, son écartèlement entre son fantastique don d’écriture, sa responsabilité d’écrivain, et les forces historiques impitoyables qui font voler en éclats le destin des héros et d’un pays qui, d’un instant à l’autre, a perdu toute existence hormis dans la littérature d’auteurs tel Borivoje Adašević. > Texte intégral <
A lire un extrait du ivre : > Sur la charrette aux vieux papiers <
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